Parabole du chemin de fer – L'Abbé Martin Werlen voyage à travers ses douze années à la tête du couvent d'Einsiedeln

Bilan d’une époque mouvementée mais passionnante

Zurich/Berne, 7 novembre 2013 (Apic) Alors que son successeur à la tête de l’Abbaye territoriale d’Einsiedeln doit être élu le 23 novembre prochain, le Père Abbé Martin Werlen a pris congé des journalistes le 7 novembre 2013 d’une façon originale. En compagnie de Vinzenz Wyss, professeur de sociologie des médias à l’Institut des sciences appliquées des médias à Winterthur, il leur a présenté, dans un train les emmenant de Zurich à Berne, son dernier ouvrage intitulé «Parabole du chemin de fer» (*), un recueil des tweets qu’il rédige depuis novembre 2009.

Sur pas loin d’une centaine des pages, l’Abbé Martin Werlen publie les nombreux «gazouillis» – dont il n’utilise même pas toujours les 140 signes à disposition – qu’il a écrits ces trois dernières années alors qu’il voyageait en train, à travers la Suisse, mais également sur d’autres continents. Son livre, édité par l’Abbaye d’Einsiedeln, est illustré par le Père Jean-Sébastien Charrière, un confrère bénédictin fier de ses origines gruériennes. Après l’avoir dédicacé, il l’a remis en mains propres à Andreas Meyer, patron des CFF, qui l’attendait sur le quai en gare de Berne.

Fidèle à la devise de saint Benoît «les yeux ouverts et les oreilles attentives», le religieux bénédictin, qui ne rechigne pas à faire de l’autostop, aime se déplacer en train, qui plus est en deuxième classe. Cela lui permet de rencontrer les gens et dialoguer avec tout un chacun, ce qu’il ne pourrait pas faire de la même manière s’il se déplaçait «entre les quatre parois d’une voiture», voire même en voiture avec chauffeur. Mais l’Abbé Werlen est loin d’être un prélat qui regarde les gens de loin ou de haut. Il veut les rencontrer simplement, pas du haut vers le bas, mais d’égal à égal, les prendre là où ils sont. «Aller vers les gens, c’est notre vocation».

En train, souligne-t-il, on ne choisit pas les gens qu’on rencontre, «on peut rencontrer le monde entier. Il est important pour l’Eglise de cheminer sur la route ensemble avec les gens, de connaître et de partager leurs préoccupations!» Le pape François, qu’il admire, va dans le même sens, «et il n’a pas pour autant perdu son autorité avec sa façon d’être avec les gens!»

La découverte de Twitter

Alors que quelque temps auparavant il ignorait totalement ce qu’était le réseau social «Twitter», il a découvert ce nouveau média en novembre 2009 alors qu’il était invité à une émission sur le sujet par la télévision alémanique. «Avec 140 signes à disposition, on doit essayer de faire passer son message». Pendant des siècles, l’Eglise parlait avec de grandes images et peu d’écrits. Beaucoup de gens ne savaient pas lire ou alors n’avaient de toute façon pas les moyens de se payer des livres manuscrits.

Pour l’Abbé Werlen, microbloguer sur «Twitter», c’est un peu pareil. C’est une sorte d’aréopage moderne, comme au temps où saint Paul parlait au public sur l’Aréopage à Athènes, comme relaté dans les Actes des Apôtres. Alors qu’il n’avait au début que quelques centaines de «followers», l’Abbé d’Einsiedeln en compte actuellement plus de 8’700, et cela devrait encore augmenter ces jours-ci.

Quand il a commencé à utiliser les médias sociaux, d’aucuns se sont irrités, ayant encore en tête le cliché d’une Eglise compassée. Les médias, par contre, ont bien reçu cette initiative. L’Abbé Martin Werlen espère qu’il a pu ainsi provoquer un choc, mettre en mouvement les gens et avec eux l’Eglise, «car le pire qui pourrait nous arriver, c’est de s’endormir…» Il confie cependant à l’Apic que lorsque le pape confirmera l’élection de son successeur – cela pourrait être vers la fin de l’année ou en janvier -, il cessera de twitter.

