Développer l’usage des moyens de communication sociale en Afrique

Bilan de la 9e Assemblée des évêques africains (030890)

Lomé, 3août(APIC) «La communication sociale au service de l’évangélisatio

en Afrique» était le thème de la 9e assemblée générale du symposium des Con

férences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM), qui s’est tenue du

22 au 29 juillet à Lomé (Togo). En attendant la parution d’un document sub

stantiel qui rassemblera les principaux acquis de cette rencontre, les diverses réflexions émises durant cette semaine de travaux permettent de dres

ser un premier bilan des enjeux abordés par les évêques, des sensibilités

propres à l’Afrique ainsi que certains problèmes auxquels l’Eglise du conti

nent est aujourd’hui confrontée.

Au cours de la rencontre, les évêques présents ont reçu de Mgr Jan Schot

te, secrétaire général du Synode des évêques, le texte des «Lineamenta»

c’est-à-dire le grand document préparatoire de l’assemblée spéciale pou

l’Afrique du Synode des évêques, assemblée qui pourrait se tenir en 1993.

Les participants ont aussi entendu les rapports des diverses commissions

spécialisées: sur l’apostolat biblique, la collaboration avec les missionnaires, les comités de laïcs. Ils ont également procédé l’élection du comité permanent du SCEAM. A l’issue de leur rencontre, ils ont publié un

«communiqué final» ainsi que des «résolutions et recommandations».

Sous le signe de l’universalité

Les participants – une bonne centaine – venaient de trois continents.

Les neuf grandes régions ecclésiastiques d’Afrique et presque tous les pays

africains ont envoyé des délégués : une cinquantaine d’archevêques et évêques. De hauts responsables de la curie romaine étaient venus dont neuf

cardinaux. Les conférences épiscopales d’Europe et d’Amérique du Nord avaient envoyé des représentants, tandis que les épiscopats d’Amérique latine

et d’Asie s’étaient fait excuser. On notait encore la présence de divers

observateurs et experts.

Les réunions du SCEAM se tiennent, en principe, tous les trois ans. Le

secrétariat général de cet organisme se trouve à Accra (Ghana) et, de ce

fait, le SCEAM est fortement marqué par les anglophones, alors que le français et le portugais sont aussi les langues officielles pour les échanges.

Le problème des langues s’est d’ailleurs posé tout au long de la rencontre

de Lomé, et surtout au moment de la discussion des textes à voter. L’assemblée a finalement décidé que le secrétaire général du SCEAM serait désormais secondé par deux adjoints parlant le français et le portugais.

L’Eglise d’Afrique et les médias

Ce n’est pas la première fois que l’Eglise catholique en Afrique s’interrroge sur le rôle des médias. En particulier, le comité épiscopal panafricain de la communication sociale avait élaboré en 1973, au cours de sa

réunion à Ibadan (Nigeria), des propositions jugées fort intéressantes par

les spécialistes, mais qui n’ont été suivies que de peu d’effets. Il semble

que les médias modernes suscitent encore une grande méfiance de la part des

milieux ecclésiastiques. Il est vrai que ces médias supposent des investissements coûteux et exigent une formation adéquate et une gestion rigoureuse. De plus, les détenteurs du pouvoir politique en Afrique se montrent

souvent susceptibles en matière d’information et d’expression des opinions.

Les rapports nationaux et supranationaux présentés à Lomé concernant le

rôle concret des médias pour l’évangélisation ont fait ressortir une grande

variété de situations selon les pays. Partout, il existe des publications

catholiques. Dans la plupart des pays, ces publications ont défendu la

cause de la liberté d’expression. Cependant, en raison du grand nombre

d’analphabètes, l’écrit présente de graves limites. Dans certains pays,

l’Eglise catholique bénéficie d’un temps d’antenne, mais ses émissions sont

diffusées par des stations contrôlées par l’Etat. Les seules stations radio

appartenant à l’Eglise catholique en Afrique se trouvent au Liberia et à la

Réunion. L’Eglise catholique de Côte d’Ivoire essaie actuellement d’avoir

également sa radio. Quant aux cassettes audio et vidéo, elles se

développent assez lentement dans la plupart des pays.

