Patricia Perruchoud (à g.) et Danielle Rossatti travaillent à faire connaître Carlo Acutis, la première à Chalais et la seconde à Savièse | © Bernard Hallet
Suisse

«Carlo, c’est comme s’il faisait partie de la famille»

Patricia Perruchoud et Danielle Rossetti n’iront pas à Rome pour la canonisation de Carlo Acutis, le 7 septembre 2025. Ces deux femmes pratiquantes de Chalais et Savièse (VS) racontent leur ‘rencontre’ avec le futur saint et l’engouement que suscite le «Geek de Dieu», au-delà des jeunes.

*«J’ai regardé la photo de Carlo et quelque chose s’est passé!» témoigne Patricia Perruchoud. Cette habitante de Chalais (VS), actuellement en 2e année du Parcours Théodule – une formation en Église du diocèse de Sion – se souvient avoir été comme «foudroyée». C’était en 2020. «Carlo est venu me chercher», conclut-elle. Durant l’entretien, elle n’utilise que le prénom du futur saint.

«Parle de Carlo aux jeunes»

Patricia Perruchoud, pratiquante qui est déjà allée à Lourdes et à Medjugorje, avait reçu la photo du «Geek de Dieu» des mains d’une «grand-maman de Miège» qu’elle avait rencontrée en 2017sur le lieu de pèlerinage bosniaque. «Parle de Carlo aux jeunes. Il faut que tu le fasses connaître», lui avait demandé la vieille dame. Sans faire de cas, la Valaisanne avait posé la photo sur son bureau. «Je l’ai ressortie de sous une pile de dossiers six mois plus tard. Je n’avais jamais entendu parler de Carlo jusque-là. Maintenant c’est comme s’il faisait partie de la famille, sourit-elle, il me guide.»

L’aide-bibliothécaire se documente sur internet et lit des livres sur ce jeune bienheureux, décédé en 2006 des suites d’une leucémie foudroyante, à l’âge de 15 ans. «En 2022, j’ai monté une petite exposition sur sa vie que j’ai installée dans l’église et j’en ai parlé à des futurs confirmands.» Les jeunes miment quelques épisodes de la vie de Carlo Acutis durant une messe de préparation à la confirmation. Touchée par la scène, une paroissienne d’origine polonaise suggère de commander une relique de Carlo Acutis. Avec l’assentiment du curé, un mail est envoyé à Assise chez les franciscains qui gèrent les reliques.

Une relique de 1e classe

La réponse arrive en octobre 2022: le courrier annonce une relique de 3e classe**. Le pèlerinage paroissial à Assise est organisé pour la réception de la relique. Un imbroglio administratif débouche finalement sur la remise aux paroissiens de quelques cheveux du futur saint. «Une relique de première classe! C’était providentiel!» Le voyage est surtout l’occasion pour Patricia de ‘rencontrer’ Carlo pour la première fois au sanctuaire de la Spogliazone (Spoliation), où repose la dépouille du bienheureux. «Je l’ai vu dans la chasse en verre. Pour moi, c’était comme si je l’avais toujours connu.»

Depuis la remise de la relique, une messe-adoration est organisée chaque premier samedi du mois. «Beaucoup de gens viennent de la région», précise Patricia Perruchoud. Un groupe de mamans se réunit une fois par mois pour confier les enfants à Carlo. Un groupe «En chemin avec Carlos» rassemble également une fois par mois des jeunes lors de soirées «Fun and God», pour un apport spirituel. L’aide-bibliothécaire a créé, fin 2024, une association pour lever des fonds qui permettront de créer le reliquaire où seront conservés les cheveux de Carlo Acutis.

Patricia a essuyé des critiques, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Église, précise-t-elle. La vénération des reliques est vue par certains comme de l’idolâtrie, des manières d’une autre époque. «On ne pratique pas de la magie. On n’adore pas des cheveux», se défend-elle. Elle ne pense pas non plus qu’il est trop vite canonisé. «Carlo Acutis parle aux jeunes de notre époque. Il est plus proche d’eux par son âge et sa vie récente, et cela peut les inspirer.»

Danielle (à g.) et Patricia sont complices. Elles se sont connues lorsque la première a appelé la seconde à propos de l’exposition de Carlo Acutis | © Bernard Hallet

La Valaisanne devait assister à la messe de canonisation de Carlo Acutis à Rome, mais ne pourra pas s’y rendre le 7 septembre prochain.

