En juillet 2018, le typhon Maria a fait d'énormes dégâts sur les côtes des Philippines | © CERD
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«Aux Philippines, les effets du changement climatique sont désastreux»

Aux Philippines, le réchauffement climatique affecte durement les communautés côtières. Marieta Llanera, partenaire d’Action de Carême sur place, explique son combat pour sauvegarder les moyens de subsistance de ces populations, en particulier les ressources marines.

La Philippine Marieta Llanera, invitée de la Campagne œcuménique 2021 «Justice climatique maintenant!» (Action de Carême- AdC et Pain pour le prochain-PPP), n’a pas pu venir en Suisse à cause de la pandémie. Elle est toutefois intervenue en visioconférence pour expliquer son travail en tant que responsable de programme au Centre pour l’autonomisation et le développement des ressources (CERD), une organisation partenaire de l’œuvre d’entraide catholique aux Philippines. cath.ch l’a interviewée par écran interposé.

A quels problèmes font exactement face les populations côtières des Philippines?
Marieta Llanera: Les personnes vivant sur les côtes de l’archipel sont les premières spectatrices des dégâts causés par le réchauffement climatique. Le pays y est particulièrement exposé. Notamment parce qu’il est situé dans ce qu’on appelle la «Ceinture des typhons». Ceux-ci ont toujours été forts dans cette zone, mais depuis quelques décennies, ils deviennent de plus en plus fréquents et violents.

Marieta Llanera est responsable des programmes au Centre pour l’autonomisation et le développement des ressources (CERD) | © CERD

Les destructions causées par les vents sont le principal problème?
C’est évidemment chaque fois tragique, parce que les destructions de matériel et de vies humaines sont immenses. Mais, les phénomènes «secondaires» sont encore plus nuisibles pour les populations, surtout les inondations et les glissements de terrain. Et ces catastrophes touchent aussi les personnes à l’intérieur des terres.

Le réchauffement climatique a-t-il d’autres effets néfastes?
Bien d’autres. Le dérèglement du climat affecte les écosystèmes côtiers tels que les mangroves, les herbiers marins et les récifs de corail. Or les mangroves, par exemple, jouent un rôle de protection contre les tempêtes, en absorbant la force des vents et des vagues. Les populations côtières se retrouvent ainsi exposées à des événements climatiques de plus en plus violents.

La destruction des écosystèmes a un impact sur la reproduction des poissons. Ces ressources sont moins nombreuses, ce qui réduit les revenus des pêcheurs ainsi que leur principal moyen de subsistance. Nous enregistrons de plus en plus de familles en dessous du seuil de pauvreté dans ces communautés.

Le climat est-il le seul en cause?
Non, certaines activités économiques sont aussi nuisibles à l’environnement. Outre la pollution, la déforestation et la transformation des mangroves en fermes piscicoles aggravent les problèmes environnementaux.

Que faire?
Les populations côtières n’ont certes pas attendu les ONG pour s’adapter. Elles ont adopté de nouvelles techniques de pêche, commencé d’autres types de cultures, telles que le algues ou les légumes. Elles se sont organisées en entreprises sociales et en coopératives. Mais elles sont limitées dans leurs moyens et conscientes que les choses doivent changer au niveau national et international. C’est là que les organisations telles que le CERD interviennent.

«Les problèmes auxquels les populations sont confrontées nécessitent des réponses locales, mais aussi nationales et globales»

Que faites-vous concrètement pour les aider?
Le CERD organise notamment des ateliers où la population est informée sur ses possibilités d’action. En collaborant, en particulier, avec les autorités locales pour réduire les risques liés aux catastrophes naturelles. L’un des outils développés est «l’analyse psychosociale des conflits». Cette approche a été développée avec AdC. Elle permet d’apporter un soutien psychologique aux personnes affectées et de les aider à gérer leurs traumatismes.

D’autres actions de développement consistent à venir en aide aux écosystèmes. Nous avons notamment des programmes de replantation des mangroves.

Le gouvernement en fait-il assez pour ces populations?
Beaucoup de programmes d’aide et de développements sont lancés, et ils sont bons. Le problème, c’est souvent leur mise en place sur le terrain. Il y a un manque d’efficacité et de motivation.

Je pense que le gouvernement philippin s’inquiète réellement du réchauffement climatique, parce qu’il ne peut qu’en constater les effets. Mais il y a de la part des autorités un manque de responsabilité.

Replantation d’une mangrove | © CERD

Et là, les ONG peuvent aider?
Certainement, principalement par le principe «d’empowerment», c’est-à-dire donner les moyens aux communautés de défendre leurs droits, de faire pression sur les autorités, afin d’obtenir les aides qui leur sont dues. Dans ces domaines, le partenariat avec AdC est très fructueux.

Je tiens à remercier à ce propos les donateurs suisses. Grâce à eux, nous pouvons travailler beaucoup plus efficacement et apporter des solutions adéquates et durables aux populations.

L’Eglise catholique aux Philippines porte-t-elle aussi le message écologique?
Oui. Dans ma paroisse, par exemple, presque chaque dimanche le curé dit quelque chose en faveur de la protection de l’environnement. L’encyclique Laudato si’ du pape François sert vraiment de «boussole» pour le clergé du pays, qui s’implique beaucoup. L’un de ces principaux combats est dirigé contre les excès de l’industrie minière.

En Suisse, AdC et PPP ont lancé une démarche invitant la Banque nationale à cesser d’investir dans les énergies fossiles. Est-ce utile, selon vous?
Certainement. Les problèmes auxquels les populations sont confrontées, et pas seulement celles des côtes des Philippines, nécessitent des réponses locales, mais aussi nationales et globales. Toute action pouvant aider à combattre le changement climatique est la bienvenue. J’espère que l’exposition de la situation difficile à laquelle sont confrontées les populations aidées par le CERD contribuera à un éveil plus large des consciences. (cath.ch/rz)

En juillet 2018, le typhon Maria a fait d'énormes dégâts sur les côtes des Philippines | © CERD
4 mars 2021 | 17:00
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 4 min.
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