Médecin-député: l’aide médicale cachait la stérilisation forcée
B Politiciens interdits de campagne électorale dans les réserves indiennes
Rio de Janeiro, 24 septembre 1998 (APIC) Les autorités gouvernementales brésiliennes ont interdit l’accès des réserves indiennes aux politiciens pendant la campagne électorale, après la récente découverte du scandale des stérilisations forcées réalisées en 1994 à la demande du député fédéral Roland Lavigne.
Lors de la dernière campagne électorale, toutes les jeunes filles en âge de procréer de la tribu Pataxo dans le village de Baheta, au sud de l’Etat de Bahia, avaient été opérées. Aujourd’hui, cette communauté aborigène, qui ne compte que 62 personnes, est menacée d’extinction. La terre de la tribu est convoitée par de grands propriétaires amis du député fédéral.
La mesure d’interdiction a été prise après les vives protestations de l’Eglise catholique et de la presse qui ont révélé les pratiques du député Lavigne, du Parti du Front Libéral PFL (droite) qui avait promis d’aider les femmes en échange de leur vote. Ce médecin, alors candidat à la députation, promettait aux indiennes une méthode pour leur éviter une grossesse, mais sans leur dire que l’opération avait un effet irréversible. Le médecin a fait procéder aux interventions chirurgicales gratuites dans ses hôpitaux.
Les femmes de l’ethnie Pataxo, vivant dans un état d’extrême misère et ayant de la peine à élever leurs enfants, ont accepté plus ou moins librement la «générosité» du futur député. L’ethnie Pataxo est composée de 6’200 personnes dont 2’000 ont le droit le vote. Cette sordide tromperie a fait la «une» des journaux brésiliens à l’occasion de la campagne électorale pour les élections présidentielles et parlementaires du 4 octobre prochain.
Les chefs indiens Pataxo ont révélé que derrière cette stérilisation, il y avait de gros intérêts en jeu: des propriétaires terriens de la région, amis du médecin-député, ne voient pas d’un mauvais œil l’élimination progressive des Pataxo, pour pouvoir un jour s’approprier plus facilement de leur terre. Le Conseil indigéniste missionnaire (CIMI), lié à la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB), a qualifié ce cas de stérilisation forcée de lésion corporelle grave, telle que décrite dans le Code pénal brésilien. Un tel acte est également pour les Nations Unies un crime contraire au droit international. Les indiens réclament l’inculpation du député Roland Lavigne pour actes criminels.
Des stérilisations massives comparables à un «génocide»
Pour sa part, Uldurico Pinto, secrétaire municipal de la santé de la commune de Porto Seguro, a dénoncé les intérêts occultes qui se cachent derrière la stérilisation massive des indiens, qu’il a comparée à un «génocide». Les leaders indigènes ont souligné que la peur règne dans la population indienne étant donné que les interventions chirurgicales se multiplient en période électorale. On estime qu’entre 5’000 et 10’000 femmes ont été stérilisées dans le sud de l’Etat de Bahia lors de la campagne électorale de 1994. L’interdiction d’entrée dans les réserves indiennes est considérée comme une mesure «urgente et adéquate», étant donné que le député Lavigne, qui veut être réélu, poursuit son «obsession médicale». Il parcourt en ce moment avec sa clinique mobile une quarantaine de municipalités de l’Etat de Bahia.
Installée sur un «camion de la santé» équipé d’un appareil à ultrasons moderne, la clinique du docteur Lavigne offre gratuitement aux électeurs des examens qui permettent, selon les chefs Pataxo, d’ultérieures interventions chirurgicales accompagnées de stérilisations. (apic/aci/be)