En direct en communion

Danielle Rossetti, auxiliaire en pastorale à Savièse (VS), devait se rendre à Rome en avril, mais suivra la canonisation en direct sur Vatican News, «pour être en communion». Elle a organisé une messe d’action de grâce dans sa paroisse, le 13 septembre. La célébration sera suivie d’une adoration de la relique du saint. «J’ai demandé à des jeunes et des ados de Lourdes de venir.» Elle a entendu parler de Carlo Acutis par une citation du jeune bienheureux que reprenait souvent le curé de la paroisse, alors Jean-François Luisier: «Tous naissent comme des originaux, beaucoup meurent comme des photocopies.» Elle s’est documentée à propos du futur saint.

La responsable du parcours de la première communion se désolait du peu d’enthousiasme manifesté par les jeunes pendant la préparation du sacrement. «Un peu comme si on se servait de Jésus pour faire une belle fête, sans plus.»

Danielle Rossetti a la même intuition qu’une collègue de paroisse, qui lui suggère de présenter l’exposition sur le miracle eucharistique qu’avait imaginée Carlo Acutis. «On la trouve sous forme de panneaux téléchargeables sur le site internet dédié.» Un généreux donateur a financé l’impression des panneaux.

Carlo Acutis est décédé à l’âge de 15 ans d’une leucémie foudroyante | Twitter

En s’appuyant sur les panneaux, elle explique la présence réelle de Jésus dans l’hostie. Danielle Rossatti évoque aussi la vie de Carlo Acutis. Les jeunes se montrent beaucoup plus intéressés. «Ils se sont impliqués dans la préparation et ont retenu beaucoup de détails de sa vie. Certains ont bien compris la présence de Jésus dans l’hostie.»

Elle a ressenti cet engouement pour l’exposition comme une réponse de Dieu à sa prière, à travers Carlo. «Lorsqu’on ne trouve pas de solution, il faut se confier à Dieu. Il y a eu des miracles eucharistiques. Je comprends très bien que des gens n’y croient pas. D’autres sont touchés et il y a eu des études scientifiques sur ces phénomènes.»

Loin d’une image d’Épinal

D’une manière générale, le bienheureux parle beaucoup plus aux jeunes, constate l’auxiliaire en pastorale. «Carlo a utilisé l’informatique et il est proche d’eux temporellement. On parle de sa mort en 2006 et ils le voient en photo sur internet. On est loin d’une image d’Épinal ou d’une sculpture d’un autre temps.»

«Quant à demander une relique de Carlo, je trouvais ça un peu gonflé.» Mais Danielle Rossatti s’est lancée dans la démarche avec l’autorisation du curé, entre temps nommé à Savièse, François-Xavier Amherdt. La demande a été adressée au délégué de l’Association des amis de Carlo. La paroisse a reçu des cheveux de Carlo. «Nous avons été d’autant plus touchés qu’ils nous ont été envoyés à la demande de la maman», précise Danielle. Elle se souvient d’une soirée de novembre 2024, où les reliques ont été remises à la paroisse. «Beaucoup de gens étaient présents et ils ont été touchés.»

Pas de reliquaire prévu

Elle ne pense pas encore à faire fabriquer un reliquaire. Beaucoup veulent savoir où, quand et comment, mais l’auxiliaire en pastorale ne cède pas à la pression et préfère attendre de «voir ce que le Bon Dieu veut». 

Danielle et Patricia tenaient un stand dédié à Carlos Acutis lors de l’édition 2025 de OpenSky à Sion | DR

Pour Danielle la canonisation n’arrive pas trop tôt: les thèmes tels que la présence réelle du Christ dans l’hostie sont pour elle une urgence. «Je pense que cette canonisation va amener des grâces. Et vivre tourné vers Dieu, comme Carlo l’a fait, n’est pas du tout ringard pour des jeunes. Avoir la foi et vivre proche de Dieu est possible, à l’image de Carlo.» (cath.ch/bh)

*L’interview a été réalisée le 16 avril. La canonisation de Carlo Acutis, et de Pier Giorgio Frassati, était initialement prévue à l’occasion du jubilé des adolescents, le 27 avril, mais elle a été reprogrammée le 7 septembre, suite au décès du pape François le 21 avril.

**Les reliques sont classées en 3 catégories. 1ère classe: une partie du corps du saint, 2e classe: des biens ayant appartenu au saint, 3e classe: des objets touchés par des reliques de 2e et 3e classe ou par le saint lui-même.

Patricia Perruchoud (à g.) et Danielle Rossatti travaillent à faire connaître Carlo Acutis, la première à Chalais et la seconde à Savièse | © Bernard Hallet
5 septembre 2025 | 17:00
par Bernard Hallet
Temps de lecture : env. 5  min.
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