Chili: La position des évêques chiliens sur Pinochet interpelle
«Le silence sur la nécessité d’une justice à juger un tortionnaire»
Santiago, 7 décembre 1999 (APIC) La position de l’épiscopat chilien sur la situation de l’ex-dictateur et néanmoins sénateur à vie, le général Pinochet, interpelle. Et des questions se posent. Principalement sur les silences de ce même épiscopat, sur les raisons qui ont poussé la justice à l’arrêter. Et sur la nécessité d’une justice à juger un tortionnaire. Dans son dernier numéro, le bulletin de l’information sur l’Amérique latine, DIAL s’étonne et s’inquiète de l’indulgence de la hiérarchie de l’Eglise chilienne, pour un homme aux mains rouge de sang. Analyse.
Depuis l’arrestation du général Pinochet, l’épiscopat chilien, à l’instar des plus hautes instances du Vatican, s’est distingué par ses recommandations en faveur de mesures «humanitaires» à l’égard de l’ex-dictateur. Un communiqué du Bureau des Affaires publiques et de la presse de la Conférence épiscopale du Chili (CECH), en date du 12 novembre 1999, en donne un exemple.
Les arguments les plus élevés sont mis en avant: louange de droit international, appel à l’amour universel, miséricorde à l’égard de tous, valeur inestimable de la cohabitation de tous les citoyens dans la nation… Qui pourrait être contre de si nobles causes? La question toute simple qui se pose est la suivante: pourquoi rien n’est-il dit des raisons pour lesquelles Pinochet est en état d’arrestation? Pourquoi rien n’est-il dit de la nécessité d’une justice à l’égard des tortionnaires? Pourquoi les évêques du Chili, contrairement à certains de leurs pairs dans d’autres pays d’Amérique latine, ne se font-ils pas l’écho des victimes? Pourquoi parler «d’ambiguïté juridique», alors que le droit international lui-même autorise la Grande-Bretagne à retenir le général Pinochet? S’interroge DIAL.
Des non-dits douloureux
Comment ne pas voir, comme tant de personnes l’ont vu, que le droit international, encore à parfaire, est sérieusement encouragé par cette arrestation légitime? En réalité, c’est bien le non-dit de ce genre de discours qui est le plus important et qu’il faudrait ressaisir. Tout donne à penser qu’il est à rechercher dans cette inépuisable reconnaissance que la hiérarchie de l’Eglise chilienne éprouve, envers et contre tout, à l’égard d’un homme aux mains pleines de sang et aux paroles sans repentance, mais dont elle pense qu’il a libéré la société et l’Eglise du péril marxiste en éliminant du pouvoir le socialiste Salvador Allende et en poursuivant tous ceux qui se réclamaient de lui, juge l’éditorialiste de DIAL.
La situation du sénateur Augusto Pinochet et ses répercussions dans la société ont conduit les médias à solliciter l’opinions des évêques du pays. En réponse à cette demande, les évêques ont écrit: «L’Eglise encourage l’engagement grandissant de la communauté internationale pour le respect de la dignité des êtres humains et participe à ces efforts qui sont, sans doute, un progrès de l’humanité. Pour cela, le droit, appliqué tant à l’intérieur de chacun des pays que dans leurs relations entre eux, est un moyen indispensable. Dans ce sens, le Conseil permanent de la Conférence épiscopale pense que, tant que le Tribunal pénal international n’entre pas en fonction, l’ambiguïté juridique existante provoque, déjà dans ce cas, des difficultés entre notre pays, qui sent sa souveraineté atteinte, et des nations traditionnellement amies».
Et DIAL de citer cet autre passage de la position des évêques chiliens: «Dans ce esprit, en prenant en compte ce qui est indiqué auparavant ainsi que les conditions précaires de santé et l’âge avancé du sénateur Pinochet, les pasteurs estiment que, en ce qui concerne sa situation en Europe, les considérations humanitaires doivent l’emporter».
Droit humanitaire? Le bulletin de l’information sur l’Amérique latine évoque enfin le travail de l’Association des familles de détenus-disparus, qui ont vu un ou plusieurs membres de leurs familles disparaître un jour. Torturés puis assassinés par des hommes qui vivent aujourd’hui en toute impunité. Au Chili, en Argentine ou ailleurs en Amérique latine. (apic/dial/pr)