Un visage souriant dans la tourmente de l’égoïsme

Brésil: Frédy Kunz et la Fraternité du Serviteur souffrant

Par Michel Bavarel (*), pour l’APIC

Sao Paulo,

(APIC) «Dans un monde tourmenté par l’égoïsme brille le visage joyeux de la Fraternité du Serviteur souffrant». Ecrite par Frédy Kunz quelques jours avant sa mort, cette phrase était affichée dans le chœur de l’église de São Geraldo, à Santo André (São Paulo), lors des obsèques le 13 août, du prêtre des défavorisés brésiliens, qui était d’origine suisse.

«Chaque souffrant se sentait aimé par Frédy comme s’il était unique», ont dit les proches du Père Kunz, lors de ses obsèques à l’Eglise de Sao Geraldo, à Santo André, dans l’agglomération de Sao Paulo. Connu au Brésil sous le nom d’Alfredinho, le prêtre avait gardé des liens en Suisse et en France, où il venait régulièrement lors de ses congés.

Au cours de la messe de sépulture, concélébrée par une quinzaine de prêtres, l’évêque de Santo André a rappelé que Frédy Kunz a vu le jour dans la partie francophone du canton de Berne, en février 1920. Il a déménagé avec sa famille en France, en 1926, où son nom alémanique lui a valu d’être traité de et d’être battu par ses camarades d’école.

Après un rude apprentissage de cuisinier, c’est la rencontre de la Jeunesse ouvrière catholique (JOC). Puis la captivité en Autriche, durant la seconde guerre mondiale. Témoin du traitement inhumain des prisonniers politiques transférés du camp de concentration de Mauthausen, le prêtre a commencé à méditer sur la souffrance. Une méditation qu’il a poursuivie durant toute sa vie à la lumière des d’Isaïe.

«Ce qui était bon pour elle est bon pour moi»

Le Père Kunz a été ordonné prêtre en 1954, dans la congrégation des Fils de la Charité, fondée par le Père Anizan, pour l’évangélisation du monde ouvrier. Pendant une douzaine d’années, il a exercé son ministère dans un quartier populaire de Montréal, au Canada, pays dont il a acquis la nationalité. En 1968, il part pour le Brésil. Attiré par la présence de Dom Fragoso, l’un des évêques les plus courageux sous la dictature militaire, il s’est rendu à Crateus, dans le Nordeste brésilien marqué par l’injustice et la misère. Appelé au chevet d’une jeune victime de la prostitution, pour lui administrer les derniers sacrements, il a décidé que ce qui avait été assez pour elle, durant sa vie, pouvait l’être également pour lui. Il s’est donc installé dans la baraque de la défunte et s’est mis à l’école des pauvres.

La Fraternité du Serviteur souffrant est née durant la grande sécheresse qui a sévi entre 1979 et 1983 au Brésil. «Alfredinho» a jeûné neuf jours quand les militaires ont voulu mobiliser les habitants de Crateus contre l’invasion des «flagelados», victimes du fléau. A la suite de ce jeûne, des cartons portant l’inscription «Portes ouvertes aux affamés» ont été apposés sur deux mille maisons de la ville. Le Père Kunz s’est ensuite engagé sur l’un des chantiers d’urgence ouverts aux «flagelados», traités par leurs gardiens de malandrins, de gigolos et de paresseux.

Adepte de la non-violence évangélique, le prêtre a aussi lancé une opération de Carême pour le nettoyage des rues des quartiers périphériques qui a mobilisé un bon millier de personnes plusieurs dimanches de suite. Parmi les «balayeurs» et les travailleurs du chantier d’urgence, le Père Kunz a recruté les premiers membres de la Fraternité, accompagnés d’agents de pastorale. Chaque année depuis 1977, ces «agents» mènent une réflexion sur les «chants du Serviteur» lors d’une retraite avec Frédy Kunz.

Portes ouvertes aux affamés

La Fraternité a essaimé dans les bourgades alentour, dans d’autres régions du Brésil et même d’autres pays. Frédy Kunz n’omettait jamais de préciser qu’on «n’entre pas dans la fraternité du Serviteur souffrant pour souffrir, mais pour être heureux». En 1988, Frédy a quitté le Nordeste pour rejoindre une équipe des Fils de la Charité à Santo André, une ville industrielle du grand São Paulo. Il a établi ses quartiers dans une baraque de la favela Lamartine. En 1995, pour son 75ème anniversaire, il a rejoint les «souffrants de la rue», dormant sur un carton, sous un pont ou dans un abri quelconque. Cela a duré des mois, jusqu’à ce que son état de santé le lui interdise.

En janvier dernier, il a encore pris part au pèlerinage qui a rassemblé quatre cents participants à Bom Jesus da Lapa, dans la Bahia. Au moment même de la mort du prêtre des défavorisés, les membres de la Fraternité étaient en retraite en plusieurs lieux, dont Brescia (pour l’Europe) et Santo André, Leur session annuelle se déroule en effet aux alentours de la fête de Maximilien Kolbe, choisi comme saint patron de la fraternité. (apic/mb/mjp)

28 août 2000 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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