Etoiles montantes et pâlissantes des gourous
Cameroun: Les églises poussent comme des champignons à Douala depuis 1990
Martin Luther Mbita, correspondant de l’APIC au Cameroun
Douala, 29 mai 2001 (APIC) La capitale économique du Cameroun était familière de la la «rose-croix», de la franc maçonnerie, de la foi bahaïe, dont se réclament de hauts cadres de la République. Depuis 1990, de nouveaux gourous ont pignon sur rue, comme le «prince vautour» des adeptes de Jéhovah. D’autres comme la prophétesse «Mallah» voient leur étoile pâlir.
Voyage au cœur d’un univers où mysticisme, spiritualisme, sorcellerie côtoient le mépris de la dignité humaine. Autrefois, il n y avait que deux religions au Cameroun: l’islam et le catholicisme. Le tout premier président du Cameroun, feu Ahmadou Ahidjo, musulman farouche, avait supprimé la liberté de culte et d’associations. Jusqu’à son départ le 4 novembre1982, quelques «pontes» du régime appartenaient à des sectes en cachette. Le nouveau chef de l’Etat, Paul Biya, se montre tolérant et emploie pour la première fois les termes de démocratie, libéralisation, morale. En 1990, il promulgue une loi sur la liberté de culte et d’associations qui est devenue une réalité foisonnante au Cameroun.
Les lieux de rassemblement religieux germent comme des champignons à Douala alors que les églises catholiques et protestantes se vident. «Eglise céleste» par-ci, «Vraie Eglise de dieu», «Témoins de Jéhovah», «Jérusalem», «Mallah» par-là, la capitale économique devient le nouvel Eldorado des sectes. Dans chaque quartier de Douala, on compte plus d’une dizaine d’églises où les adeptes se réunissent tous les soirs jusqu’à une heure tardive.
Personne n’a le droit d’être plus riche que le gourou
Situé dans un quartier populaire de Douala, le temple de «Jérusalem» reçoit plus de 10’000 adeptes par semaines, de toutes les couches de la société mais en majorité de l’armée. «Jérusalem» est le symbole de la réussite flamboyante d’un gourou charismatique. Ancien cadre de l’armée camerounaise, le «prince» s’est bâti une fortune grâce à sa secte qu’il appelle fièrement «Eglise de Dieu». Cela lui a valu le surnom de «vautour».
La richesse des adeptes appartient au gourou. Nul n’a le droit d’être plus riche que lui. Le gourou est si vénéré que personne n’ose contredire ses déclarations, fussent-elles mensongères. «Le prince» comme il aime à se faire appeler est parti de rien. Il a commencé des cultes à son domicile, entouré de sa famille. Aujourd’hui, son «royaume» s’étale sur tout un quartier. Des familles entières, conquises par ses belles paroles, lui ont fait don de leurs cases et de leurs biens.
Alphonse Kamga, sorti de la secte controversée, se rappelle encore du jour où il a abandonné sa boutique pour suivre le prince. «J’ai cru en lui car il me promettant monts et merveilles si je le suivais. Mais plus le temps passait, plus je devenais son esclave.»
Dieu nous récompensera
«Cet homme est un bandit il faut l’arrêter et le jeter en prison» a-t-il confié à l’APIC. Au départ, Alphonse Kamga s’occupait des opérations de banque du gourou. Bientôt, il a accepté de devenir son homme de ménage et de son coursier. «C’est un homme machiavélique et je remercie le ciel de m’avoir fait sortir de là. Je suis entré dans l’Eglise catholique mais j’ai tout perdu».
Les disciples de la secte du «prince» ne sont pas très nombreux – quelque 800 au Cameroun – , à cause des exigences financières exorbitantes du gourou. Leur habillement est assez particulier: soutanes blanches, ceinture nouée à la hanche, ils se déplacent pieds nus. Les populations de Douala les considèrent comme des personnes ayant perdu la raison. A l’instar de Emile Longue, ces adeptes pensent qu’ils sont plus proches de Dieu que toute autre de personne. Ils écument les cases à la recherche de nouveaux émules. Certains se postent aux carrefours pour diffuser leurs brochures qui parlent de Dieu. A la question de savoir ce qu’ils y gagnent, ils répondent assurés: «Dieu nous récompensera».
Le «prince» a accumulé des sommes colossales grâce à ses disciples. Ses enfants sont inscrits dans les plus grandes écoles américaines et européennes. Lui et sa reine d’épouse multiplient les voyages à l’étranger. Le prince très protégé bénéficie des largesses d’hommes politiques en vue qui le protègent.
La dérive de Mallah
L’étoile de Mallah, prophétesse influente à Douala, s’est considérablement terni ces derniers temps. Elle a déçu l’attente de ceux qui croyaient en elle et il ne se passe plus un seul jour sans que l’on ne parle d’elle de manière négative. Ses adeptes se sont transformés en vandales: ils perturbent les messes dans les églises catholiques et protestantes. Ils se sont fait tailler des uniformes selon les vœux leur prêtresse. Ceux qui ne veulent pas endosser cette tenue, de peur de se faire lyncher, ont l’obligation de porter au moins un morceau de ce tissu à l’effigie de Jésus Christ. Des femmes vont même jusqu’à se coudre des sous-vêtements avec ces textiles de tissus. Mallah n’hésite pas à donner dans le sordide. Elle demande ainsi actuellement à ses adeptes de lui apporter des serviettes hygiéniques ramassées un peu partout dans la ville.
Catholicisme et rose-croix sont inconciliables
Le cardinal Tumi, archevêque de Douala condamne avec la dernière énergie la prolifération des sectes au Cameroun. Répondant aux déclarations d’un adepte de la «rose-croix» qui se disait également catholique, le cardinal Tumi a déclaré que «catholicisme et rose-croix étaient inconciliables». Il a demandé à tous les fidèles de l’archidiocèse de Douala de ne pas suivre les personnes qui ont tourné le dos au Christ pour s’enrichir sur le dos de leurs adeptes. Il se réjouit de tous ceux qui rentrent au bercail, au sein des grandes Eglises, catholique, protestante ou musulmanes. (apic/mbt/mjp)