Canada: Après la victoire libérale, le Bureau de la liberté de religion (BLR) sur la sellette

Des leaders juifs, sikhs et musulmans exhortent le gouvernement du Premier ministre libéral Justin Trudeau à réaffirmer son soutien au Bureau de la liberté de religion (BLR) mis en place par l’ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper.

Le gouvernement canadien actuel cherche diverses manières de promouvoir les droits de la personne, ce qui n’exclurait pas de repenser ou de démanteler le BLR, qui fonctionne depuis février 2013.

Les responsables religieux ont fait parvenir une lettre au ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, afin de réaffirmer la nécessité d’un tel organe. Dès l’origine, l’idée d’établir ce BLR a suscité des critiques et des doutes sérieux des milieux séculiers, préoccupés par les risques posés par la priorisation de la liberté de religion par rapport à d’autres droits et libertés – dont ceux des femmes et des homosexuels, par exemple.

Assurer la promotion de la liberté de croyance et de religion

Cette instance, qui emploie cinq personnes et dispose d’un budget de 5 millions de dollars, fait partie du ministère des Affaires étrangères et doit en principe servir à orienter la politique étrangère canadienne. Elle est censée assurer la promotion de la liberté de croyance et de religion en tant qu’élément prioritaire de la politique étrangère du Canada.

Shimon Koffler Fogel, PDG du Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA), Amritpal Singh Shergill, président de la World Sikh Organization of Canada, et Asif Khan, secrétaire national pour les relations publiques de la communauté musulmane canadienne Ahmadiyya, cosignent la lettre.

Millions de personnes victimes de discrimination

«En tant que Canadiens de fois différentes provenant de diverses communautés culturelles, nous nous adressons à vous afin d’exprimer notre appui au Bureau de la liberté de religion du Canada» au sein du Ministère canadien des Affaires mondiales, écrivent-ils. Ils rappellent que des centaines de millions de personnes sont victimes de violence ou de discrimination en raison de leur foi.

Les trois signataires vantent les mérites du Bureau de la liberté religieuse, le qualifiant de «plaideur efficace» qui sait attirer l’attention sur les persécutions religieuses dans le monde, souvent en collaboration avec diverses diasporas présentes sur le sol canadien. Ils estiment que les projets du Bureau «reflètent le rôle pratique et efficace que peut jouer le Canada» afin d’améliorer le sort des minorités religieuses persécutées à travers le monde, rapporte la radio québécoise Radio Ville-Marie.

Quel avenir pour le BLR ?

Cette intervention publique des trois leaders survient alors que le journal «Ottawa Citizen» rapportait que le mandat de l’actuel ambassadeur attitré au Bureau, Andrew Bennett, connu pour être un leader communautaire et religieux, doit en principe prendre fin le 18 février prochain. L’enveloppe annuelle de 5 millions de dollars canadiens du BLR devrait être épuisée d’ici la fin du mois de mars. Le Fonds pour la liberté de religion, qui finance des projets à l’extérieur du Canada afin d’aider les communautés religieuses faisant face à l’intolérance ou à des persécutions, pourrait être menacé.

L’établissement d’un Bureau de la liberté de religion était l’une des promesses électorales des conservateurs lors de la campagne fédérale de 2011. Mais il a fallu deux ans avant qu’il ne voie le jour, en février 2013. Plusieurs politiciens et observateurs avaient émis des doutes quant à la pertinence de mettre en place un tel organe.

La Commission américaine sur la liberté de religion internationale pas exempte de reproches

Un bureau similaire au BLR existe aux Etats-Unis. La Commission américaine sur la liberté de religion internationale (US Commission on International Religious Freedom – USCIRF) a été créée en 1998 par l’administration Clinton. Elle a depuis essuyé diverses critiques, notamment parce qu’elle concentrerait trop ses efforts sur la défense des chrétiens dans le monde. Elle tendrait également à privilégier dans certaines circonstances davantage les intérêts géostratégiques des Etats-Unis que la défense effective de la liberté religieuse.

Adopté en 1998, l’International Religious Freedom Act intègre la question de la liberté religieuse au sein de l’appareil diplomatique. Il a été renforcée par l’administration Obama, suscitant critiques et controverses, notamment autour de la question de la compatibilité de cette stratégie religieuse avec l’exigence constitutionnelle de séparation entre l’Eglise et l’Etat. Plusieurs voix ont déjà émis des craintes semblables au sujet du bureau canadien. JB


Encadré

Protéger les minorités religieuses menacées

Le 19 février 2013, le gouvernement du Canada a officiellement lancé son Bureau de la liberté de religion (BLR), au sein du Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement. La mission de l’ambassadeur itinérant chargé du BLR et de son équipe est de protéger les minorités religieuses menacées et défendre leurs droits; de lutter contre la diffusion de la haine et de l’intolérance fondées sur la religion; de faire la promotion des valeurs canadiennes que sont le pluralisme et la tolérance.

Le Canada considère comme un droit universel la liberté de religion et de croyance, qui permet à quiconque de pratiquer sa foi religieuse en paix et en toute sécurité. Par l’intermédiaire du BLR, le Canada veut travailler de concert avec des partenaires ayant des vues semblables pour dénoncer les graves atteintes à la liberté de religion ainsi que la violence à l’encontre des défenseurs des droits de la personne. Il condamne les attaques contre les lieux de culte et les fidèles partout dans le monde. (cath.ch-apic/rvm/be)

Ambassadeur Andrew Bennett, chef du Bureau de la liberté de religion du Canada
30 janvier 2016 | 16:53
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 4 min.
BLR (1), Canada (204), Trudeau (1), USCIRF (5)
Partagez!