Consistoire, le Soudan du Sud aura son premier cardinal électeur
Le pape François a annoncé le 9 juillet 2023 la création de 21 cardinaux, dont 18 électeurs, lors du consistoire qui se tiendra le 30 septembre prochain. Parmi eux, trois Africains: Mgr Stephen Brislin, Mgr Stephen Ameyu Martin Mulla et Mgr Protase Rugambwa, respectivement d’Afrique du Sud, du Soudan du Sud et de Tanzanie. Un renforcement du poids de ce continent au sein du collège des électeurs qui poursuit son internationalisation.
Ces trois futurs cardinaux porteront à 19 le nombre de cardinaux africains électeurs en cas de conclave, soit près de 14% du collège des électeurs. Ils n’étaient que 11 lors du conclave de 2013, soit 9,6%. Cette augmentation notable correspond aussi à l’évolution du nombre de catholiques en Afrique, qui représentent 19,3% des catholiques du monde (statistiques du Vatican sur l’année 2021).
Pour la première fois depuis sa création en 2011, le Soudan du Sud compte un cardinal électeur. La Tanzanie, pour sa part, en comptera désormais deux, et l’Afrique du Sud à nouveau un, en la personne de Mgr Stephen Brislin, archevêque du Cap. Le cardinal Wilfrid Fox Napier, archevêque émérite de Durban, porte-voix dynamique du secteur conservateur de l’Église dans les médias et les réseaux sociaux, avait en effet atteint le seuil des 80 ans le 8 mars 2021.
Mgr Stephen Brislin, archevêque d’une minorité
Après des études à Pretoria, à Londres et à Louvain, Stephen Brislin, 66 ans, issu d’une famille d’ascendance écossaise et irlandaise, a été ordonné prêtre en 1983 pour le diocèse de Kroonstad, au centre du pays. Benoît XVI l’a nommé évêque de ce diocèse en 2006, puis archevêque du Cap en 2009. Mgr Brislin a par ailleurs présidé la Conférence épiscopale sud-africaine de 2013 à 2019. Cet archevêque au profil plutôt discret s’est dit «confus et déconcerté» après l’annonce de son cardinalat, mais il s’est engagé à représenter avec fidélité et loyauté toute l’Afrique australe au sein du Collège des cardinaux.
Si l’Afrique du Sud est considérée comme l’une des grandes puissances montantes du continent africain sur le plan politique et économique, son catholicisme demeure très minoritaire. Les traditions animistes et les différentes dénominations protestantes y sont majoritaires, en conséquence des colonisations néerlandaise et anglaise. Selon les statistiques de l’Annuaire pontifical, le diocèse du Cap ne compte que 5% de catholiques, servis par 66 prêtres diocésains, une réalité modeste à l’échelle d’une ville de près de cinq millions d’habitants.
Mgr Stephen Ameyu Mulla, un choix fort pour un pays en lambeaux
Dans la liste des 21 cardinaux créés par le pape François, l’archevêque de Djouba, Mgr Stephen Ameyu Martin Mulla, est sans doute celui qui correspond le plus aux nominations ›périphériques’ chères au pape François, et ce pour deux raisons.

La première tient au fait que le Soudan du Sud compte parmi les pays les plus pauvres de la planète. Visité par le pontife argentin en février dernier – une première pour un pape -, ce jeune pays anglophone d’Afrique de l’Est, majoritairement chrétien, est né de deux guerres d’indépendance successives qui ont provoqué la mort de deux millions de personnes et l’exil de quatre millions de personnes. En choisissant Mgr Stephen Ameyu Martin Mulla, 59 ans, le pape donne une voix à cette région d’Afrique où les violences tribales règnent encore.
C’est d’ailleurs sans doute aussi pour condamner le fléau du tribalisme que le pape François a décidé de conférer la barrette cardinalice à ce prélat ordonné prêtre en 1991. Celui qui a été nommé archevêque de Djouba en 2019 s’était alors vu opposer une levée de boucliers de la part de diocésains, certains allant même jusqu’à écrire à Rome pour contester ce choix et colporter des rumeurs à son encontre. La raison officieuse de cette rébellion: Stephen Ameyu Martin Mulla n’appartient pas à la tribu majoritaire de la région de Djouba. Une enquête diligentée alors par le Vatican a bien confirmé la nomination papale.
En tant qu’archevêque de la capitale, Mgr Stephen Ameyu Martin Mulla a accueilli le pape dans son pays pour un voyage placé sous le signe de la réconciliation entre les deux hommes politiques chrétiens à la tête du pays, le président Salva Kiir et son opposant Riek Machar.
En avril dernier, quand un conflit meurtrier a débuté au Soudan, pays voisin, le futur cardinal a demandé aux chrétiens sud-soudanais d’ouvrir leurs portes pour accueillir des réfugiés.
Mgr Protase Rugambwa, un connaisseur de la Curie
Âgé de 63 ans, Mgr Protase Rugambwa deviendra le deuxième cardinal électeur tanzanien avec le cardinal Polycarp Pengo, 78 ans. Protase Rugambwa a été ordonné prêtre en 1990 pour le diocèse de Rulenge. Après un doctorat en théologie pastorale de l’Université pontificale du Latran à Rome, il travaille au sein de ce qui est alors la Congrégation pour l’évangélisation des peuples – aujourd’hui Dicastère pour l’évangélisation.
En 2008, il est nommé évêque du diocèse de Kigoma, en Tanzanie, puis est rappelé à Rome en 2012, lorsque Benoît XVI le nomme secrétaire adjoint de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples (il en deviendra secrétaire en 2017) et président des Œuvres pontificales missionnaires. Il est consacré évêque le 13 avril de la même année.

L’archevêque s’est notamment illustré pour sa défense de la jeunesse africaine confrontée aux défis de la migration. Dans un rapport en juillet 2022, il exhorte les membres de l’Association des conférences épiscopales régionales d’Afrique centrale (ACERAC) à «aider les jeunes d’Afrique centrale à ne pas gaspiller, mais plutôt à façonner une identité qui valorise leurs origines, leur culture et leur religiosité dans la rencontre avec de nouveaux schémas et modèles culturels et religieux». Au terme de son mandat, le pape François l’a nommé évêque coadjuteur du diocèse de Tabora, le 13 avril 2023.
La Tanzanie est un pays marqué par un certain pluralisme religieux, avec environ 50% de chrétiens (dont plus de la moitié de catholiques), 35% de musulmans, ainsi que des communautés animistes et des minorités hindoues et sikhes compte tenu de la présence de commerçants indiens. L’Église catholique locale, relativement développée, compte 34 diocèses. (cath.ch/imedia/lb)