Bruxelles: Trois mois après l’inculpation de l’abbé Vanderlyn
La paroisse de Jésus-Travailleur sous le choc d’une «trahison
Bruxelles, 14 octobre 1997 (APIC) Quinze semaines après l’inculpation de son ancien curé, l’abbé André Vanderlyn, pour viol et attentat à la pudeur, la paroisse bruxelloise de Jésus-Travailleur reste sous le choc. Une assemblée a permis aux paroissiens, le 8 octobre, d’exprimer ce qu’ils avaient sur le coeur. Chez beaucoup, la colère est à la mesure de la confiance qui se découvre trahie : «Comment cet homme a-t-il pu nous berner ainsi?»
Quelque 60 personnes, dont un tiers d’origine espagnole, ont participé à l’assemblée de la paroisse, dont le territoire s’étend sur les communes de Saint-Gilles et Forest et regroupe 5’800 habitants. L’initiative de la soirée revient à un prêtre zaïrois, le Père Léopold Kalubende Kashama, qui s’est mis au service de la paroisse, le temps de terminer un doctorat. Le doyen Christian Wijnants, qui a repris la charge de curé de cette paroisse depuis l’arrestation du prêtre inculpé le 23 juin dernier, s’est volontiers joint à son collègue zaïrois et à d’autres chrétiens pour convoquer la communauté dont il savait la confiance ébranlée.
Pour faciliter la communication, l’animation de la rencontre a été confiée à un psychologue, qui a d’emblée proposé aux participants de réfléchir chacun à trois questions : «Qu’est ce qui m’a troublé dans ce événement?» «Qu’ai-je envie de dire ?» «Quelles sont les questions qui me restent sur le coeur?» Les échanges en petits groupes ont ensuite favorisé la libre parole et l’écoute.
Confiance trahie
Les paroissiens ont d’abord mis en commun leurs sentiments de colère, de tristesse et d’amertume. «Comment ce type a-t-il pu berner son monde si longtemps?» Les mots des adultes étaient à la mesure du scandale ressenti à l’annonce des abus commis ainsi que du «mensonge» reproché au prêtre, qui n’est passé aux aveux qu’un an après les premiers soupçons portés sur lui. Tous ont aussi communié à la douleur confiée par ce jeune en larmes: «C’était notre aumônier scout. Il nous faisait la catéchèse. Il était notre homme de confiance. Il nous a trahis!»
Des anciens, qui ont construit de leurs mains l’église de cette jeune paroisse en milieu populaire, étaient particulièrement abattus: «Un homme a démoli le travail fait par toute une communauté depuis trente ans !» Plusieurs laïcs n’ont jamais digéré le fait que l’équipe pastorale, qui était en place il y a dix ans, s’est retrouvée sans responsabilité dès l’arrivée de l’abbé Vanderlyn.
Le manque de communication directe entre les autorités ecclésiales et la communauté locale est aussi venu sur le tapis. C’est par la presse que les paroissiens ont été partiellement informés. Certains reprochent à des journalistes inquisiteurs, qui semblaient en savoir plus qu’eux sur une affaire les touchant au premier chef, d’avoir «sali» toute la communauté. «Pourquoi l’évêque ou d’autres ne nous ont-ils rien dit dès le début ?»
L’abbé Wijnants, qui avait pourtant informé ses collaborateurs dès l’arrestation de l’ancien curé, a reconnu qu’il aurait pu veiller à une information directe de la communauté. Mais sans accès au dossier judiciaire, que dire pour ne pas noircir publiquement un inculpé, qui n’est toujours pas condamné et dont on ignore la durée de la détention préventive ? Au-delà du scandale, au-delà de sa tristesse, la communauté de Jésus-Travailleur s’inquiète pour son avenir. «Qu’allons-nous devenir ? Notre paroisse s’en remettra-t-elle ? Comment faire pour répondre aux questions de nos enfants ? Comment aider les jeunes à se situer par rapport à la communauté et par rapport aux prêtres ?»
Comment les prêtres vivent leur célibat?
Plusieurs questions ont aussi porté sur la situation des prêtres: «Comment les prêtres vivent-ils leur célibat… et leur solitude ? Que peut faire une communauté pour les soutenir ? Et d’ailleurs, pourquoi faire du célibat une obligation pour les prêtres ?»
Au terme de l’assemblée, la plupart des paroissiens ont expriméé leur soulagement d’avoir pu partager leur souffrance et leurs questions. Le doyen aussi était satisfait de la liberté de parole et de l’écoute qui se sont manifestées. Mais d’autres assemblées seront nécessaires pour envisager l’avenir. Les premiers volontaires ont accepté de se répartir quelques tâches pour les besoins de la communauté. Demain, il en faudra d’autres. «Aller plus loin que nos colères et nos peurs. Dépasser notre souffrance pour pouvoir nous rencontrer et tisser ensemble les liens qui feront que demain encore le visage du Christ sera reconnaissable dans notre quartier. Tel était l’enjeu souligné dans la convocation de l’assemblée. Bien des questions abordées ont touché cet enjeu. Beaucoup sont encore sans réponse, ou sans réponse suffisante. Le doyen entend bien accompagner la communauté dans sa recherche. Mais le problème désormais posé déborde de loin la défection d’un pasteur, observe Christian Wijnants: «Comment progresser comme communauté de foi et de prière au service de tous?» La répnse à cette question ne dépend pas seulement du nouveau curé. (apic/cip/ba)