Leonardo Boff est l'un des pères fondateurs de la théologie de la libération | © Ministerio de Cultura de la Nacion Argentina/Flickr/CC BY-SA 2.0
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Brésil: Léonardo Boff inquiet pour la démocratie

Père de la Théologie de la libération au Brésil, Leonardo Boff critique vertement  le nouveau gouvernement Bolsonaro, dont les premiers pas démontrent «le manque total de préparation».

«Ce gouvernement se contredit. Les ministres ne savent pas ce qu’ils veulent. Ils ne connaissent même pas les réels besoins du pays». C’est avec un ton critique que Leonardo Boff s’est exprimé dans le cadre d’une interview publiée le 11 janvier 2019 par le quotidien brésilien en ligne Rede Brasil Atual. Pour le théologien, le nouveau président investi le 1er janvier est «le plus grand malheur de notre histoire» et son arrivée au pouvoir constitue «le triomphe de l’ignorance et de la bêtise».

«Bolsonaro obéit à l’agrobusiness»

Au cours de l’entretien, Leonardo Boff  revient également sur la note envoyée par le nouveau gouvernement, le 3 janvier, aux directions régionales de l’Institut national pour la colonisation et la réforme agraire (Incra). Le document décrète la suspension provisoire de l’achat et de la démarcation de terres  à destination, notamment, des paysans sans terre. Motif? La gestion, jusque-là dévolue à la Casa Civil (cabinet du président de la République), est désormais confiée au ministère de l’Agriculture, proche de l’agrobusiness. La directive a été annulée le lendemain devant le tollé des organisations de la société civile. Mais la menace demeure.

Fustigeant ce qu’il estime être une tentative de «paralysie de la Réforme agraire», et craignant qu’il s’agisse là d’une première tentative, Leonardo Boff estime qu’une telle démarche serait «cohérente avec l’idéologie de Bolsonaro et de ses appuis, principalement l’agrobusiness». Mais pour le théologien, cette démarche est anticonstitutionnelle. «La Constitution de 1988 prévoit la Réforme agraire. Bolsonaro ne décide pas seul. Il obéit à l’agrobusiness, à la vieille oligarchie qui vit de privilèges».

Un «coup d’Etat militaire doux»

Interrogé sur ses craintes pour la démocratie, Leonardo Boff a rappelé que Jair Bolsonaro «n’a jamais dit qu’il allait défendre la démocratie». «Durant la campagne électorale, ses paroles ont été orientées par tout ce qui détruit la démocratie, même à basse intensité: manque de respect envers les minorités politiques, les noirs, les indigènes, les LGBT. Il ne défend pas le sentiment d’égalité de tous en dignité et en droits. Il est plein de préjugés et il pense que les choses se résolvent par la violence. Cela va à l’encontre de la démocratie».

 

En fait, le Théologien de la libération redoute l’éventualité «d’un coup d’Etat militaire doux éloignant l’actuel président, qui pourrait être perçu comme un obstacle à des politiques dénuées de sagesse et nationalistes». Et de poursuivre, inquiet: «Nous savons déjà comment fonctionne la tête du militaire habitué à identifier l’ennemi et à le combattre sans cesse, en particulier ceux qui s ›opposent à un tel gouvernement».

L’espoir malgré tout

Le théologien veut malgré tout continuer à croire en son pays. «J’ai l’espoir que le Brésil soit bien plus grand que les petites têtes qui aujourd’hui nous gouvernent dans un fondamentalisme rigide d’inspiration religieuse, avec un projet économique et politique ultralibéral». (cath.ch/jcg/rz)

 

Leonardo Boff est l'un des pères fondateurs de la théologie de la libération | © Ministerio de Cultura de la Nacion Argentina/Flickr/CC BY-SA 2.0
13 janvier 2019 | 14:36
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 2 min.
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