Congo RDC: Les évêques prennent position dans un texte fort et accusateur
Pas «d’Etats-nains», pas de balkanisation du pays
Congo RDC, Kinshasa, 7 janvier 2008 (Apic) Après son message du 22 décembre 2007 appelant à la fin de la guerre, signé de Mgr Laurent Monsengwo Pasinya, nouvel archevêque de Kinshasa, la Cenco a publié un nouveau message. Les évêques prennent position sans oeillères sur la situation «catastrophique» de leur pays, dans un texte fort, accusateur, rédempteur.et emblématique de cette région d’Afrique.
Diffusé le 6 janvier 2008, le texte signé de l’évêque de Kasongo le 5 janvier, s’adresse aux participants de la Conférence sur la paix, la sécurité et le développement au nord et au sud Kivu. Daté du 5 janvier 2008, soit du dernier jour de la Conférence de Goma, tenue du 27 décembre au 5 janvier, l’appel de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), contient l’essentiel de la position des évêques congolais sur la grave situation dans leur pays. Il est intitulé Memorandum de la Cenco adressé aux participants de la Conférence sur la paix, la sécurité et le développement au nord et au sud Kivu, tenue à Goma du 27 décembre 2007 au 5 janvier 2008.
«La Constitution de la République Démocratique du Congo a résolu le problème de la nationalité» rappellent les évêques, qui, en conséquence, disent «Non à l’idéologie de la balkanisation, par la création d’Etats nains». L’intégrité territoriale, l’intangibilité des frontières et l’unité nationale de la République Démocratique du Congo ne sont pas négociables, affirment-ils clairement.
La guerre, «comme moyen de résoudre les problèmes entre les habitants s’avère inutile et doit être condamnée de la manière la plus absolue». Les évêques avertissaient également les participants à la Conférence qu’il serait à leurs yeux «inacceptable» que la Conférence de Goma remette en question les institutions dont s’est doté le pays ou qu’elle devienne «un nouveau lieu de partage du pouvoir en marge des mécanisme constitutionnels».
Un «activisme guerrier» nuisible
La Cenco rappelle dans son texte que le Kivu «vit une situation de guerres récurrentes, qu’il y existe un activisme guerrier de certains groupes ethniques, et une présence nuisible des groupes armés d’origine étrangère». «Certains groupes armés revendiquent en outre de défendre les terres de leurs ancêtres». «Tous ces éléments réunis ont rendu difficile la cohabitation pacifique entre les habitants de la région».
Puis le texte des évêques congolais examine les causes de la situation actuelle, qui sont «à la base du désastre que vivent les populations de cette région»: intégration de certains habitants au Kivu, problèmes fonciers, problème de l’exploitation de la haine et de la division ethnique ,gestion des ressources naturelles. «Le contrôle des espaces où il y a des ressources naturelles est une des causes majeures de la guerre au Kivu (Cf le rapport du Panel des Nations Unies, l’enquête de Human Rights Watch sur l’exploitation de l’or, le rapport Lutundula ou les différentes mises en garde de Institute Rescue Comittee). La guerre devient un paravent pour couvrir le pillage des ressources». Les évêques fustigent aussi «la conduite de certains hommes politiques congolais, caractérisée par la corruption». La débâcle au Kivu est la conséquence d’une série de comportements irresponsables et traîtres des Congolais eux-mêmes affirment les évêques.
Qui relèvent aussi, entre autres causes de la situation dramatique que vit leur pays, «l’attitude ambiguë de la communauté internationale face au problème des réfugiés, face à la démocratie dans la région des Grands Lacs, face à la mission de maintien de la paix par la MONUC».
L’affairisme des multinationales autour des ressources naturelles est également cité comme facteur déstabilisant. «Il apparaît clairement que la guerre au Kivu est une guerre économique dont l’enjeu demeure l’exploitation des richesses du sol et du sous-sol». Ajoutant que «des agents de multinationales sont particulièrement actifs dans cette région pour vendre des armes».
Les conséquences de cette situation sont «énormes», concluent les évêques. «Des millions de morts : une hécatombe sans pareille, jamais dénoncée. Des populations condamnées à l’errance, à l’exode rural avec comme conséquence la surpopulation des villes et de grandes cités, l’abandon forcé du secteur agricole, la non scolarisation des enfants»
Les évêques citent encore «les déplacements forcés des personnes dans des conditions inhumaines, les viols massifs des femmes et le déni des droits de la personne». Les «tueries systématiques organisées au jour le jour sans que les coupables ne soient appréhendés. Les destructions des infrastructures et de l’environnement. Les villages incendiés, les ponts coupés, les domaines agricoles et pastoraux ravagés. L’énumération se poursuit avec le recrutement de mineurs dans les rangs des groupes armés. Le pillage systématique des ressources naturelles.
Paix dans les Grands Lacs
La Conférence Episcopale Nationale du Congo recommandait aux participants de la Conférence de Goma qu’ils se posent les questions suivantes: quelles sont les vraies revendications des uns et des autres ? Qui arme les milices ? La présence des Interahamwe et apparentés aux portes du Rwanda n’est-elle pas l’une des causes profondes de la déstabilisation de la région du Kivu ? Et encore: «Qu’adviendrait-il si les quatre cents ethnies du Congo prenaient les armes pour faire entendre chacune sa voix ?»
Suit une série «d’interpellations» au sens de la fraternité des habitants, à la communauté internationale, au respect du droit des Etats de la région. «Que toutes les puissances et leurs multinationales soient amenées à travailler pour la paix dans la région des Grands Lacs», exhortent les évêques congolais. La Cenco réaffirme enfin «sa mission réconciliatrice» et exhorte au pardon «réciproquement offert et reçu». Suit la signature de Mgr Théophile Kaboy, évêque de Kasongo, Président de la Commission Episcopale Justice et Paix et Délégué de la Cenco à la Conférence sur la paix, la sécurité et le développement au Nord et au Sud Kivu, le 5 janvier 2008. (apic/cenco/vb)