Assassinats en Colombie: des ONG suisses pressent Berne d'intervenir

Face à la recrudescence des assassinats de défenseurs des droits humains et de leaders sociaux en Colombie, des ONG suisses pressent Berne d’intervenir auprès du gouvernement colombien.

En 2017, pas moins de 121 d’entre eux ont été assassinés en Colombie, selon Amnesty International. Les 6 premiers mois de l’année, ce sont déjà 123 défenseurs des droits humains qui sont tombés sous les balles des tueurs.

«Faire cesser cette tragédie»

Dans une lettre adressée à Alain Berset, président de la Confédération, et à Ignazio Cassis, chef du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et datée du 20 juillet 2018, une quarantaine d’ONG demandent à la Suisse d’intervenir auprès du gouvernement colombien «pour faire cesser cette tragédie».

S’associant aux 37 autres organisations signataires de la lettre aux autorités fédérales, Swissaid relève que la situation est si grave que l’ONU a déjà interpellé le gouvernement colombien.

Depuis les élections présidentielles en Colombie en juin dernier, écrit l’ONG suisse, la situation des droits de l’homme et la sécurité des dirigeants sociaux, défenseurs du droit à l’environnement et membres d’organisations communautaires autochtones s’est encore détériorée. Swissaid et les ONG signataires demandent à Berne de s’engager fermement auprès du gouvernement colombien pour protéger les leaders sociaux et les défenseurs des droits de l’homme.

Conditionner la coopération suisse

Comme ce dernier ne réagit pas, il ne reste que la pression internationale, poursuit Swissaid. Les ONG demandent aux autorités suisses  de conditionner la coopération économique de la Suisse avec la Colombie au respect des droits humains sur le terrain.

De son côté, l’évêque colombien Dario de Jesus Monsalve, archevêque de Cali, a qualifié de «véritable tragédie» le meurtre systématique de responsables sociaux et de défenseurs des droits fondamentaux sur tout le territoire colombien.

Il a assuré que le pays devait se lever de manière unanime pour protéger les leaders sociaux et les défenseurs des droits humains et exiger du gouvernement la vérité sur les raisons de ces homicides.

Instructions de tuer

«Je crois que tant que l’on ne démantèlera pas les structures qui sont à l’origine de ces morts, nous ne pourrons pas avoir la sécurité de sauver la vie de quiconque et encore moins celle des leaders sociaux», a-t-il lancé.

Pour l’archevêque, le gouvernement comme la communauté internationale, ainsi que l’ensemble des communautés du pays, doivent s’unir pour savoir d’où viennent ces instructions de tuer.

Jeunes afro-colombiens recrutés par les bandes criminelles

Colombie «Afrodescendants» de la Côte Pacifique | © Jacques Berset

Mgr Dario de Jesus Monsalve a également averti les autorités du pays que des jeunes des communautés afro-colombiennes sont recrutés par des bandes criminelles dans la vallée du Cauca.

L’archevêque de Cali a tenu ses propos après que les médias aient rendu public l’assassinat de José Osvaldo Taquez, leader social dans le département d’Antioquia, et la découverte de restes humains d’Iber Angulo Zamora, lui aussi responsable social, appartenant au Conseil communautaire d’El Naya. Ce leader social avait été enlevé le 5 mai dernier par un groupe armé illégal. Il avait été intercepté alors qu’il était conduit au siège d’une mission humanitaire pour y être protégé des nombreuses menaces de mort qu’il avait reçues.

Le gouvernement colombien ostensiblement muet

Selon l’Institut pour l’Etude du Développement et de la Paix, cité par l’agence d’information vaticane Fides, là où se vérifient  le plus d’homicides sont les zones suivantes: Arauca, Cauca, Antioquia, Norte de Santander, Santander, Valle del Cauca et Nariño. Ce qui préoccupe le plus, selon l’Organisation nationale indigène de Colombie, c’est le silence total du gouvernement sur les demandes de renforcer la sécurité des leaders sociaux et d’enquêter sérieusement sur ces assassinats systématiques.

L’une des causes de cette violence serait l’absence d’application des Accords de paix signés avec les FARC (forces armées révolutionnaires de Colombie) et par conséquent l’abandon de la part du gouvernement des plans de développement de ces territoires, un temps contrôlés par les FARC et se trouvant aujourd’hui, selon les sources de Fides, exposées aux dangers de la présence de nouveaux groupes paramilitaires et même d’éléments mexicains engagés dans le narcotrafic. (cath.ch/jcg/fides/be)

 

 

 

 

 

Colombie Si l'évêque, dans ses déplacements, est comme ici bien protégé par l'Etat, ce n'est pas le cas des leaders sociaux | © Jacques Berset
26 juillet 2018 | 15:08
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 3 min.
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