La guerre continue... et le pays se détruit toujours plus

Congo: deux ans de pouvoir du président Kabila

Le témoignage de l’évêque de Kindu

Kinshasa, 21 mai 1999 (APIC) Deux ans après la conquête du pouvoir par le président Laurent-Désiré Kabila, le 17 mai 1997, le pays est toujours en proie aux combats, fomentés par ceux-là même qui ont soutenu l’avancée du nouveau président. Le diocèse de Kindu, par exemple, est complètement dévasté: depuis le 11 octobre, troupes gouvernementales et rebelles s’y sont affrontées dans une bataille qui a duré dix jours. Présent à Rome pour quelques jours de repos, Mgr Paul Mambe Mukanga, qui en est l’évêque depuis 20 ans, témoigne et fait le bilan.

Q.: Quelle est actuellement la situation à Kindu ?

Mgr Mukanga: Pour l’instant, la situation est calme. Le front des combats s’est éloigné de Kindu et se trouve dans la région du Kasaï, à des centaines de kilomètres de mon diocèse. Mais, pendant des mois, il avait été à 4 km de la ville, et pendant la Semaine Sainte, nous avons été bombardés à deux reprises.

Le diocèse a été détruit une première fois par les troupes gouvernementales, et ensuite par les soldats rebelles. Même les habitants des villages en ont profité pour prendre quelque chose dans les édifices de l’Eglise, étant donné la grande misère dans laquelle ils vivent. L’évêché et les bureaux du diocèse de Kindu ont été complètement détruits par les bombes. Le diocèse n’a plus aucune structure d’accueil et de travail.

C’est la même chose pour de nombreuses paroisses. Nous devons tout reconstruire. Mais nous n’avons pas les moyens ni l’argent pour le faire. Les routes et les chemins de fer sont impraticables, il est donc nécessaire de faire arriver par avion le ciment et les briques pour la reconstruction. Cela coûte terriblement cher. Pour l’instant, on se contente de réparer ce qui est possible: portes, fenêtres… Pour tout le reste, nous sommes contraints d’attendre que la guerre finisse.

Q.: Les rebelles marquent-ils une attitude particulière contre l’Eglise ?

Mgr Mukanga: Non. Ils ne sont pas contre l’Eglise, du moins officiellement. Depuis que je suis rentré dans mon diocèse, à la fin du mois de novembre, ils ont toujours été très courtois. S’ils ont besoin de quelque chose, ils viennent le demander; non pas comme les autres qui venaient et se servaient. S’ils ont d’autres projets concernant l’Eglise pour l’avenir, je ne saurais le dire. Mais, pour le moment, il ne me semble pas qu’ils aient des plans à ce sujet.

Q.: Existe-t-il une voie dans le pays capable d’œuvrer en faveur d’une paix durable ?

Mgr Mukanga: Pour l’Eglise, il n’y a pas d’autre voie que la négociation. Toutes les guerres se terminent par une négociation. Mais, chez nous, la guerre continue, on détruit le pays, et on tue les jeunes. Je me demande sans cesse: Pourquoi faut-il attendre la destruction complète et la mort de tant de personnes pour commencer la négociation? Dans un document publié en septembre dernier, nous avons (les évêques du Kivu), aux parties en conflit de déposer les armes, de se mettre autour d’une table et de négocier. Mais nous voyons que nos hommes politiques éprouvent de grandes difficultés à le faire. La communauté internationale devrait aider l’Eglise avec la logistique nécessaire, pour qu’elle puisse prendre l’initiative en faveur de la paix et de la réconciliation. (apic/cup/fides/pr)

21 mai 1999 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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