Jean-Pierre Fourny, à droite, et une victime d'abus à la sortie de l'entrevue avec le pape | © Hugues Lefèvre/I.Media
Vatican

«Au nom de l'Eglise», le pape demande pardon à des victimes d'abus

Le pape a pu recevoir 21 victimes françaises d’abus sexuels de l’ouest de la France lors d’une audience dans l’après-midi du 28 novembre 2023. «Cela nous donne beaucoup de réconfort et de courage», confie à I.MEDIA Jean-Pierre Fourny, membre de la délégation, à l’issue d’une audience qui a duré 45 minutes. 

Un groupe de 21 victimes de Gabriel Girard, membre de la congrégation des frères de Saint-Gabriel, auteur aujourd’hui décédé de plusieurs dizaines d’abus sur mineurs dans les années 1960-70 dans des écoles d’Issé et de Loctudy, dans l’ouest de la France, a finalement pu rencontrer le pape François à sa résidence Sainte-Marthe du Vatican. 

Initialement prévue lundi matin à 10h, la rencontre avait été annulée en raison de l’état de santé du pape François. Samedi, le chef de l’Église catholique avait dû se rendre à l’hôpital pour un contrôle suite à une «inflammation du poumon». «Nous étions tous très déçus», raconte Jean-Pierre Fourny, qui fut scolarisé dans l’école de garçons d’Issé. Cette rencontre avec le pape devait s’inscrire dans le processus de réconciliation élaboré avec la congrégation des frères de Saint-Gabriel. 

Lundi soir, alors que la délégation se trouvait à la maison romaine des frères de Saint-Gabriel, le téléphone du provincial a sonné. «C’était le pape qui nous appelait personnellement pour nous dire que cela l’embêtait beaucoup de ne pas nous voir. Il nous a proposé une rencontre dans l’après-midi, ce mardi», raconte Jean-Pierre Fourny, encore ému. 

À 15h donc, le pape a retrouvé la délégation dans une salle de la résidence Sainte-Marthe. «Il est arrivé avec son déambulateur. Il s’est assis parmi nous, dans les mêmes fauteuils. Il n’y avait pas de protocole et l’atmosphère était très simple, familiale», relate le Français.

Durant trois quarts d’heure, le pontife de bientôt 87 ans a pu entendre le témoignage des victimes et puis leur expérience de reconstruction. «Il était touché. Il nous a raconté combien il avait été marqué par une rencontre avec une femme victime d’abus, et qu’il avait conscience des dégâts que cela pouvait engendrer», explique encore le sexagénaire.

«Puis le pape a dit: ‘Au nom de l’Église catholique, je vous demande pardon’… Cela fait bizarre d’entendre cela», ajoute Jean-Pierre Fourny. «Ce n’est pas un aboutissement, car nous porterons toujours ces histoires en nous… Mais ces paroles du pape sont une reconnaissance et une réparation». 

Durant l’audience, la commission Sauvé a été évoquée. La publication du rapport de la CIASE en 2021 avait en effet poussé des victimes de Gabriel Girard à sortir de leur silence. C’était la première fois que le pape recevait des victimes d’abus françaises depuis la sortie du rapport. 

«Puis le pape a dit: ‘Au nom de l’Église catholique, je vous demande pardon’… Cela fait bizarre d’entendre cela»

Jean-Pierre Fourny

La rencontre, à laquelle étaient associés cinq membres de la congrégation des frères de Saint-Gabriel, s’est conclue avec un morceau de saxophone joué par l’une des victimes: un tango argentin intitulé «Adios Muchachos», «Au revoir les gars». 

«J’ai demandé à la commission d’écouter vos paroles»

Plus tôt dans la matinée, la délégation française avait été reçue durant deux heures par la Commission pontificale pour la protection des mineurs pour un temps de travail et d’écoute. «J’ai demandé à la commission d’écouter vos paroles […] et de recueillir vos témoignages afin qu’ils puissent renforcer et inspirer notre devoir commun pour éradiquer les abus dans notre Église», a écrit le pape dans un message transmis ce mardi. 

«Comme nous le démontre votre chemin avec les frères de Saint Gabriel, ce silence peut être brisé si à l’intérieur de l’Institution même il y a une ouverture active et respectueuse pour écouter ce que les victimes et les survivants ont à dire», écrit encore le pape François dans cette lettre adressée au diocèse de Nantes, aux frères de Saint-Gabriel et à la Commission reconnaissance et réparation (CRR), une instance instituée sous l’égide de la Conférence des religieuses et religieux de France (Corref) après la publication du rapport de la Commission Sauvé en 2021. (cath.ch/imedia/hl/bh)

Jean-Pierre Fourny, à droite, et une victime d'abus à la sortie de l'entrevue avec le pape | © Hugues Lefèvre/I.Media
29 novembre 2023 | 09:46
par I.MEDIA
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