Brésil: Près de 40’000 travailleurs esclaves au Brésil, selon une étude de l’OIT

La «nouvelle frontière agricole» de l’Amazonie brésilienne

Brasilia, 25 septembre 2006 (Apic) Le nombre de travailleurs esclaves au Brésil pourrait atteindre les 40’000, selon une étude de l’Organisation internationale du travail (OIT) présentée en fin de semaine à Brasilia et intitulée «Travail esclave dans le Brésil du XXIe siècle».

A plus d’un siècle de l’abolition formelle de l’esclavage au Brésil, dans la plus grande démocratie d’Amérique latine, au moins 25’000 personnes sont exploitées dans des conditions semblables à l’esclavage, estime une enquête publiée vendredi par l’OIT à Brasilia. Selon cette étude, c’est l’Etat du Pará qui arrive en tête de ce triste palmarès. L’enquête a été présentée à la presse par l’expert du BIT sur le travail forcé, Roger Plant, et la sociologue Laís Abramo, directrice de l’OIT-Brésil.

Les données utilisées par l’OIT ont été réunies par la Commission Pastorale de la Terre (CPT), un organisme de la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB). Selon ces informations, de 1995 à 2005, pratiquement la moitié des dénonciations concernant le travail esclave au Brésil ont été faites dans l’Etat du Pará.

Ainsi, 37,5% des travailleurs libérés de cette situation de captivité viennent de cette région. Le Mato Grosso arrive en seconde position, avec 22,3% des travailleurs esclaves libérés. Les observateurs estiment que ce n’est pas par hasard: c’est justement dans ces deux Etats que se trouve la «nouvelle frontière agricole» de l’Amazonie brésilienne.

C’est aussi dans ces deux régions que l’on rencontre le plus grand nombre de cas de violation des droits des travailleurs et des droits humains, avec des actes de violence et des assassinats. Les propriétaires qui commettent ces crimes sont rarement punis, a déploré Laís Abramo, bien que la loi prévoie de lourdes peines de prison pour les esclavagistes.

Les cartes géographiques de la région montrent que l’extension des plantations coïncide avec les lieux où ont été libérés les travailleurs esclaves, souligne le coordinateur de l’étude de l’OIT, Leonardo Sakamoto. L’étude fait apparaître également une forte corrélation entre les zones qui ont enregistré le plus d’assassinats dans la campagne et celles où l’on trouve du travail esclave.

18’000 travailleurs esclaves ont été libérés

Les données fournies par l’OIT et le Ministère brésilien du Travail montrent que 80% des travailleurs en situation d’esclavage se trouvent dans le secteur de l’élevage. Dans la majorité des cas, ces travailleurs sont appelés pour déboiser des zones qui servent de pâturages quand les terres ont été défrichées. Dans 10% des cas, il s’agit de plantations de soja et de coton.

Selon l’étude, les méthodes utilisées pour maintenir les travailleurs en situation d’esclavage sont les mêmes que celles que l’on rencontrait au XIXe siècle: la chaîne des dettes qui les maintient en état de servitude. Quand les travailleurs commencent leur tâche, ils doivent rembourser le transport, les vêtements, l’alimentation et jusqu’au matériel utilisé, ce qui les empêche de s’en sortir.

Le Ministère brésilien du Travail déclare que 18’000 travailleurs ont été libérés de leurs conditions d’esclavage depuis 1995. Selon le droit brésilien, le travail forcé comprend le travail dégradant obtenu par la coercition, les menaces sur la famille ou la servitude pour dettes.

La peine peut aller jusqu’à 6 ans de prison et 250 reals d’amende minimum (116 dollars) pour chaque employé retenu. Une campagne nationale contre le travail forcé au Brésil a été lancée en octobre 2003. Le gouvernement a établi une Commission nationale pour l’éradication du travail esclave (CONATRAE) et a lancé un plan d’action national contre le travail forcé, dans le but d’éradiquer cette pratique criminelle dans le pays où l’esclavage a été aboli le 13 mai 1888. Outre la répression et le combat contre l’impunité visant ce type de travail, le Plan National prévoit une politique de réinsertion sociale des travailleurs libérés.

Les premières dénonciations des formes contemporaines d’esclavage au Brésil ont été faites en 1971 déjà par dom Pedro Casaldáliga, évêque catholique de la prélature territoriale de Sao Félix do Araguaia, engagé dans le défense des droits humains en Amazonie. Son action a ensuite été relayée par la Commission Pastorale de la Terre (CPT), qui a dénoncé des fazendas, liées aux sociétés multinationales. Le Brésil a reconnu l’existence de ce grave problème social dès 1992. (apic/oit/kna/be)

25 septembre 2006 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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