Il y a des ombres et des lumières dans les relations entre la France et le Saint-Siège | © Paul Henri Degrande/Pixabay
Vatican

Castex à Rome: accords et désaccords entre Paris et le Saint-Siège

Le 18 octobre 2021, le Premier ministre français Jean Castex sera au Vatican où il va rencontrer le pape François, dans le cadre d’un déplacement placé sous le signe du centenaire de la reprise des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la France. Une relation ancienne, amicale et parfois complexe que l’agence I.MEDIA décrypte en quelques thématiques clés.

Les points de convergence:

Le multilatéralisme et l’Europe

À la tribune des Nations unies en septembre 2020, Emmanuel Macron avait appelé à ne pas se satisfaire d’un «multilatéralisme des mots». Une position qui concorde avec celle du pape François qui, à la même tribune, avait déploré «l’érosion du multilatéralisme». Les deux hommes sont convaincus que les déséquilibres géopolitiques actuels sont aussi le fruit d’une Union européenne affaiblie par la montée des populismes. Là où le pape François défend la «responsabilité fraternelle» d’une Union européenne qui a oublié les rêves de ses Pères fondateurs, Emmanuel Macron n’a cessé depuis le début de son mandat de prôner une plus grande «solidarité» au sein de l’organisation.

La lutte contre la pandémie

Dès janvier 2020, le pape François a clairement affirmé son credo: tout le monde doit pouvoir être vacciné. Une ligne sur laquelle ont fini par se retrouver le Vatican et Paris. Quand le pape plaide pour la levée des brevets, Emmanuel Macron, un temps réticent, lui emboîte le pas, se disant «tout à fait favorable» à cette option. Quand le pape exhorte de ne pas oublier les pays pauvres, Emmanuel Macron annonce un don de 120 millions de doses à ces derniers, ce qui place la France en deuxième position des pays les plus solidaires, juste derrière les États-Unis.

Le Liban

Depuis plus d’un an, Emmanuel Macron et le pape François sont les deux acteurs internationaux les plus engagés auprès du peuple libanais, victime d’une grave crise politique, économique et sociale. Le premier a organisé trois conférences à Paris et s’est rendu dans le pays du Cèdre. Le deuxième veut s’y déplacer et a organisé une grande réunion œcuménique en juillet dernier à Rome pour rassembler les nombreux courants chrétiens du pays. Outre le Liban, on peut aussi citer l’engagement des deux hommes pour les chrétiens d’Orient et pour l’Irak, le président et le pontife étant les seuls chefs d’État à avoir visité Mossoul depuis la fin de la guerre.

Les points de divergence:

L’arme nucléaire

Dans son discours aux Nations unies en 2020, le pape François a dénoncé «la logique perverse qui lie la sécurité personnelle et nationale à la possession d’armes», et s’en est pris à l’hypocrisie des vendeurs d’armes conventionnelles, demandant d’investir cet argent dans la santé et la solidarité. Troisième pays exportateur d’armes au monde et possédant la bombe atomique, la France semble se positionner aux antipodes de la doctrine du Saint-Siège. Du côté français, on comprend d’ailleurs mal la position «idéaliste» du Vatican, qu’on juge dépourvue de toute «pensée de l’ennemi», confie un officier français à un responsable de la Curie. En 2020, Emmanuel Macron a d’ailleurs rappelé que l’arme nucléaire était la «clé de voûte» de la sécurité en France.

La bioéthique

Si le pape François évoque relativement moins les questions bioéthiques que ses prédécesseurs, le positionnement du pontife sur ces questions n’est pas différent. Sans intervenir dans la vie politique des pays, le Saint-Siège défend sa ligne de défense de la dignité humaine et de la vie de ses débuts à la fin. De son côté, la France s’est régulièrement distanciée des principes prônés par l’Église catholique en la matière. Dernier exemple en date: l’ouverture de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes et l’assouplissement de l’accès à l’avortement ainsi que de certaines normes en matière de manipulation génétique dans la loi bioéthique votée en août dernier.

Les sujets «compliqués»:

La laïcité

Dans un entretien accordé à La Croix en 2016, le pape François avait reproché à la France «d’exagérer la laïcité» et de considérer la religion comme une «sous-culture». En 2018, lors de sa rencontre avec le président de la République, la question avait été un des «sujets qui fâchent» longuement abordé. Si, depuis, Emmanuel Macron a affirmé que la laïcité «n’est pas l’effacement des religions», certaines divergences de point de vue sont néanmoins réapparues avec la loi «confortant les principes républicains» – connue dans un premier temps comme la loi sur le séparatisme – adoptée en août dernier. Le cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin s’est même inquiété, dans un entretien accordé à la chaîne KTO, des déséquilibres que cette législation pouvait entraîner.

Les migrants

Depuis son voyage sur l’île de Lampedusa en 2013, le pape François est devenu le héraut de la cause des migrants dans le monde. En 2018, alors que la crise des migrants revenait sur le devant de la scène médiatique avec l’affaire de l’Aquarius, le pontife avait longuement critiqué les réticences européennes – et sans la nommer, celles de la France – à accueillir les migrants. La France s’était par la suite mise à l’œuvre avec l’Allemagne pour organiser l’accueil des migrants, et son président avait profité de son passage à Rome en 2018 pour rencontrer Sant’Egidio, communauté catholique très proche du pape qui défend et organise les «couloirs humanitaires».

Néanmoins, Emmanuel Macron a rappelé en 2019 qu’il considérait que «la France ne peut pas accueillir tout le monde». Son gouvernement semble montrer lui aussi certaines réticences, comme en témoigne la venue du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin au Vatican en 2020. Lors de cette visite, il aurait affirmé à un haut responsable de la Curie n’être «pas d’accord» avec l’approche du pape sur les migrants. (cath.ch/imedia/cd/rz)          

Il y a des ombres et des lumières dans les relations entre la France et le Saint-Siège | © Paul Henri Degrande/Pixabay
14 octobre 2021 | 11:29
par I.MEDIA
Temps de lecture: env. 4 min.
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