Un plan pour promouvoir les médias

Que faudrait-il faire pour promouvoir les médias en Afrique ? Les évêques réunis à Lomé ont eu l’occasion de débattre de cette question en carrefours. Plusieurs d’entre eux ont insisté sur l’importance de la «communication vivante» qui passe par les «médias traditionnels». «Dans nos sociétés, ont expliqué des évêques, la communication orale joue encore un rôle

majeur. Chez nous, la communication passe par les fables, les proverbes,

les dictons, les énigmes, les chants, le théâtre… D’ailleurs, le langage

de la Bible rejoint nos genres littéraires. Les médias modernes ne devraient pas détruire la communication vivante, mais la rendre plus efficace»!

Diverses tendances sont apparues dans les discussions. Pour les uns, les

médias représentent surtout des «instruments» à utiliser dans un but «moral». La question est alors: Comment «se servir» des médias pour diffuser

l’Evangile, encourager les valeurs jugées «positives» et combattre «l’immoralité» ? Pour d’autres, les médias constituent réellement une «nouvelle

culture». Cette culture change la manière de vivre en société et pose tout

le problème de l’inculturation chrétienne, c’est-à-dire de l’incarnation du

christianisme dans une culture donnée.

Il n’a guère été question, néanmoins, du rôle que peut jouer une agence

chrétienne de presse en Afrique, ni même d’information sur la vie

ecclésiale. Les évêques ont davantage parlé de «la Bonne Nouvelle à

transmettre» que de la communication entre chrétiens et avec d’autres

communautés. Du reste, à part un prêtre envoyé par Radio Vatican, les

journalistes présents ont rencontré d’énormes difficultés pour avoir accès

aux documents de l’assemblée et à d’autres informations élémentaires.

Le communiqué final

Au terme de l’assemblée, les évêques ont annoncé la publication future

d’un document substantiel qui sera élaboré à partir du «document de travail» qui a servi de base à leur rencontre et à partir des résultats de

leurs échanges. Deux autres textes ont été votés: un «communiqué final» et

des «résolutions et recommandations». Ils peuvent être considérés comme reflétant les options principales de l’épiscopat africain, bien que le SCEAM

– qui n’est qu’un organe de liaison, d’étude et de concertation – n’ait

formellement aucun pouvoir sur les Conférences épiscopales.

Dans le «communiqué final», les évêques proposent une réflexion (12 pages) sur leur responsabilité au service de l’évangélisation. Le continent

africain, font-ils remarquer, se débat aujourd’hui dans de graves difficultés. L’oppression, l’injustice, la division et la haine s’y développent,

tandis que les valeurs traditionnelles s’effritent. Dans le même temps, néanmoins, des signes d’espérance sont à relever, spécialement le «nouveau

vent de démocratie». Ce qui fait dire aux évêques, qui reprennent le langage du Nouveau Testament: «C’est maintenant le temps favorable, c’est maintenant le temps du Salut»; l’Eglise est donc appelée à une nouvelle étape

de l’évangélisation.

Pour cette évangélisation, notent les évêques, le témoignage revêt une

importance primordiale. La foi venant de ce qui est annoncé et entendu, la

communication orale doit jouer un rôle majeur. Aussi les évêques insistentils sur la qualité du «témoignage de vie» de chacun et des communautés

chrétiennes, le choix de vie des chrétiens pouvant les conduire dans certains cas jusqu’au martyre.

Quant aux médias modernes, le «communiqué final» encourage leur promotion, depuis les techniques de groupe jusqu’aux médias sophistiqués. Il n’y

a cependant pas eu de décision sur la création éventuelle d’une radio catholique continentale, les avis émis à propos d’un tel projet étant fort divergents. On étudiera néanmoins la possibilité de créer un réseau continental de communication.

Le «communiqué final» insiste aussi sur la formation des prêtres et des

laïcs qui sont engagés dans les médias, tant privés que publics. Il encourage les associations de journalistes et de communicateurs, demande que la

journée annuelle des communications sociales ne se réduise pas à

une formalité évoquée à l’occasion d’un rassemblement liturgique, invite

aux sacrifices nécessaires pour promouvoir les techniques de communication

et demande l’étude des conclusions de la rencontre d’Ibadan (1973) ainsi

que du document substantiel annoncé suite à la rencontre de Lomé. Les évêques se réjouissent enfin de la convocation d’une assemblée spéciale pour

l’Afrique du Synode des Evêques, où le problème des médias sera d’ailleurs

un des cinq cinq points à l’ordre du jour.

