Une affiche électorale à Yangon, en Birmanie, le 10 décembre 2025. Des militants birmans ont appelé la population à participer à une «grève silencieuse"  dans tout le pays afin de rejeter les projets électoraux de la junte militaire | © Keystone/EPA/Nyein Chan Naing
International

Birmanie: des chrétiens forcés de fêter Noël avant le 20 décembre

Le régime autoritaire birman a ordonné aux églises de l’État de Kachin, au nord du pays, abritant une importante communauté chrétienne, de célébrer la messe de Noël avant le 20 décembre. Tout événement public lié à cette fête est interdit le 25 décembre. La junte militaire invoque l’organisation d’élections fin décembre.

Avec asianews

Dans une décision qui a suscité une grande indignation et un profond ressentiment parmi les croyants, le conseil militaire au pouvoir a ordonné aux églises de l’État de Kachin d’arrêter les messes et les célébrations liées à Noël quelques jours avant la fête de la nativité afin d’encourager les gens à aller voter.

Des sources proches du gouvernement ont confirmé que les célébrations de Noël devaient prendre fin le 20 décembre dans la capitale régionale Myitkyina, ainsi que dans plusieurs communes où les élections sont prévues pour le 28 décembre. Cette directive interdit de fait les célébrations publiques le 25 décembre.

Les responsables locaux justifient cette mesure par une nécessité logistique. «C’est à cause des élections. Si elles [les célébrations de Noël] se déroulent normalement le 25 décembre, elles seront trop proches du scrutin national», a déclaré à la presse locale un membre du département de l’administration générale de la commune de Putao.

Contrôle et répression

Pour l’ethnie Kachin, majoritairement chrétienne, l’ordre de la junte n’est pas un ajustement logistique, mais un acte délibéré de contrôle et de répression. L’armée a pris le pouvoir en février 2021 en renversant le gouvernement démocratiquement élu d’Aung San Suu Kyi, qui a été arrêtée.

Une chrétienne résidant dans la commune de Tanai a exprimé sa profonde frustration, comparant cette décision à une célébration d’anniversaire forcée et factice. «Cela ressemble à un acte d’oppression religieuse. Je n’ai jamais vécu cela de toute ma vie de chrétienne», a-t-elle déclaré. «C’est comme si on vous disait de fêter votre anniversaire non pas le jour même, mais plus tôt. Qui serait heureux que son anniversaire soit traité de cette manière? C’est la fête la plus sacrée pour tous les chrétiens.»

Les églises craignent des mesures de rétorsion

Cette restriction a placé le clergé dans une position difficile. Craignant des répercussions, la plupart des églises se sont conformées à cette décision et ont programmé des offices pour les 18 ou 19 décembre. Un ancien administrateur du district de Myitkyina a fait remarquer que, bien qu’aucune sanction spécifique n’ait été annoncée, la menace est implicite.

«Il est certain que si quelqu’un organise une cérémonie à proximité des élections du 24 ou du 25, il sera arrêté ou bloqué, sous prétexte de désobéissance ou de rébellion contre les ordres du gouvernement», a-t-il déclaré.

Mung Aung, un catéchiste catholique local, a dénoncé ces restrictions comme une violation de la liberté religieuse et un symptôme de la guerre plus large menée par la junte contre les minorités ethniques et religieuses du pays. «Il est très étrange et profondément douloureux que nous ne puissions pas célébrer Noël en public le jour même de cette fête sacrée en raison de cette restriction», a-t-il déclaré. «Le gouvernement militaire considère notre foi comme un obstacle à son théâtre politique.»

Oppression spirituelle

Selon lui, «en nous obligeant à déplacer la naissance de notre Sauveur pour l’adapter à leur calendrier, ils montrent leur manque total de respect envers le peuple kachin et la minorité chrétienne». Il a ajouté: «Ils nous oppriment avec des armes, et maintenant ils essaient d’opprimer notre esprit en nous dictant quand nous pouvons prier. Mais s’ils peuvent contrôler les dates sur un calendrier, ils ne peuvent pas éteindre la foi dans nos cœurs».

Cette controverse survient alors que le conseil militaire prévoit d’organiser des élections dans les communes «stables» le 28 décembre. Les partis politiques, notamment le Parti de la solidarité et du développement de l’Union (USDP), proche de l’armée, et le Parti de l’unité nationale (NUP), auraient déjà commencé à faire campagne dans ces régions.

En revanche, dans les communes où aucune élection n’aura lieu, les vacances de Noël devraient se dérouler comme d’habitude, créant ainsi une fracture profonde au sein de l’État.

Les observateurs soulignent que le report forcé de Noël risque d’exacerber l’animosité et les tensions entre le régime militaire et la communauté kachin, qui souffre depuis longtemps des attaques de l’armée et d’une discrimination systématique.

3,5 millions de déplacés internes

Au Myanmar, ravagé par près de cinq ans de guerre civile (qui a débuté après le coup d’État du 1er février 2021), les communautés chrétiennes vivent aux côtés de l’ensemble de la population la grave situation humanitaire liée au conflit en cours, qui a fait 3,5 millions de déplacés internes.

Entre-temps, la junte militaire a annoncé des élections dans un pays divisé entre les zones contrôlées par la junte et celles contrôlées par les groupes de résistance. Le vote est prévu en deux phases distinctes: la première phase le 28 décembre, la seconde le 11 janvier, mais il ne concernera que les citoyens résidant dans les zones contrôlées par la junte, tandis que le parti de la Ligue nationale pour la démocratie, qui avait remporté les élections avant le coup d’État, ne sera pas présent.

Entre-temps, la pression exercée par l’armée birmane sur les groupes de résistance armés s’est intensifiée: au cours des dernières semaines, les militaires ont multiplié les offensives et les bombardements. Un hôpital en a fait les frais, touché le 10 décembre dans l’État de Rakhine. (cath.ch/asianews/fides/bh)

Une affiche électorale à Yangon, en Birmanie, le 10 décembre 2025. Des militants birmans ont appelé la population à participer à une «grève silencieuse» dans tout le pays afin de rejeter les projets électoraux de la junte militaire | © Keystone/EPA/Nyein Chan Naing
21 décembre 2025 | 17:23
par Bernard Hallet
Temps de lecture : env. 4  min.
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