Entre un sénateur libre-penseur et un théologien moraliste

Belgique: Un livre en dialogue sur l’euthanasie

Bruxelles, 20 mai 2001 (APIC) Deux mois après le vote, en commission du sénat, d’une proposition de loi dépénalisant l’euthanasie sous certaines conditions en Belgique, les Editions Vie Ouvrière consacrent au sujet un livre interview. Il donne la parole à deux hommes de sensibilités différentes, le sénateur socialiste Roger Lallemand et le chanoine Pierre de Locht, théologien moraliste catholique.

Euthanasie? Levée d’interdiction du meurtre? Assistance au suicide? Les deux interlocuteurs n’esquivent aucune des questions qui leur sont relancées par H. Broquet. Ces questions sont elles mêmes un reflet de l’évolution des sensibilités et des courants d’opinion. Les journalistes ont droit à la même franchise dans les réponses: «Soyons clairs: il ne s’agit pas d’aider quelqu’un qui veut mettre fin à ses jours pour une raison quelconque, précise en juriste Roger Lallemand. La proposition de loi votée en commission au sénat vise à ne plus qualifier d’infraction l’acte d’euthanasie que commet un médecin s’il donne suite à la requête d’un patient dont la santé se trouve dans un état de dégradation grave et irrémédiable, alors que cet état provoque des souffrances insupportables et inapaisables».

Le sénateur socialiste admet que cette approche juridique ne couvre pas, loin s’en faut, l’ensemble des questions. Il ne conteste donc pas son interlocuteur P. de Locht qui fait observer: «En fin de compte, on a abordé la question de l’euthanasie, non pas à partir de la personne dont la vie est en jeu, mais à partir des interventions des tiers pour l’aider. On a ainsi souvent évacué le problème de la première personne concernée pour se préoccuper de la question: comment protéger les tiers contre d’éventuelles poursuites? Et tend donc à réduire le débat public au rôle des acteurs intermédiaires…!»

Dérives…

La dépénalisation de l’euthanasie va-t-elle dès lors mieux protéger la personne malade? «Gare aux dérives!» a-t-on lancé au vu de la législation très libérale des Pays-Bas. «Mieux vaut maintenir l’interdit: Tu ne tueras pas!» A ces principes, Roger Lallemand oppose des faits troublants, détaillés dans le livre: «Une enquête comparative a été menée sur les interventions médicales qui ont des incidences sur les décès. Aux Pays-Bas, en 1995, dans 2,4 % des cas, il y eu euthanasie; en Flandre, en 1998, l’euthanasie quoique interdite a été pratiquée dans 1,1 % des cas! Les enquêteurs se sont aussi intéressés aux interruptions actives de vie par intervention médicale, mais sans l’accord du défunt: 0,7 % des cas de décès aux Pays-Bas… mais 3,2 % en Flandre! Voilà pourquoi il faut légiférer. Fermer les yeux sur ce qui se passe n’empêche pas la réalité d’exister. Il n’est jamais bon qu’un trop grand écart s’installe entre la loi et la pratique. Autrement, s’instaure le non-respect de la loi, et c’est la fin de la démocratie…»

Un théologien, un chanoine ose donc penser à l’euthanasie? «Il me semble, répond P. De Locht en toute franchise, que si un jour, les conditions de ma propre vie devenaient à ce point inhumaines que l’on me reconnaisse à moi, et à non à quelqu’un d’autre sur moi, le droit d’y mettre fin, ça ne veut pas dire j’utiliserai ce droit pour m’exécuter. Ce qui m’importe, c’est de ne pas subir la situation, mais de pouvoir l’assumer et de lui trouver un sens. Créer les conditions légales pour que l’euthanasie soit possible dans certains circonstances bien définies, c’est ouvrir la porte à cette liberté-là, non pas à tous les abus, mais à la réflexion, à la possibilité de donner un sens à sa propre vie jusqu’au bout. Et ce problème là, on est loin de l’avoir creusé dans le débat actuel».

Un horizon commun

«Au point où j’en suis actuellement, mais je ne puis préjuger de l’avenir, confie le théologien dans l’ouvrage, il me semble que je ne souhaiterai pas abréger mon existence, désirant avec une certaine curiosité et réel goût de vivre expérimenter jusqu’au bout ce que l’existence me réserve. Cela ne m’empêche pas de comprendre que certains puissent, pour des raisons qui leur sont propres, faire d’autres choix».

Davantage confronté aux «contraintes du vieillissement», le chanoine de Locht affirme aussi: «Dégagé d’angoisses débilitantes à l’égard d’un avenir dont je n’ai pas la maîtrise, je puis mieux affronter les limites et difficultés d’aujourd’hui». Il avoue que s’intensifie en lui une espérance qui a animé toute sa vie: «Car si Dieu est, il ne peut être, je crois, qu’amour fidèle appelant à la confiance». (apic/cip/pr)

20 mai 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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