Congo: Le groupe Amos ne dormait que d’un oeil
«La fin de Mobutu, une leçon pour Kabila !»
Kinshasa, 30 juin 1997 (APIC) Le Groupe Amos, une organisation catholique de défense des droits de l’homme active à Kinshasa et qui regroupe des prêtres, des religieux et des laïcs de diverses confessions, est résolu à rester, face au nouveau pouvoir, une «conscience critique». C’est ce qu’il fait savoir dans un appel daté du 17 jun.
Dans une note qui l’accompagne, l’abbé Thierry Nlandu, un de ses principaux animateurs, annonce la couleur: «Le mensonge institutionnel qui crée la troisième république la condamne à une mort certaine. Et ce n’est ni le soutien intéressé des USA, ni celui de l’Afrique du Sud qui empêcheront le peuple de poursuivre sa lutte de libération intégrale et globale.» Le Groupe Amos, du nom du prophète de la justice, est particulièrement actif à Kinshasa, où il est né en 1988. Avec les abbé José Mpundu et Thierry Nlandu comme figures de proue, il a joué un rôle prépondérant dans l’organisation de la «marche de l’espoir» du 16 février 1992, qui fut brutalement réprimée (plusieurs dizaines de morts), alors qu’elle réclamait pacifiquement la réouverture de la Conférence Nationale Souveraine).
Pour le Groupe Amos, la fin de la dictature, qu’il salue, n’est «qu’une étape dans notre marche pour la libération totale de notre peuple, qui passera désormais par la libération de chacun de nous». Tandis que «beaucoup de Congolais hésitent entre participer, bouder ou rester à l’écart du nouveau pouvoir», il «entend rester cette conscience critique à même d’éclairer notre peuple et ses dirigeants».
Impérialisme euro-américain…
Après un temps d’observation, le groupe précise sa ligne de conduite. Il gardera sa liberté de dénoncer «pacifiquement mais fermement» toute forme de violence et d’injustice, quoi qu’il en coûte. Déjà, il dénonce «les exécutions sommaires, les viols, les vols, les pillages, le tribalisme, la bastonnade en public», ainsi que «les dépenses somptueuses pendant que les fonctionnaires restent impayés».
L’appel invite les Congolais et tous les Africains à s’organiser pour se libérer de «l’impérialisme euro-américain» qui les empêche de s’auto-déterminer politiquement et économiquement et, sur le plan intérieur, à refuser «toute forme de dictature d’un individu ou d’une communauté» sur l’ensemble de la communauté nationale. Cela nécessite une réorganisation à la base, «en utilisant toutes les actions non-violentes qui ont contribué à la conscience politique de notre peuple». Les Congolais doivent réaliser qu’»on ne libère pas un peuple, mais qu’un peuple se libère lui-même», et que «la libération ne s’arrête ni au départ de Mobutu, ni aux promesses d
e pain».
Les requêtes de ce bref appel sont précisées dans une note de huit pages par un de ses signataires, Thierry Nlandu, professeur à l’Université de Kinshasa. Intitulé «La fin de Mobutu, une leçon pour Kabila !» (c’est la seule fois que le nom de ce dernier sera cité).
Tandis que les Congolais fêtent «la fin de l’emprise française» (des «protecteurs de Mobutu») sur leur économie, Th. Nlandu les met en garde: «l’exploitation n’a pas de langue» et «les Américains comme les Français sont en quête d’intérêts». Il rappelle surtout à l’intention du nouveau pouvoir que «la baïonnette n’a jamais construit une démocratie». Et de rompre une lance en faveur de la Conférence Nationale Souveraine, car le problème congolais est «essentiellement politique»: «Le peuple a tracé une voie… C’est n’est pas une défaite que de s’y conformer. C’est justement faire preuve de respect de pour peuple qu’on veut libérer avec sa propre volonté. L’erreur de Mobutu, c’est d’avoir voulu mépriser la Conférence Nationale Souveraine à laquelle il recourait pourtant lorsqu’il pouvait en tirer un certain profit pour son maintien au pouvoir. Ce faisant, il a raté un grand rendez-vous avec l’histoire».
Durant les sept années de transition, «les Congolais ont appris qu’on ne libère pas un peuple mais que celui-ci se libère». Tel est, pour Th. Nlandu, le sens de «la résistance actuelle» qui n’a d’autre but que de «libérer le «libérateur» de l’emprise américaine, sud-africaine ainsi que de l’Ouganda et du Rwanda (et de la communauté Tutsi)», pour qu’il ne commette pas «l’erreur de la communauté ngbandi qui, à elle seule, a dominé le pays pour se retrouver aujourd’hui en exil».
