Combien gagne-t-on au Vatican?
Grille salariale, niveau d’embauche, prévoyance, retraite… Comment sont traités les quelque 4800 employés du Vatican? Si certaines voix parlent de «privilèges», notamment en termes de logement ou d’imposition, qu’en est-il réellement pour ces fonctionnaires du pape?
Pour faire fonctionner ses services liés au gouvernorat – vie interne de l’État du Vatican – ou encore à la Curie romaine – qui sert à l’administration de l’Église catholique dans le monde –, le Vatican emploie des fonctionnaires et experts du monde entier, prêtres, religieuses, et laïcs.
Il existe deux systèmes salariaux: un premier pour les employés avec dix échelons, et un second pour les cadres dirigeants. Les préfets, présidents d’entité vaticane, secrétaires ou de sous-secrétaires de dicastère ont une rémunération répartie sur quatre échelons – du rang C4 au rang C, comme le reporte le site du Bureau central du travail, qui défend les intérêts du personnel depuis 1994.
Au sein du premier système, les trois premiers échelons concernent les employés de base et englobent notamment les portiers ou encore les vendeurs des magasins. Les sept niveaux suivants, les «officiaux», concernent les fonctionnaires administratifs, techniciens, comptables, journalistes des médias du Vatican, jusqu’aux chefs de bureau.
1500 euros pour un emploi de base
Pour eux, le petit État ne prévoit pas de négociation salariale. Actuellement, le niveau 1 bénéficie d’une rétribution aux alentours de 1500 euros nets par mois, indique à I.MEDIA l’Association des employés laïcs du Vatican (ADLV), reconnue par le Saint-Siège depuis 1993. Au sommet de l’échelle, la rétribution peut atteindre 3000 euros. Les salaires, sur 13 mois – et un 14e mois versé au départ du salarié – bénéficient d’une prime d’ancienneté tous les deux ans et d’un ajustement sur l’inflation. À titre indicatif, un employé à l’échelon 6 peut prétendre à une prime d’une quarantaine d’euros tous les deux ans.
Les catégories de direction (C, C1, C2 et C3) bénéficient d’un régime à part. Ces cadres dirigeants ont des contrats de 5 ans renouvelables (c’est aussi théoriquement le cas des employés clercs et religieux). En 2014, la secrétairerie d’État avait fixé les salaires de base des dirigeants de 2900 à 3600 euros, un barème qui ne tient pas compte de l’inflation ni des marges de négociations personnelles.
La presse italienne avance que les cardinaux de la Curie romaine ont aujourd’hui une rémunération comprise entre 4500 et 5000 euros – dont 1500 versés d’office à tous les cardinaux du monde. À noter que le pape en revanche n’a pas de salaire.
Les congés, le chômage et la santé
Les employés du Vatican, qui ont une durée légale de travail de 36 heures par semaine, obtiennent 22 jours ou 25 jours de vacances par an – selon qu’ils travaillent cinq ou six jours par semaine. Les employés non-Italiens peuvent se voir attribuer trois jours de plus de congé s’ils sont européens, et cinq s’ils sont extra-européens.
À cela s’ajoutent 25 jours fériés dans l’année, comme c’est le cas pour la Semaine sainte – autour de la fête de Pâques –, où la plupart des bureaux ferment du jeudi au mardi suivant. Dans les dicastères, il est désormais de rigueur de pointer, et les heures supplémentaires travaillées sont rémunérées ou récupérées.
Quant à leur couverture sanitaire, les fonctionnaires du Vatican peuvent accéder, entre les Murs Léonins, à un cabinet médical pluridisciplinaire. Ils ont aussi une liste de médecins italiens conventionnés vers lesquels se diriger. Outre les arrêts de travail pour cause de santé, le Vatican leur accorde deux jours d’absence non justifiée en cas de maladie.
La retraite, fixée à 65 ans pour les laïcs, est assurée et cumulable avec le système des pays européens, en vertu d’un accord signé entre l’Italie et le Saint-Siège en 2004 révisé à plusieurs reprises.
Au niveau de la politique familiale, peu d’avantages sont établis, outre un congé maternité de 6 mois et depuis 2022 un congé paternité de trois jours. Si quelques aides sont accordées accordée aux familles – modestes, selon des employés consultés par I.MEDIA –, le Vatican n’assure pas de système de garderie ou d’aide scolaire.
Enfin, le chômage est un point épineux: il n’existe tout simplement pas. En cas de licenciement ou de perte d’emploi au Vatican, aucune indemnité n’est prévue et l’ex-employé ne bénéficie d’aucune aide. La politique du pape François en matière d’emploi est cependant de ne procéder à aucun licenciement.
Les «privilèges» des fonctionnaires du Vatican
Le fonctionnaire du Vatican ne paie quasiment pas d’impôt sur le revenu – la retenue fiscale sur le brut est seulement de 10% – mais son salaire est aligné sur ceux en vigueur en Italie, assure l’ADLV dans une mise au point récente.
En outre, les éventuelles facilités de logement et loyers modérés dont le personnel du Vatican pouvait bénéficier par le passé n’existent plus. Confié à un gestionnaire externe – Tecnocasa –, le parc immobilier du petit État est désormais au prix du marché et les employés n’y ont plus d’accès prioritaire. Jusqu’en 2023, les cadres dirigeants pouvaient bénéficier de tarifs préférentiels, voire de gratuité pour leur logement, mais le pape a mis un terme à cette pratique qui doit progressivement disparaître.
Un manque de protection sociale
Par ailleurs, dans l’enceinte du Vatican, on ne trouve pas de syndicat et le droit de grève n’est pas reconnu. À noter que le bureau de travail, qui serait l’équivalent des prud’hommes, n’a pas de capacité décisionnelle. L’avis qu’il émet est consultatif et doit être validé par la secrétairerie d’État.
Depuis des années, proteste d’ailleurs l’ADLV sur son site, les employés du Saint-Siège se plaignent d’un manque de protection sociale, de promotions internes et d’ajustements salariaux. «Au Vatican beaucoup de devoirs, peu de droits», glisse l’un d’eux contacté par I.MEDIA. «La réforme de la Curie n’a rien arrangé. Au nom des économies et restrictions budgétaires, on piétine les droits du travail», regrette-t-il, reconnaissant cependant une «sécurité de l’emploi» qui demeure. (imedia/ak/lb)