Brésil: L’ascension du pentecôtisme, de la religion à la politique

Le pentecôtisme, un courant chrétien évangélique puissant au Brésil, est un phénomène qui va bien au-delà de la religion. Pour la sociologue brésilienne Christina Vidal, qui mène depuis plusieurs années des recherches sur le thème de la religiosité dans les favelas de Rio de Janeiro, outre la sphère religieuse, cet essor se retrouve aussi aujourd’hui dans les domaines social et politique.

Dans une interview accordée au site de l’Institut Humanitas Unisinos (IHU), Christina Vidal évoque d’abord la manière dont la religiosité se manifeste dans la vie des habitants de ces quartiers périphériques.

«Les religions sont expérimentées de différentes manières, plus ou moins organiques, en fonction de l’évolution des conditions de vie et des parcours personnels, explique la chercheuse. Quoi qu’il en soit, la dimension religieuse est significative, que ce soit en tant que marqueur temporel et de socialisation, ou dans les domaines politique et économique».

Proximité, disponibilité, accueil

Christina Vidal relève plusieurs explications à l’essor de la culture pentecôtiste dans ces zones urbaines périphériques. «Il existe des stratégies proprement institutionnelles qui sont là pour répondre à une demande précise. Par exemple, les églises évangéliques établissent une proximité avec leurs fidèles, offrent des espaces de rencontre quotidiens, proposent du conseil spirituel, mais aussi émotionnel, ainsi que financier et professionnel. Les pasteurs sont par ailleurs très disponibles pour les fidèles. Ils vivent dans les mêmes conditions qu’eux. Enfin, d’un point de vue institutionnel, les temples évangéliques, n’ayant pas à se soumettre à une centralisation administrative, sont autonomes et s’adaptent à leur environnement».

La présence de l’Eglise évangélique s’impose au Brésil (Photo: Jean-Claude Gerez)

«Les valeurs libérales prédominent dans les favelas»

Une des autres raisons du succès des églises évangéliques dans ces quartiers périphériques de Rio de Janeiro est liée au fait que les habitants s’identifient, au moins en termes économiques, aux valeurs libérales. C’est ce que confirme une étude menée récemment par la Fondation Perseu Abramo, un institut de recherches proche du Parti des Travailleurs (PT).

Cette enquête explique que les habitants des quartiers périphériques adhèrent à des valeurs comme l’individualisme, la compétitivité, l’ascension sociale par le mérite et le travail, ou encore l’efficacité. Pas de quoi surprendre la sociologue. «Les valeurs libérales prédominent aujourd’hui dans les favelas. Ces valeurs sont notamment portées par la ‘théologie de la prospérité’ une notion centrale dans le pentecôtisme».

Evangélique et… politicien

Christina Vidal mentionne la présence croissante des évangéliques dans la politique, que ce soit dans le cadre de mandats électifs nationaux, de chaque Etats ou au niveau municipal. A ses yeux, le meilleur exemple de cette expansion du pentecôtisme en politique a été le succès de Marcelo Crivella, évêque de l’Église Universelle du Royaume de Dieu (EURD), lors des dernières élections municipales de Rio de Janeiro, le 30 octobre 2016, la 2ème ville du pays, avec 8 millions d’habitants. Avec cependant une nuance.

«Lorsque Marcelo Crivella a été élu, la presse a largement commenté cette victoire comme celle des évangéliques, se rappelle la chercheuse. Pourtant, la conclusion a été un peu hâtive. En fait il n’a pas seulement obtenu ce mandat parce ce qu’il est évangélique. Il a aussi été élu grâce à une certaine habileté politique. Il a su tenir un discours qui répondait à des angoisses sociales». Il a également conclu de nombreuses alliances politiques ponctuelles et… opportunistes.

Electeurs pauvres et… riches

Reste que la sociologie des suffrages, lors de l’élection de Marcelo Crivella, a interpellé les observateurs. Non seulement le maire de la «Cité Merveilleuse» a obtenu des voix des populations des quartiers périphériques défavorisés, mais il en a aussi reçu beaucoup des quartiers riches de la Zone Sud, comme Ipanema. Conclusion ? «Il est encore trop tôt pour affirmer que le seul facteur religieux a fait la différence, souligne Christina Vidal. Car le fait qu’il ait un lien religieux n’implique pas forcément qu’il existe une avancée du religieux dans le monde institutionnel». (cath.ch/jcg/be)

 

 

 

L'Eglise évangélique fait sa publicité dans la rue au Brésil
24 avril 2017 | 10:06
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 3 min.
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