Un gros mensonge
La dixième leçon est que «la légalité ne s’arrache pas à coup de canon ni de ruse». Th. Nlandu avertit: «Le mensonge institutionnel qui crée la troisième république la condamne à la mort certaine. Et ce n’est ni le soutien intéressé des USA ni celui des Sud-Africains qui empêcheront le peuple congolais de poursuivre sa lutte de libération intégrale et globale… Un régime qui a pour acte fondateur un gros mensonge aura besoin d’autres gros mensonges pour survivre». Pour l’auteur de la note, «on est visiblement embarqué dans un discours pour enflammer les Congolais libérés et un autre que l’on fait calmement dans les salons avec les hommes d’affaires euro-américains, au nom d’un réalisme meurtrier pour nos peuples».
A ce jeu, ajoute la note, l’Occident et les USA ne perdent rien, eux qui sont à présent d’accord d’accepter un délai de deux ans pour préparer les élections alors qu’il y a peu ils voulaient qu’elles aient lieu rapidement tout en se disant prêts à les financer. Mais deux ans suffiront-ils pour installer des bases sincères ?, s’interroge le porte-parole du groupe «Amos». Particulièrement perplexe devant les «ralliements intéressés» qui «risquent d’offrir au nouveau régime une base alimentaire que l’on regrettera dans deux ans et qui justifieront le report des élections», Thierry Nlandu conclut «Nous sommes sans doute pessimiste sur l’avenir de ce gouvernement. C’est tout simplement parce que nous sommes convaincu qu’un homme ou un groupe d’hommes ne peut pas balayer d’un revers de la main ce que tout un peuple a réalisé en versant de son sang.
France: Une alternative au service militaire obligatoire
La coopération, école de citoyenneté
Paris, 30 juin 1997 (APIC) La Direction catholique de la coopération (DCC) souligne les apports positifs du volontariat dans les pays du Sud . Dans une vaste enquête auprès d’anciens coopérants, elle a présenté récemment les résultats. 84% des coopérants estiment que leur volontariat a été utile pour le projet auquel ils ont travaillé et 97% soulignent que ces années passées outre-mer ont modifié en profondeur leur comportement.
A partir des 450’000 questionnaires qui ont été envoyés avec le concours du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), et des publications «La Croix», «La Vie», «Croissance» et «Faim et développement magazine», la DCC a reçu l’avis de 4’000 anciens «coopérants» ou «volontaires». Ils estiment que leur expérience continue ensuite à influencer leur comportement, d’abord, à 80%, dans leur relation à autrui, ensuite à l’égard de leur qualité de vie (48%). Ils sont ensuite devenus plus ouverts à d’autres cultures (91%), accueillants pour les étrangers, (59%), et tolérants pour les autres religions (54%).
Une école de vie
La coopération se révèle donc constituer une formidable école de vie et d’éducation à la responsabilité et à la citoyenneté. Précisons que 62% des volontaires souhaitaient échapper au service militaire lorsqu’ils sont partis au service national, et que la même proportion d’anciens coopérants, tout en approuvant la suppression du service militaire obligatoire, prévoit qu’elle aura un impact négatif sur le nombre futur de coopérants.
La DCC partage cette crainte. Mais, objecte Marc Bulteau, un des initiateurs du «Réseau des volontaires de retour», «les anciens coopérants sont une chance pour la nation. Militant de l’éducation au développement, ils véhiculent les valeurs d’ouverture à l’autre, d’accueil de l’étranger, du respect de la différence, auxquels le volontariat les a sensibilisés. Cela représente un ferment formidable pour notre société».
Ce statut présente des avantages financiers car les ministères de tutelle prennent en charge la totalité des frais inhérents à la couverture sociale du coopérant, à son voyage, à son argent de poche et à un pécule de reclassement à son retour.
Mais les associations envoyant des volontaires redoutent, si elles doivent calquer leur action sur celle de la politique française de coopération-, de voir leur autonomie réduite. Enfin, la suppression du service militaire obligatoire réduira le nombre de jeunes qui n’avaient pas d’autre choix que de rester en casernes ou d’opter pour la coopération. (apic/jcn/aa)