Il est à noter qu’en présence des journalistes certains évêques se sont

interrogés sur leur propre «témoignage de vie», dont parle le «communiqué

final» à propos de l’Eglise en général. Les évêques étaient, en effet, logés et nourris aux frais du chef de l’Etat togolais, dans un hôtel de luxe,

où une seule nuitée en chambre particulière s’élève à 32’000 francs CFA

(environ 200 FS), soit le double du salaire mensuel minimum interprofessionnel dans ce pays. La plupart des évêques semblent avoir été mis devant

le fait accompli par l’archevêque de Lomé. Mais certains évêques n’ont pas

caché qu’ils se demandaient «si l’Eglise ne devenait pas l’esclave du pouvoir politique».

Résolutions et recommandations

Pour promouvoir l’évangélisation en Afrique, le texte final des «Résolutions et recommandations» votées par les évêques à Lomé recommande l’usage

et des moyens traditionnels et des moyens modernes de communication sociale. Les médias, soulignent les évêques, constituent «une véritable culture»

que l’Evangile doit rencontrer dans «ses exigences, son langage, ses genres

littéraires et ses modes de communication». Outre le souci de la formation

des responsables et des professionnels des médias, le SCEAM porte la préoccupation du financement des projets des médias et souhaite, à ce propos, le

soutien des «partenaires» d’autres continents.

Les évêques africains se réjouissent, par ailleurs, du «vent de

démocratie» qui souffle sur leur continent. Ils invitent les professionnels

de la communication à «promouvoir l’éducation des masses à l’usage

judicieux de cette démocratie faite de tolérance, de respect de l’autre,

dans la vérité, la paix et la justice». Ils prient aussi les autorités

politiques de «garantir à tous les citoyens sans exception les libertés

fondamentales en général et la liberté religieuse en particulier» et de

«faciliter l’accès des moyens officiels de communication sociale aux

différents courants de pensée, qui concourent à promouvoir le développement

intégral de l’homme». Ils recommandent encore aux décideurs politiques

«d’assouplir le monopole d’Etat en encourageant et en soutenant les

initiatives privées dans le domaine des médias».

L’Eglise catholique est enfin invitée à faire tout ce qui est possible

«pour implanter et exploiter sur le continent un ou plusieurs réseaux de

radiodiffusion destinés à la propagation de la Bonne Nouvelle, à

l’expansion de la culture chrétienne et à la promotion du développement

intégral de l’homme africain et malgache». Mais ces efforts sont à

concevoir dans un esprit de «collaboration oecuménique».

Le nouveau comité du SCEAM

Les neuf régions ecclésiastiques d’Afrique sont représentées au Comité

permanent du SCEAM par un délégué élu par chacune d’elles. Ce Comité est

placé sous la conduite de trois principaux responsables, dont l’équipe

vient d’être reconduite, mais avec permutation des fonctions.

Le cardinal Christian Tumi (Cameroun), qui était le premier vice-président du SCEAM, en a été élu président. Né le 15 octobre 1930 dans la partie

anglophone du Cameroun (diocèse de Bamenda), il a été nommé évêque par le

pape Jean Paul II en 1980. Il a d’abord été chargé du diocèse de Yagoua,

puis il est devenu archevêque de Garoua en 1984. Peu après la précédente

assemblée du SCEAM, il a reçu la pourpre cardinalice en 1988, devenant ainsi le premier cardinal camerounais.

Mgr Jaime Pedro Gonçalves, 53 ans, archevêque de Beira (Mozambique), qui

était second vice-président du SCEAM, a été élu premier vice-président.

Enfin, l’ancien président, Mgr Gabriel Ganaka, 53 ans, évêque de Jos

(Nigeria), est devenu second vice-président. (apic/cip/gar)

3 août 1990 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 8  min.
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