Colombie: La Conférence épiscopale demande au président Uribe de ne pas se représenter

«Pour le bien de la démocratie»

Bogota, 30 mars 2009 (Apic) La Conférence épiscopale de Colombie a demandé dimanche 29 mars au président Alvaro Uribe de ne pas se représenter pour un troisième mandat à la présidence en 2010, «pour le bien de la démocratie». Le président de la Conférence des évêques, Mgr Ruben Salazar Gomez, a fait cette demande afin de permettre la transparence en politique. La Constitution actuelle de la Colombie n’autorise que deux mandats consécutifs, mais les partisans du président Uribe veulent la modifier par référendum.

Pour l’archevêque de Barranquilla, «la Constitution de la République doit être sacrée et il ne faut pas la soumettre à des changements dans le but de satisfaire des ambitions personnelles». Il est pour lui dangereux de chercher une «réélection indéfinie du président, d’autant moins avec la mentalité centraliste et autoritaire que nous avons en Colombie», et la «perpétuation d’une personne au pouvoir est antidémocratique».

Mgr Ruben Salazar Gomez a de plus demandé aux candidats à la présidence qu’ils formulent des propositions de dialogue avec la guérilla. Aux yeux de l’archevêque de Barranquilla, le conflit sanglant qui déchire le pays depuis des décennies «ne trouvera jamais de solution par la voie militaire», étant donné que la guérilla est en train de renaître.

Il est urgent, estime-t-il lundi 30 mars dans les colonnes du quotidien colombien «El Tiempo» de Bogota, «de trouver une solution politique au conflit, sans abandonner la pression militaire». Mais il demande de le faire dans un respect absolu des droits de l’homme et du droit humanitaire international, ce que l’armée colombienne a depuis longtemps négligé, comme c’est le cas dans le scandale des «faux positifs». Il s’agit de la mise en scène de combats où l’armée assassine des civils en les faisant passer pour des guérilleros, dans le but de «faire du chiffre»… Le Parquet colombien enquête actuellement sur près d’un millier d’assassinats de ce type attribués aux forces de sécurité colombiennes.

Le dialogue avec la guérilla est indispensable pour arriver à la paix

L’archevêque de Barranquilla estime indispensable la recherche d’un accord fondamental apte à résoudre les facteurs politiques, économiques et sociaux qui sont à la base de la confrontation en Colombie. Il annonce que la Commission de Conciliation Nationale qu’il préside a entamé la rédaction d’un projet d’accord de paix et de réconciliation en Colombie qui sera proposé au gouvernement et à la guérilla. Le projet sera rendu public ce mardi et il sera proposé à travers un processus de dialogue avec les partis politiques, les syndicats, les ONG, les communautés religieuses, etc.

Pour le président de la Conférence épiscopale, le type de conflit armé existant en Colombie ne sera jamais résolu par la voie militaire, d’autant plus que s’y ajoutent d’autres éléments, comme la présence du narcotrafic, qui complique encore la situation. «Nous voulons ouvrir la porte au dialogue politique, nécessaire si on veut vraiment mettre un terme au conflit; notre proposition va dans ce sens: nous voulons que l’on arrive à un accord minimal pour qu’à travers un grand dialogue, on cherche la solution pour en finir avec le conflit armé», ajoute-t-il.

Mgr Ruben Salazar Gomez affirme que le dialogue ne doit pas seulement survenir entre le gouvernement et la guérilla, mais entre toutes les composantes de la société et le gouvernement, car il faut «construire une paix solide, intégrale, parce que le conflit armé n’est rien d’autre qu’un aspect du problème social de la Colombie».

Le président de la Conférence épiscopale colombienne estime que l’Eglise ne peut rester en marge de la construction de la paix dans le pays. «L’Eglise désire travailler maintenant pour la réconciliation et le pardon».

L’archevêque de Baranquilla relève que l’idée initiale de la guérilla était de chercher à construire une société plus juste – «cela a pu être légitime à un certain moment» – mais cette légitimité a totalement disparu «parce que le chemin pour arriver à une société plus juste ne passe pas par les armes». La voie armée a de fait conduit à plus d’injustices et de violations des droits de l’homme. Et si le chemin de la négociation politique n’a mené à rien sous le gouvernement de l’ex-président Pastrana, l’évêque ne croit pas que la solution purement militaire prônée par l’actuel président Uribe va en finir avec la guérilla.

Certes, la guérilla n’est pas invincible et ne pourra prendre le pouvoir par les armes. Le président Uribe a bien réussi à le démontrer notamment par son plan de «sécurité démocratique». Mais le président de la Conférence épiscopale colombienne se dit «absolument convaincu que jamais on pourra arriver à ce que la guérilla soit totalement vaincue». Pour cela, conclut-il, «il faut accepter la nécessité de faire certaines réformes sociales de fond, et si la guérilla refuse de dialoguer sur ce sujet, c’est alors simplement qu’elle refuse la possibilité d’influencer la marche du pays». (apic/elt/be)

30 mars 2009 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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