La police religieuse saoudienne en accusation

Arabie saoudite: Intervention d’Amnesty International après la mort de 15 écolières

Londres/Djeddah, 19 mars 2002 (APIC) L’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International réclame une enquête urgente après la mort de 15 écolières à La Mecque le 11 mars dernier. La police religieuse saoudienne, la très redoutée «Al Mutawa», aurait empêché les filles de sortir de leur école en flammes parce qu’elles ne portaient pas le foulard islamique et la longue robe noire, l’»abaya».

Le Ministre saoudien de l’Intérieur, le prince Nayef ben Abdel-Aziz, a vivement démenti les rapports faisant état du blocage des secours par la police religieuse, à l’origine de la mort de 15 jeunes filles, âgées de 14 à 17 ans, prises dans les flammes de leur école. 50 autres écolières ont été blessées dans cet établissement qui accueille 800 filles.

La presse a stigmatisé le rôle des autorités religieuses, écrivant que les écolières sont mortes parce que les sauveteurs étaient des hommes et n’étaient donc pas autorisés à entrer en relation avec des personnes du sexe opposé. Elles n’ont pu sortir de l’incendie parce qu’aucun homme appartenant à leur famille n’était là pour les accompagner. Le rôle d’»Al Mutawa», ou Commission pour la promotion de la vertu et la prévention du vice, est rarement remis en cause dans le Royaume de tendance wahhabite, un islam sunnite particulièrement fermé.

Le prince Nayef affirme de son côté que les articles de presse sont sans fondement, car la police religieuse était sur place uniquement pour assurer que les filles n’étaient pas sujettes à de mauvais traitements une fois hors de l’école. Bien que le directeur de la police religieuse, Cheikh Jaber al-Hakmi, ait démenti que ses officiers aient gêné les sauveteurs, le chef de la police de La Mecque, Mohammed al-Harthy, a déclaré qu’un membre d’»Al Mutawa» a tenté d’interférer dans le travail des secours. «Il se battait avec un officier de police, essayant de l’empêcher d’entrer dans l’école en flammes». Selon des articles parus dans la presse, la police religieuse empêchait les secours, sous prétexte que c’était «pécher» que d’approcher les filles.

La police religieuse repoussait les filles dans l’incendie

Selon le quotidien saoudien de langue anglaise «Arab News», cité par Amnesty International, des témoins ont déclaré: «Chaque fois que les filles sortaient par la porte principale, ces personnes (les membres de la police religieuse) les forçaient à rentrer par une autre. Au lieu de nous prêter main-forte pour leur porter secours, ils utilisaient leur main pour nous frapper».

La mort des 15 écolières dans la bousculade consécutive à l’incendie du 11 mars a provoqué une polémique inhabituelle dans ce pays conservateur. Le ministre de l’Intérieur, le prince Nayef ben Abdel-Aziz, a demandé l’ouverture immédiate d’une enquête pour déterminer les causes de la tragédie de La Mecque. Le prince héritier Abdallah ben Abdel-Aziz, qui dirige en fait le Royaume, a en outre convoqué une commission ministérielle pour analyser la situation.

Le pouvoir a été forcé d’intervenir après une série d’articles de presse qui ont – fait extrêmement rare ! – osé mettre en cause ouvertement la police religieuse. La police «Al Mutawa» est chargée de veiller au respect de l’ordre moral dans le Royaume. Elle est accusée d’avoir été à l’origine du grand nombre de victimes. Le quotidien «al-Iqtissadiya», citant des témoins, a affirmé trois jours après la catastrophe que la police religieuse avait «empêché» les jeunes écolières de quitter l’établissement en feu car elles ne portaient pas le voile islamique obligatoire en Arabie saoudite.

Les membres de la Défense civile, des hommes, ont été empêchés de pénétrer dans l’école de jeunes filles, la séparation des sexes étant de rigueur. La presse a également réclamé la démission du directeur général de l’Enseignement pour filles, Ali al-Morched. Les responsables de l’Education sont taxés d’incompétence, de corruption et de complicité.

Amnesty International, de son côté, estime que si les rapports de presse se vérifient, «cette affaire illustre de manière tragique les conséquences fatales que peut avoir la discrimination sexuelle» dont sont victimes les femmes dans le Royaume wahhabite. «Lorsqu’une politique de discrimination sexuelle est appliquée par des représentants de l’Etat au mépris de la vie humaine, des mesures doivent être prises de toute urgence au plus haut niveau». Amnesty rappelle que l’Arabie saoudite est partie à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Dans ce pays à l’islam strict, les femmes n’ont même pas le droit de conduire une voiture. (apic/orj/ai/bbc/be)

19 mars 2002 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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