Calcutta: Funérailles nationales pour Mère Teresa
Humbles et nantis pleurent leur «sainte»
Calcutta, 14 septembre 1997 (APIC) Humbles et nantis, puissants et misérables, chrétiens, hindous, musulmans, bouddhistes, sikhs, parsis ont rendu samedi un hommage unanime à Mère Teresa de Calcutta décédée le 5 septembre à l’âge de 87 ans. Un million de personnes ont suivi dans le calme les funérailles le long des six kilomètres du cortège funèbre portant des portraits de la «sainte de Calcutta» et jetant des fleurs.
Dignitaires religieux et politiques, indiens et étrangers, se sont inclinés devant la dépouille mortelle de mère Teresa recouverte du drapeau national indien vert blanc et safran. Au nom du pape Jean Paul II, le cardinal Angelo Sodano a remercié la Mère des pauvres pour son exemple lumineux rappelant qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir.
Durant quelques heures, Calcutta est devenu la capitale de l’Inde et d’une grande partie du monde. En offrant des funérailles nationales à Mère Teresa l’Inde avait conscience d’accomplir un geste exceptionnel pour une personnalité exceptionnelle. Tout l’apparat militaire hérité de la colonisation britannique avait été mobilisé pour rendre un dernier hommage à Mère Teresa. Le cercueil ouvert décoré de fleurs blanches, déposé sur l’affût de canon qui avait servi pour les funérailles de Gandhi et de Nehru, pères fondateurs de la nation indienne, a circulé lentement dans les rues de la ville. Des milliers de personnes se pressaient sur son passage pour voir la «sainte» et tenter de s’approcher du cercueil. Selon la police, plus de 20’000 hommes ont été engagés pour assurer la sécurité.
Parvenue au stade couvert Netaji, la dépouille de Mère Teresa a reçu durant 40 minutes les hommages des dignitaires politiques indiens et des personnalités étrangères dont Hillary Clinton et Bernadette Chirac, les reines Sofia d’Espagne, Fabiola de Belgique et Nur de Jordanie ainsi que les présidents italien et albanais Oscar Luigi Scalfaro et Rexhep Mejdani ou encore Frère Roger Schutz de Taizé. Sur le devant de l’autel une banderole proclame en anglais «Une œuvre de charité est une oeuvre de paix» .
«J’avais faim et vous m’avez donné à manger»
Présidée par le cardinal Angelo Sodano, délégué spécial du pape et par Mgr Henry D’Souza archevêque de Calcutta, la célébration a laissé la place aux hommages de représentants d’autres confessions et religions: anglicans, hindous, musulmans, sikhs, bouddhistes et parsis. Le cardinal Simon Pimento, archevêque de Bombay, a lu l’évangile de Matthieu: «J’avais faim et vous m’avez donné à manger…». Mère Teresa «l’a compris avec toutes les fibres de son esprit audacieux et avec toute l’énergie de son corps fragile. Elle l’a pleinement pratiqué avec tout son coeur et dans la fatigue quotidienne de son corps. Dépassant les frontières des différences religieuses, culturelles et ethniques, elle a enseigné au monde cette leçon nécessaire et bénéfique : il y a plus de joie à donner qu’à recevoir,» a commenté le cardinal Sodano. Pour Mgr Henry D’Souza «le plus grand message qu’elle a donné au monde est la valeur et la dignité de la vie humaine . Toute vie humaine est précieuse, quelle que soit sa condition, du sein maternel à la mort.».
Outre les discours, la messe a été forte de gestes symboliques. Au moment de l’offertoire une religieuse a déposé sur l’autel le crayon de Mère Teresa pour rappeler qu’elle avait toujours voulu être un instrument dans les mains de Dieu. Le vin, l’eau et le pain ont été apportés par une ancienne détenue et par un jeune handicapé.
Il n’y a aura pas d’autre Mère que Mère Teresa
A l’issue de la messe, le corps porté cette fois à dos d’homme par huit soldats a regagné la maison des missionnaires de la charité. Loin de la foule et des regards des caméras de télévision, entourée uniquement des religieuses de sa congrégation Mère Teresa a été enterrée sur les lieux même où elle a œuvré durant plus de cinquante ans. Pendant que dans la rue une sonnerie de clairons et une salve d’honneur rendaient un dernier hommage.
Sœur Nirmala qui a pris la succession de Mère Teresa à la tête des quelque 4’000 missionnaires de la charité a refusé de prendre le titre de «mère». «Il n’y aura qu’une seule mère pour toujours», a-t-elle déclaré vendredi. Elle a affirmé vouloir poursuivre avec la même volonté l’engagement pour les pauvres et rester fidèle à l’esprit de Mère Teresa. (apic/kna/cic/mp)