Des cardinaux assistent à la messe dans la basilique St-Pierre de Rome | © I.Media
Vatican

Avec 137 électeurs, le collège des cardinaux bat un record

Alors que le moindre épisode de fatigue du pape François, âgé de 86 ans, est interprété à Rome comme le signe d’un potentiel renoncement voire d’une mort prochaine, les rumeurs de conclave envahissent les couloirs. Pour les vaticanistes, la désignation, le 9 juillet 2023, de 21 nouveaux cardinaux, dont 18 électeurs, marque la volonté de François de consolider son héritage avant son départ.

Le pape François a annoncé la création de 21 nouveaux cardinaux lors d’un consistoire qui se tiendra à Rome le 30 septembre prochain, à la veille du Synode sur l’avenir de l’Église. Le Collège des cardinaux comptera alors 137 électeurs, un record. L’occasion pour les vaticanistes d’ouvrir une foule de questions.

Étant donné le délai de presque trois mois entre l’annonce de ce 9e consistoire de son pontificat et sa tenue effective, que prévoit le droit de l’Église si un conclave devait avoir lieu avant cette date? À quel moment l’entrée dans le Sacré Collège devient-elle effective? Quelles sont les prérogatives du pape concernant le nombre de cardinaux électeurs? Autant de questions qu’I.MEDIA a posées à Mgr Patrick Valdrini, professeur émérite de droit canonique à l’Université du Latran.

Le 14e dépassement du seuil des 120 cardinaux électeurs

Après le consistoire du 30 septembre 2023, le Sacré-Collège comptera 137 cardinaux électeurs. Parmi les 18 nouveaux cardinaux qui y seront intégrés, le pape a choisi huit Européens, quatre des Amériques, trois Africains, deux d’Asie, et un du Moyen-Orient. 

Le chiffre de 137 constitue un nouveau record sous le pontificat actuel, et un large dépassement du seuil limite des 120 cardinaux électeurs, fixé par Paul VI dans la Constitution Romano Pontefici Eligendo du 1er octobre 1975.

Sans pour autant abroger cette disposition, le fait de la contourner est une «prérogative» du pape régnant, qui est «législateur suprême et peut déroger aux lois promulguées par un pape », que ce soit lui-même ou l’un de ses prédécesseurs. Au sein de l’appareil du Vatican, il n’y a pas de juridiction constitutionnelle, précise Mgr Valdrini. Aucune instance ne peut donc invalider une décision papale, puisque la séparation des pouvoirs n’existe pas.

Le fait est que ce sera déjà la 14e fois qu’un pape déroge au plafond des 120 cardinaux électeurs. Le record de dépassement du seuil s’était produit lors du premier consistoire du XXIe siècle, le 21 février 2001, lorsque Jean Paul II avait créé 42 cardinaux parmi lesquels 38 électeurs: le nombre de 136 cardinaux électeurs avait alors été atteint. Il avait à nouveau frôlé ce record avec son dernier consistoire, le 21 octobre 2003. Le Sacré Collège comptait alors 135 électeurs.

Les papes récents ont toujours fait preuve d’une certaine flexibilité dans leur rapport au seuil limite des 120 électeurs. Jean Paul II a dépassé le seuil à trois reprises, Benoît XVI à deux reprises, et le pape François l’a dépassé à chaque consistoire, soit à neuf reprises en comptant le prochain.

Et si le conclave devait se réunir avant le consistoire ?

En cas de décès ou de renonciation du pape François avant le 30 septembre, la convocation de ce consistoire  serait caduque puisque strictement liée au pape régnant. Seuls les cardinaux électeurs déjà créés, au nombre de 121 actuellement, seraient donc convoqués au conclave.

Le droit de l’Église  précise que c’est bien la nomination au consistoire qui fait un cardinal: «Un Cardinal de la Sainte Église Romaine qui a été créé et dont la nomination a été publiée en Consistoire, a, par là-même, le droit d’élire le Pontife selon la norme du n. 33 de la présente Constitution, même si la barrette ne lui a pas encore été imposée, si l’anneau ne lui pas été remis et s’il n’a pas prêté serment », précise l’article 36 de la Constitution Universi Dominici Gregis, promulguée par Jean Paul II en 1996.

Cette disposition signifie que l’absence physique d’un nouveau cardinal lors de la cérémonie du consistoire, pour des raisons de santé ou pour des problèmes de transport ne l’empêche pas de devenir cardinal de plein droit et donc de participer ultérieurement à un conclave.  Ce fut le cas en novembre 2020 lors d’un consistoire organisé en pleine pandémie ou encore en août 2022 quand le cardinal ghanéen Richard Kuuia Baawobr a été victime d’un malaise cardiaque en arrivant à Rome.

L’annonce d’un consistoire n’engage que le pape régnant. Si le pontificat actuel venait à s’interrompre, le choix des futurs cardinaux étant lié à une décision personnelle du pape, son successeur pourrait ne pas les créer, estime Mgr Valdrini. L’usage étant néanmoins de donner des gages de continuité, au moins en début de pontificat, le nouveau pape devrait ainsi convoquer un autre consistoire avec la même liste, ou en la complétant. 

Le cas spécifique des cardinaux déchus

Concernant la participation au conclave, la Constitution de 1996 précise que « ne jouissent pas de ce droit les Cardinaux canoniquement déposés ou ceux qui ont démissionné, avec le consentement du Pontife Romain, de la dignité cardinalice. De plus, pendant la vacance du Siège, le Collège des Cardinaux ne peut ni les réadmettre ni les réhabiliter. »

Ces cas de retrait du cardinalat sont très rares mais documentés dans l’histoire récente. En 1927, le cardinal français Louis Billot avait renoncé au cardinalat en raison de son désaccord avec Pie XI sur la condamnation de l’Action Française, et il a fini sa vie comme simple prêtre jésuite.

Plusieurs décennies plus tard, en 2018, l’ex-archevêque de Washington Theodore McCarrick a perdu sa dignité de cardinal en raison de son implication dans des affaires d’abus sur mineurs. Il est toujours en vie, mais désormais réduit à l’état laïc, et il est poursuivi par la justice civile.

Le cardinal Keith O’Brien, ancien archevêque d’Édimbourg impliqué lui aussi dans des affaires de mœurs mais sans atteinte à des mineurs, avait pour sa part renoncé à participer au conclave de 2013 puis il avait formellement renoncé en 2015 aux droits et prérogatives du cardinalat, mais il en avait gardé le titre.

Enfin, le cardinal Becciu s’est vu retirer ses prérogatives de cardinal électeur en 2020 en raison des accusations de corruption liées à l’affaire de l’immeuble de Londres. L’ex-substitut de la Secrétairerie d’État ne pourrait pas participer au conclave. Il pourrait retrouver ses droits en cas d’acquittement au terme de la procédure actuelle. Une éventuelle réhabilitation serait, là aussi, une prérogative personnelle du pape. (cath.ch/imedia/cv/ak/mp)

Des cardinaux assistent à la messe dans la basilique St-Pierre de Rome | © I.Media
13 juillet 2023 | 09:38
par I.MEDIA
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