A la condition d’avoir l’autorisation du pape
Cameroun: Le cardinal Tumi n’exclut de se présenter à l’élection présidentielle de 2004
Younde, 9 octobre 2003 (Apic) Le cardinal Christian Tumi, archevêque de Douala n’exclut pas de présenter sa candidature à l’élection présidentielle d’octobre 2004 dans son pays, le Cameroun. A condition, toutefois, d’avoir l’autorisation du pape, a-t-il dit, dans une interview publiée mercredi 8 octobre 2003 par le bimensuel de l’église catholique camerounaise, «L’Effort».
A Dakar où il participe à la 13e assemblée plénière du Symposium des Conférences Episcopales d’Afrique et de Madagascar (Sceam), le prélat a rappelé sa non-appartenance à un parti politique, ajoutant n’être contre aucune formation. Aucune d’elles «n’est ouvertement ni contre Dieu, ni contre l’église», a-t-il ajouté.
L’élection présidentielle de 2004 se prépare déjà au Cameroun. Paul Biya, le président sortant, dirige le pays depuis 21 ans. Il ne s’est pas encore décidé à se représenter au scrutin. Certains dignitaires de son parti, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) font pression sur lui pour l’amener à se représenter une nouvelle fois à une élection présidentielle. D’autres, en revanche, s’opposent à cette future candidature.
Selon Canal France Internationale (Cfi), une télévision française diffusée exclusivement en Afrique noire francophone, l’objectif des partisans est d’obtenir le plébiscite du chef de l’Etat. Ils organisent des meetings à travers tout le territoire.
Pouvoir divisé
Les «modernistes», ce sont les opposants à une la candidature de Paul Biya. ils remettent tout le système politique du pays en cause. Ils dénoncent ces grands rassemblements qui «prennent des allures de folklore et occultent les vrais problèmes du pays», a déclaré à Cfi Emmanuel Mvé, membre du comité central du RDPC.
Le groupe des «modernistes», composé en majorité de hauts cadres du parti, a publié cette semaine un «Livre Blanc» critiquant les dérives du parti au pouvoir et la situation socio-économique du pays. Leur chef de fil set un chef traditionnel, Chief Mila Assoufé. «Les modernistes», a-t-il déclaré à Cfi, veulent absolument qu’il y ait «un changement de cette façon de faire». «Dans le parti, a-t-il poursuivi, il y en a qui s’enrichissent sur le dos du parti et de l’Etat, une situation suffisamment grave sur l’amélioration des conditions de vie des populations». Celui-ci remet tout le système en cause.
Opposition divisée
«Quant aux partis politiques de l’opposition, ils sont eux aussi divisés. Dans ce contexte, des voix de l’opposition, favorables au cardinal, se sont fait entendre, dès la parution de l’interview. Des dirigeants de l’opposition ont ainsi estimé que le prélat ferait un «bon candidat unique» de l’opposition. Mais Mgr Tumi n’en est lui-même pas convaincu. Même s’il a trouvé «possible» une unique de l’opposition, il a estimé qu’elle n’est «pas la solution, parce que les lois ne sont pas objectivement appliquées».
Pour une «structure neutre»
Il a réclamé à ce sujet, la mise en place d’une structure neutre pour organiser les élections au Cameroun. Le gouvernement a mis en place un Observatoire National des Elections (Onel). Son rôle est limité à la supervision du processus électorale. Il ne satisfait pas les adversaires du pouvoir qui estiment que «l’Onel est partial».
Le cardinal Christian Tumi et les hommes politiques de l’opposition veulent quelque chose de plus «neutre»», qui aurait pour mission d’organiser les élections «depuis les inscriptions sur les listes électorales jusqu’à la proclamation des résultats, même avec un seul candidat de l’opposition». Par exemple, a rappelé, Mgr Tumi, lors des élections législatives et municipales du 30 juin 2002, les inscriptions d’électeurs «étaient sélectives». «Il faut donner l’occasion à tous les camerounais en âge de voter, de pouvoir le faire», a-t-il préconisé. Enfin, il a déploré le manque de dialogue entre le pouvoir et les indépendantistes de la province anglophone. Ceux-ci réclament l’indépendance leur région, unifiée au reste du pays en 1972.
Un cardinal qui ne pratique pas la langue de bois
Mgr Christian Tumi s’est particulièrement illustré depuis deux ans par de violentes critiques à l’encontre du régime du président Paul Biya. Sa dernière sortie contre ce pouvoir date de deux mois environ. Dans une interview au nouveau mensuel camerounais «La Paix» du 25 août dernier, il a accusé le régime de «tribalisme d’Etat». Il a mis en garde contre les conséquences graves pour le pays, en cas d’irrégularité de la prochaine élection présidentielle.
Le gouvernement a réagi à cette critique. Jacques Fame Ndongo, ministre de la communication et porte-parole du gouvernement a alors publié une longue mise au point, le 5 septembre 2003, dans le quotidien gouvernemental, «Cameroun Tribune». Dans ce texte, il a dénoncé «la gravité des propos susceptibles de remettre en question la paix, la stabilité et la cohésion sociale». Il a affirmé qu’il «n’existe au Cameroun aucune possibilité légitime, démocratique et licite de confiscation du pouvoir par une ethnie». (apic/ibc/sh)