Congo RDC: Assistants sociaux interpellés par le phénomène des «enfants sorciers»
Les Eglises de réveil mises en cause
Kinshasa, 31 juillet 2007 (Apic) La République Démocratique du Congo connaissait déjà le fléau des enfants soldats. Elle doit aujourd’hui faire face à un autre problème, tout aussi inquiétant, celui des enfants sorciers, «Ndoki» en lingala. Le phénomène de ces enfants marginalisés à Kinshasa interpelle les assistants sociaux. Ces enfants dits «sorciers» seraient des milliers dans la capitale de la RDC. Selon une statistique, en 2004, ils étaient au moins 1’344 dans 6 des 24 communes de Kinshasa.
Le phénomène des «enfants sorciers» n’a pas toujours existé en RDC. Il ne s’est développé qu’au milieu des années 90, avec l’apparition des sectes religieuses, à la faveur de l’exode rural dû aux difficultés économiques et aux ravages de la guerre. Les familles accablées par la misère cherchent alors un bouc émissaire à leurs malheurs. Ils le trouvent en la personne de leur enfant qu’ils chargent de tous leurs maux. Le désarroi des parents est alors exploité par des sectes qui pullulent à Kinshasa. Celles-ci font payer aux familles – très cher – leurs services pour désenvoûter les prétendus petits sorciers.
Ces enfants sont considérés comme responsables d’une maladie, d’un décès, d’un divorce, d’un manque d’argent.
Ils sont alors rapidement accusés de sorcellerie et deviennent vite le centre de violents conflits familiaux. Maltraités, stigmatisés, marginalisés, ils sont rejetés, bannis du clan familial. Pour eux, il n’y a plus que la rue!
Nombreux dans les familles à problèmes
Michel Ewango, assistant social, relève que ces enfants dits «sorciers» sont nombreux dans des familles à problèmes après le divorce et la séparation des parents ou quand ceux-ci font face à de sérieuses difficultés économiques. Ces enfants subissent des pressions (torture morale, maltraitances) au niveau de la famille qui les poussent à se reconnaître comme des sorciers.
Et d’ajouter que souvent les enfants amenés chez les pasteurs sont tous reconnus comme étant des sorciers après des pratiques exorcistes finalement payantes. Michel Ewango a fait partie du groupe d’enquêteurs de la Dispe ou Direction des interventions sociales pour la protection de l’enfance relevant du Ministère congolais des Affaires sociales. Ces enquêteurs ont identifié les Eglises de réveil (plus de trente) hébergeant les enfants dits «sorciers».
Ceux-ci ont retrouvé les adresses des parents de ces enfants en rupture familiale et cherché à connaître les circonstances à la base de la présence de ces petits dans ces Eglises de réveil. Ceci en vue de les réinsérer dans leur famille. Les enfants sont désignés ainsi par des signes comme l’énurésie, la malpropreté, un gros appétit.
Interrogé par l’agence catholique DIA à Kinshasa, l’assistant social déplore que la malformation physique, le songe fréquent et raconté, le manque de propreté chez un enfant deviennent des motifs faisant de lui un «sorcier».
Une façon de se débarrasser des «bouches inutiles»
Cécile Matiaba, assistante sociale et membre de la Dispe, a interpellé les pouvoirs publics pour qu’ils aient un regard sur la prolifération des Eglises de réveil, étant donné que ce sont des lieux où le phénomène enfants dits sorciers prospère. Elle a demandé aux autorités nationales de veiller au respect des textes protégeant l’enfant des cas de maltraitance. Tout en reconnaissant l’oeuvre de prédication réalisée par ces Eglises, Cécile Matiaba déplore chez le chef de certains d’entre elles la propension à exploiter la situation de ces enfants à des fins économiques.
Pour l’assistante sociale, trop de parents démissionnent devant leurs responsabilités en utilisant, pour se débarrasser de leur progéniture, l’accusation facile de «sorcière». Celle-ci dénonce aussi la situation d’enfants qui ont résolu de rejoindre la rue ou les Eglises de réveil pour fuir la misère et les tracasseries des parents à la maison. Elle estime que les médias et les autres structures divulguant des informations sur les enfants dits sorciers, dans un pays où la loi ne reconnaît pas la sorcellerie, doivent traiter une telle question avec objectivité et maturité.
Cécile Matiaba estime que, «supposés sorciers ou pas», les enfants congolais doivent être protégés par les pouvoirs publics et que ceci est le rôle qu’entend jouer la Dispe. Au sein du secrétariat général du Ministère congolais des Affaires sociales et Solidarité nationale a été mise sur pied une structure dénommée Dispe, Direction des interventions sociales pour la protection de l’enfance. Cette structure prévient les cas de marginalisation des enfants, protège ceux-ci et intervient en leur faveur quand ils sont en situation difficile. Elle mène notamment un travail de terrain en faveur des enfants maltraités et séquestrés dans les Eglises de réveil. Grâce à la Dispe, les autorités ont demandé aux Eglises de réveil de ne plus garder des enfants dits sorciers dans leurs locaux. (apic/dia/be)