Cambodge: Khmers rouges chez les «évangéliques»

Restant de la colère de Dieu

Phnom Penh, 24 novembre 2005 (Apic) Anlong Veng, au Cambodge était le fief des Khmers rouges. Trente ans après le génocide qui a coûté la vie à 1,7 million de Cambodgiens entre 1975 et 1979, les Khmers rouges battent leur coulpe et se tournent vers Dieu, sous l’influence du mouvement évangélique.

«J’ai commis des actes très brutaux et cruels. J’ai donné des ordres pour tuer des innocents». Ung Khorn, ancien commandant de la division khmère 785, ajout, un rien décalé: «c’est un passé où l’on était ambitieux». Comme le raconte l’envoyé spécial du Figaro, dans sa minuscule cabane de bambou, il est aujourd’hui un chrétien dévot, au service de l’Eglise évangélique américaine. Pour réhabiliter son âme, il initie ses anciens compagnons d’armes au protestantisme évangélique.

Sillonnant les rizières d’Anlong Veng, Au Nord Cambodge il a déjà converti soixante hommes de sa division. «Dans le passé, tu as fait de mauvaises choses, comme moi. Quand tu seras baptisé dans l’eau, tu seras lavé de tes mauvaises actions et tu pourras passer à une vie nouvelle.» C’est ainsi que l’ancien bourreau fait des convertis. Comme Chham Long, 48 ans, la cuisinière de Ta Mok, un chef de Pol Pot, récemment convertie, qui affirme: «Nous avons la caution morale de Pol Pot et de Ta Mok car eux aussi étaient chrétiens». «Simplement, ils cachaient le message de Dieu», croit-elle.

On baptise dans le «lac aux morts»

A Païlin, autre fief khmer rouge sur la frontière thaïlandaise, «le christianisme est devenu la première religion en l’espace de six ans. Il existe une dizaine de lieux de culte et 60% des 29’000 habitants sont convertis», confie à l’envoyé du Figaro le pasteur évangélique Roth Phannith, 37 ans. On y baptise dans les eaux troubles du «lac aux morts», là même où les agents khmers rouges jetaient les cadavres des «ennemis de classe» et des «traîtres» après leur avoir tranché la gorge ou brisé la tête d’un coup de pioche.

«C’était il y a si longtemps, l’eau est propre maintenant», assure Lee Samith, tenancier d’un bar et membre de l’église chrétienne de Païlin. Quant à Kong Duong, la voix de la radio khmère rouge, qui a accompagné le régime du «Kampuchéa démocratique» – nom officiel d’un des régimes les plus sanglants que le monde ait connu -, elle présente maintenant sur ses ondes des gospels chaque dimanche. L’ancien leader Khieu Samphan, lui, potasse la Bible quand il ne ressasse pas son innocence en prévision d’un procès.

La conversion chrétienne de ces anciens combattants marxistes-maoïstes a de quoi intriguer. «Les moines bouddhistes ne s’aventurent pas dans les bastions des Khmers rouges, qui les ont systématiquement massacrés, laissant le champ libre aux missionnaires américains, très actifs», explique Youk Chhang, qui dirige le centre de recherches sur le génocide khmer à l’envoyé du quotidien parisien.

Les anciens Khmers rouges «cherchent le pardon parce qu’ils sont emplis de culpabilité», estime pour sa part le pasteur Chea Sinnen, vice-président de l’organisation évangélique «Kampuchea for Christ» (apic/fig/zenit/vb)

24 novembre 2005 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 2  min.
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