S’il a parfois été qualifié d’»incendiaire» ou de «pyromane» avec la publication de son ouvrage «Découvrir ensemble la braise sous la cendre» (paru en français aux Editions Bayard en 2013), il estime se trouver en bonne compagnie avec le pape François. Avec ce petit livre, il voulait faire une «pro-vocation» à l’occasion de l’Année de la Foi 2012-2013, «chercher ensemble la braise sous la cendre et ranimer le feu». Ce livre, publié originalement en allemand en 2012 sous le titre «Miteinander die Glut unter der Asche entdecken», a été traduit la même année en néerlandais, et en 2013 en italien, en anglais, en français et en danois. L’Abbé d’Einsiedeln reconnaît que cet ouvrage a donné au plan international des impulsions pour le présent et l’avenir de l’Eglise et il se réjouit que le pape François souffle clairement sur la braise pour raviver la flamme de la foi.

Au cours d’une conférence de presse à Berne, Martin Werlen a relevé jeudi 7 novembre que le moment le plus important de ses 12 ans comme Abbé d’Einsiedeln avait été de pouvoir empoigner fermement le problème des abus sexuels dans l’Eglise, et aussi dans son monastère. Ce scandale lui a fait perdre beaucoup de sa crédibilité. En charge de la Commission «Abus sexuels dans le cadre de la pastorale», sur sa proposition, des directives ont été émises. L’Abbé a une nouvelle fois souligné que derrière ces drames, il y avait avant tout des êtres humains. Il a également rappelé la publication d’une étude sur la position longtemps timorée de la Conférence des évêques (CES) durant le régime d’apartheid en Afrique du Sud. JB

Encadré

L’Abbé Martin Werlen «rentre dans le rang»

Agé de 51 ans, Mgr Martin Werlen est à la tête de la communauté bénédictine d’Einsiedeln depuis 2001. Il participera à la célébration conclusive de l’Année de la foi, le 17 novembre prochain dans l’église du couvent, puis quittera ses fonctions et «rentrera dans le rang». De par sa fonction d’Abbé territorial, il est membre de la Conférence des évêques suisses. Le 9 novembre 2001, à la veille de l’élection de Mgr Werlen, la communauté monastique d’Einsiedeln avait décidé de limiter à 12 ans la durée du mandat abbatial. Le jour même de son élection comme 58e Abbé d’Einsiedeln, Mgr Werlen savait donc qu’il n’occuperait ce mandat que jusqu’en 2013. En tant que membre de la Conférence des évêques suisses, Mgr Werlen a été un Abbé très médiatique, intervenant régulièrement sur des sujets ecclésiaux et sociaux, n’hésitant pas à prendre des positions parfois dérangeantes. Son opuscule «Découvrir ensemble la braise sous la cendre!», publié en novembre 2012, a suscité un vif intérêt en Suisse et au-delà. L’Abbé y prône un certain nombre de réformes dans l’Eglise, dont notamment des mandats à durée déterminée. JB

Encadré

Biographie de l’Abbé Martin Werlen

Né le 28 mars 1962, l’Abbé Martin Werlen est originaire de Geschinen et Obergesteln, dans la vallée de Conches, en Haut-Valais. Depuis 1984, il vit au monastère bénédictin de Notre-Dame des Ermites à Einsiedeln, dans le canton de Schwytz. Après des études de théologie à Einsiedeln et St. Meinrad/USA (1984-1988), il est ordonné prêtre le 25 juin 1988. De 1989-1992, il étudie la psychologie à Rome, où il obtient une licence. Le 10 novembre 2001, il est élu 58e Abbé du couvent d’Einsiedeln et nommé par le pape Jean Paul II le 17 novembre 2001. Sa consécration abbatiale a lieu le 16 décembre de la même année. Au sein de la Conférence des évêques suisses (CES), il participe aux travaux du dicastère «Eglise et société», de celui des médias, et aux tâches présidentielles (Conseil des femmes, Commission d’experts «Abus sexuels dans le cadre de la pastorale»). Il est membre de la Commission «Justice et Paix» et de la Commission d’experts «Abus sexuels dans le cadre de la pastorale». (apic/be)

Des photos de ce reportage sont disponibles auprès de l’apic au prix de 80.– francs la première, 60.– francs les suivantes.

7 novembre 2013 | 18:01
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 5  min.
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