L’Ouganda puise sans vergogne les richesses, aidé par les EU

Congo RDC: Le pays est pillé par ses voisins, dénonce Mgr Tapa, évêque de Mahagi-Nioka

Kinshasa, 10 janvier 2002 (APIC) Le Congo RDC est pillé par ses voisins. Les Ougandais, politiquement soutenus par les Etats-Unis y font leurs affaires. Leurs grosses affaires, en exploitants les richesses, le bois, les mines et tout ce qui peut servir à leur économie. Le constat est celui du nouvel évêque de Mahagi-Nioka, en République démocratique du Congo. Mgr Marcel Utembi Tapa ne mâche pas ses mots. Interview.

«Tous veulent les richesses de notre pays. C’est pourquoi il y a des armées d’invasion qui occupent les régions de la partie orientale du Congo, riches en diamants, en or, en bois et en autres matières premières». Le constat de Mgr Marcel Utembi Tapa est amère. Dans une interview accordée à l’agence vaticane Fides, le nouvel évêque de Mahagi-Nioka souligne également le rôle de l’Eglise dans le développement du pays, et l’importance de l’intégration entre les ethnies.

Le diocèse de Mahagi-Nioka se trouve dans la Province orientale de la République démocratique du Congo, le long de la frontière avec le Soudan et avec l’Ouganda. Il a une superficie de 21’000 km², et une population de 1’198.086 habitants, dont 591’672 catholiques.

Q.: Votre région est le théâtre d’un affrontement entre l’armée ougandaise, l’armée rwandaise, différents mouvements rebelles locaux, et le Mouvement des Mayi-Mayi qui s’oppose à l’invasion étrangère. Quel rôle peut jouer l’Eglise au milieu de ces violences?

Mgr Tapa: Dans la région de Butembo, nous vivons tous dans un climat d’insécurité. Des communautés paroissiales ont été pillées et endommagées, certains disent par les Mayi-Mayi, d’autres par l’armée ougandaise. C’est un problème pour l’Eglise, contrainte de travailler dans un climat difficile. Mais cela ne nous empêche pas d’annoncer l’Evangile, et de soutenir l’espérance des chrétiens sur la fin de ces violences. Nous prions en particulier pour que le dialogue inter-congolais puisse déboucher sur une paix durable.

Q.: Quelles sont les conditions pour une paix durable?

Mgr Tapa: La première condition, c’est que les participants au dialogue inter-congolais soient animés de la volonté de résoudre vraiment les problèmes du pays, en accordant la priorité au bien commun et à son intérêt. La seconde, c’est qu’il y ait un partage pacifique du pouvoir dans un Congo uni. La troisième, c’est que l’on parvienne à préciser la situation des Banyamulenge (les populations d’origine rwandaise qui vivent dans la partie orientale du Congo, et qui représentent l’élément principal de la rébellion, ndr.), et des réfugiés qui vivent dans le pays (Rwandais, Burundais, Soudanais). Il faut décider si, oui ou non, les Banyamulenge sont des Congolais, et quelles garanties il faut accorder aux réfugiés. Il faut enfin créer des mécanismes efficaces de sécurité le long des frontières, pour éviter des provocations entre un pays et un autre. En effet, le prétexte invoqué par nos voisins pour nous envahir, c’est que le Congo était devenu le refuge des rebelles qui s’opposent aux gouvernements d’Ouganda, du Rwanda, et du Burundi.

Q.: Quels sont les intérêts économiques à la base de cette guerre ?

Mgr Tapa: Les ressources économiques du Congo sont l’objet de l’avidité des voisins. Je puis affirmer avec certitude que le Congo est victime du pillage de ses propres richesses. Dans la région où se trouve mon diocèse, les exemples ne manquent pas: toutes les forêts de reboisement ont été exploitées; il n’y a plus de cyprès, parce que tous les arbres qui ont une valeur économique ont été abattus. A présent, les Ougandais exploitent la forêt vierge. Les militaires et les hommes d’affaires ougandais se sont également emparés de la mine d’or de Kilomoto. Butembo. D’autres régions de l’est du Congo sont aussi pillées par des forces étrangères: le Kivu, riche en coltan (minerai utilisé dans l’industrie électronique) et en café; la région de Kisangani (diamants, café et bois). Nous qui vivons dans une région occupée par des troupes ougandaises, nous avons l’impression que l’Ouganda veut que la situation d’instabilité dure longtemps encore: ils font en effet beaucoup d’affaires! Les Ougandais ont le monopole économique de cette partie du Congo: nous fournissons non seulement la matière première à un bas prix, mais nous «assurons» aussi le marché pour les produits manufacturés ougandais.

Q.: Les puissances occidentales jouent sans doute un rôle dans cette situation, au nom de leurs intérêts?

Mgr Tapa: Cette guerre ne concerne pas seulement les pays de la région. Il y a eu des appuis internationaux. Les Etats-Unis, par exemple, appuient la politique de l’Ouganda et du Rwanda. Dans la Région des Grands Lacs, il y a un affrontement par personnes interposées entre la France et les Etats- Unis. Avec la chute de Mobutu, on a découvert qu’il entretenait des rapports avec les Etats-Unis, avec les Français, avec les Belges. Quand l’ancien président est devenu trop faible, et donc inutile pour les Etats- Unis, il a été renversé par Laurent Kabila qui, à l’époque, était un homme proche de Washington. Son fils, qui lui a succédé, poursuit certes une politique différente.Je pense qu’il faudra du temps, mais sa politique aura des développements positifs pour le pays.

Q.: Quel est votre plan pastoral pour votre diocèse ?

Mgr Tapa: Je veux renforcer les liens entre les personnes, car mon diocèse comprend sept grands groupes ethniques: Alur, Logbara, Kalilo, Kaqwa, Ndo, Logo, Lendu. Cette dimension multi-culturelle est l’orgueil de ma région. Mais nous devons être réalistes: entre les différents groupes, il existe des complexes de supériorité qui peuvent compromettre une coexistence pacifique. Je veux faire en sorte que ces différences culturelles soient une richesse pour l’Eglise et pour la société congolaise. (apic/fs/pr)

10 janvier 2002 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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