Bangui: Fin de la «grève des prêtres» catholiques en Centrafrique

Clergé centrafricain accusé de mener une «double vie»

Bangui, 28 mai 2009 (Apic) Les prêtres catholiques de Centrafrique, entrés en «grève» mercredi, ont annoncé jeudi suspendre leur mouvement, tout en continuant leurs protestations. Ils manifestent contre la démission de l’archevêque de Bangui, Mgr Paulin Pomodimo, acceptée mardi 26 mai par le pape Benoît XVI. Selon l’Agence centrafricaine de presse (ACAP), une agence gouvernementale, le motif invoqué par le Vatican est «le manque de chasteté» des responsables de l’Eglise catholique en République centrafricaine.

Le Vatican a annoncé cette décision prise en conformité avec le canon 401 § 2 du Code de droit canonique, selon lequel «l’évêque diocésain qui, pour une raison de santé ou pour toute autre cause grave, ne pourrait plus remplir convenablement son office, est instamment prié de présenter la renonciation à cet office».

La presse centrafricaine évoque à ce propos «la question cruciale du célibat des prêtres». «Dans pratiquement tous les diocèses et la plupart des paroisses, des séculiers et des réguliers entretiennent des foyers avec femmes et enfants. Si les enfants ne portent pas le nom du père, par pudeur, des frères et des soeurs de l’abbé ou du prêtre sont là pour s’en occuper. La République Centrafricaine n’est pas le seul pays dans ce cas, mais la contagion a atteint tous les autres Etats africains», écrit ainsi le quotidien indépendant «Le Confident» à Bangui.

Les prêtres diocésains de République centrafricaine ont dénoncé, dans un message rendu public dimanche à Bangui, «la mainmise de certains missionnaires expatriés dans toutes les instances de responsabilité de l’Eglise de Centrafrique».

Les prêtres centrafricains ont décidé de reprendre leurs activités pastorales ce jeudi, après avoir annoncé une «grève illimitée» en raison du remplacement de Mgr Paulin Pomodimo, un évêque âgé de seulement 54 ans. Ils relèvent que le Vatican a nommé «sans concertation préalable», le Père Dieudonné Nzapa-La-Ayinga comme administrateur apostolique de Bangui. Les prêtes ont suspendu leur grève pour «ne pas prendre les chrétiens en captivité, (les) priver de la parole divine et du corps du Christ, (…) mais nous contestons toujours la nomination du Père Nzapa-La-Ayinga», a expliqué à l’AFP l’abbé Mathurin Pazé Lékissan.

Mgr Paulin Pomodimo avait remplacé en juillet 2003 Mgr Joachim Ndayen, qui depuis 33 ans guidait l’Eglise de la capitale centrafricaine. L’annonce de sa démission – suite semble-t-il à une enquête d’une commission vaticane en mars dernier conduite par Mgr Robert Sarah, secrétaire de la Congrégation vaticane pour l’évangélisation des peuples – .qui a relevé que de nombreux prêtre du diocèse ne vivaient pas selon les voeux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance – avait provoqué des remous au sein du clergé local.

Les prêtres ont estimé que l’enquête n’était pas dépourvue de parti pris. Ils ont publié une prise de position sur les ondes de la radio catholique «Notre Dame», selon l’agence de presse «AfricaNews». Qui relève que l’unanimité n’existe pas parmi le clergé de la République centrafricaine, étant donné que le vicaire général du diocèse de Bambari a demandé sur les ondes de Radio Ndeke Luka a demandé à ses confrères de renoncer à leur mouvement.

Citant une «source proche de l’Eglise catholique», l’ACAP ajouté que «le Saint-Siège a désavoué les diocésains au profit des spiritains». Selon cette agence de presse, les prêtres centrafricains ont dénoncé l’hégémonie des prêtres expatriés sur les autochtones, déclenchant une crise, marquée par la non célébration de messes dans les paroisses dont les curés sont des Centrafricains. Lors de sa visite en mars, Mgr Sarah avait notamment critiqué les prêtres «qui mènent une double vie», tout en invitant ceux qui étaient dans une telle situation, d’abandonner «le ministère sacerdotale».

