Bénin: Un prêtre veut lutter contre le sacrifice de bébés
Des infanticides «rituels» de nouveaux-nés
Cotonou, 2 août 2005 (Apic) Un prêtre catholique du Nord Bénin mène un combat contre le sacrifice, la «sorcellerie» et l’infanticide «rituel» des nouveaux-nés dans sa région. Des pratiques répandues chez certaines ethnies.
Un prêtre catholique du Nord Bénin, l’abbé Patrick Sabi Sika, mène un combat difficile. Celui contre le sacrifice, la «sorcellerie» et l’infanticide «rituel» des nouveaux-nés dans sa région. Ces pratiques sont répandues chez les ethnies baatonous, bokos et peuls du terroir. Pour ces populations, les nourrissons dont la naissance ou le développement n’obéit pas à certaines «normes tribales» sont maudits et doivent être sacrifiés, avec l’accord de leurs parents.
Les bébés «sorciers» ou «maudits» sont ceux qui, à leur naissance, ne se présentent pas par la tête, le visage tourné vers le ciel. La tradition béninoise exige qu’ils soient sacrifiés. Les nouveau-nés malchanceux sont alors confiés à des «réparateurs». Ceux-ci peuvent alors choisir de leur fracasser le crâne contre un tronc d’arbre. Dans certains cas, les pauvres victimes peuvent être abandonnés dans la brousse où ils finiront par mourir ou par être trouvés et sauvés par une âme charitable.
Il est ainsi fréquent de voir des nouveau-nés abandonnés dans beaucoup de régions du Bénin, ancienne colonie française coincée entre le Nigeria et le Togo, où la sorcellerie est une tradition ancestrale. Malgré les campagnes d’information et de sensibilisation menées par les organisations de protection de l’enfant, de nombreuses communautés rurales du nord du Bénin perpétuent cette pratique en toute impunité.
Au Bénin, pays de 6,5 millions d’habitants, très touché par la pauvreté, les associations de protection de l’enfant savent bien qu’elles ont encore du travail à faire. Le père Patrick Sabi Siki croit quand même à son combat. A travers une Organisation Non Gouvernementale (Ong) dénommée Espoir Lutte contre l’Infanticide au Bénin (Elib) qu’il a fondée, il veut abolir les sacrifices des bébés. Elib prend en charge les nourrissons abandonnés. Et s’occupe de quelque 30 enfants abandonnés par leurs parents. Grâce à elle, d’autres bébés ont été adoptés.
Selon le Réseau d’Information Régionale Intégrée (Irin, une agence de presse de l’Onu), le prêtre catholique appartient à l’ethnie baatonoue. Il travaille au sein de sa communauté, dans la ville de Kouandé, située à 600 km au nord de Porto-Novo, la seconde ville du Bénin.
Une ONG incite le Bénin à créer des lois pour éradiquer le fléau
Elib exhorte le gouvernement béninois à mettre en place des lois, afin de protéger les enfants menacés et de punir les personnes coupables d’infanticides. «Sans vouloir dénoncer une ethnie, encore moins lui jeter la pierre, je souhaite que la justice et le droit s’appliquent à tous les enfants», a déclaré l’abbé Patrick Sabi Sika.
«Les enfants qui, par miracle ou par chance, sont sauvés et continuent de vivre dans leur milieu social sont à jamais traumatisés et marqués d’un sentiment paradoxal de culpabilité», a déploré l’abbé Sabi Sika. «Leur intégration est difficile. Ils sont toujours poursuivis et une menace de mort pèse continuellement sur eux lorsqu’un malheur survient dans leur famille. Ils doivent même faire face à l’attitude hostile de leurs camarades de classe et sont souvent la cible de quolibets tels que sorcier, tu ne peux pas me manger ! ».
Le père Sabi Sika est cependant optimiste. Il voit évoluer, même difficilement, les mentalités. Par exemple, a-t-il rappelé, «depuis la construction, il y a deux ans, d’une maternité à Sékoudougou, un village proche de Kouandé, plus de 300 bébés «sorciers» ont été épargnés par la population locale».
Alexis Agbo, est lui aussi engagé dans le même combat que le père Patrick Sabi Sika. Il est responsable d’une autre Ong, le Centre d’Accueil et de Sauvegarde de l’Enfant (Case). Elle aussi est impliquée dans la lutte contre l’infanticide rituel au Bénin. «Les paysans en allant au champ ou les femmes en allant au marché ramassent régulièrement sur la route des bébés abandonnés qu’ils nous apportent. C’est un drame», a déclaré à Irin, Agbo. «C’est un acte horrible qui fait couler le sang de nouveau-nés, au nom de la tradition», s’est insurgé pour sa part Boni Goura, socio- anthropologue et membre de l’ethnie baatonou. A l’instar d’autres humanitaires et militants des droits de l’enfant, lui aussi se bat pour tenter d’abolir l’infanticide dans le nord du Bénin. (apic/ibcb)