Certains prêtres centrafricains avaient condamné ces propos, estimant par ailleurs être victimes d’une campagne de dénigrement à l’intérieur du pays et en dehors. Outre Mgr Pomodimo, un autre évêque, Mgr François-Xavier Yombandje, évêque de Bossangoa, âgé de 53 ans, a démissionné de sa charge pastorale le 16 mai dernier. Ces démissions ont eu lieu après une mission du Vatican dans le pays en mars dernier.

Encadré

Deux évêques de Centrafrique acculés à démissionner

Deux évêques de République Centrafricaine, dont l’archevêque de la capitale et président de la Conférence épiscopale, viennent successivement de démissionner, accusés par Rome d’infidélité à leurs promesses de chasteté, de pauvreté et d’obéissance. Selon des informations recueillies par l’agence I.MEDIA à Rome, ces évêques seraient ainsi soupçonnés de «fréquenter» des femmes et d’avoir des enfants.

Une partie du clergé local en Centrafrique, et des évêques autochtones, sont ainsi soupçonnés par Rome de ne pas avoir une attitude morale qui soit toujours en conformité avec leur engagement à suivre le Christ dans la chasteté, la pauvreté et l’obéissance. Interrogées par I.MEDIA, des sources vaticanes autorisées se sont bornées à indiquer que ces démissions survenaient «après des problèmes internes insurmontables dans la gestion des diocèses».

A la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, dont relèvent ces diocèses, on espérait que ces questions seraient réglées dans la «discrétion», tout en refusant de commenter ces démissions successives. Mais en mars dernier, Mgr Robert Sarah, secrétaire de ce dicastère, s’était rendu sur place et avait notamment fustigé les prêtres «qui mènent une double vie», invitant ceux qui étaient dans une telle situation à abandonner leur ministère.

Selon le quotidien centrafricain «Le Confident», Mgr Paulin Pomodimo, archevêque de Bangui, a récemment exhorté les fidèles réunis dans sa cathédrale à «beaucoup prier» face à l’arrivée d’une «bourrasque risquant de secouer l’Eglise de Centrafrique». Deux lignes du bulletin quotidien du Bureau de presse du Saint-Siège, le 26 mai, ont indiqué que Benoît XVI avait «accepté la renonciation au gouvernement pastoral de l’archidiocèse de Bangui présentée par Mgr Paulin Pomodimo, en conformité au paragraphe 2 de l’article 401 du Code de droit canon». Cet article du droit de l’Eglise précise ainsi que «l’évêque diocésain qui, pour une raison de santé ou pour toute autre cause grave, ne pourrait plus remplir convenablement son office, est instamment prié de présenter la renonciation à cet office». Archevêque de Bangui depuis 2003, Mgr Paulin Pomodimo est âgé de 54 ans seulement. Archevêque de la capitale, il est aussi président de la Conférence épiscopale centrafricaine.

Quelques jours plus tôt, le 16 mai, le pape avait également officiellement accepté la démission présentée par Mgr François-Xavier Yombandje. Evêque de Bossangoa depuis mars 2004, il est âgé de 53 ans. Après la démission de Mgr Pomodimo, le clergé local s’est brièvement mis «en grève» pour ne pas avoir été associé aux consultations du Vatican en vue de la nomination d’un administrateur. Plusieurs jours plus tôt, les prêtres centrafricains avaient soutenu leurs évêques et publiquement dénoncé «la mainmise de certains missionnaires expatriés dans toutes les instances de responsabilité dans l’Eglise de Centrafrique». «Ceux que nous prenions pour des collaborateurs se sont révélés nos propres bourreaux», indiquait le texte, ajoutant que religieux, religieuses, et évêques expatriés s’étaient lancés dans la médisance, la calomnie, la délation en tout genre du clergé autochtone. (apic/com/ibc/imedia/be)

28 mai 2009 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 5  min.
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