«Construire la paix avec ceux qui étaient condamnés au désespoir»

Fribourg: Témoignage de Mgr Mansour Labaky à la grande rencontre «Prier Témoigner»

Fribourg, 7 novembre 2010 (Apic) La traditionnelle rencontre «Prier Témoigner» – qui rassemble depuis deux décennies dans les locaux de l’Université de Fribourg des chrétiens de toute la Suisse romande et d’une grande diversité de spiritualités et de tendances – s’est tenue le week-end des 6 et 7 novembre sur le thème «Avec toi… jour après jour!».

Parmi les personnalités qui ont marqué ces deux journées qui ont attiré plus de 1’500 personnes – en grande majorité des jeunes, des élèves des Cycles d’orientation (CO) et du primaire – l’Apic a rencontré une personnalité qui a visiblement touché le public: Mgr Mansour Labaky, vicaire épiscopal du diocèse maronite de Beyrouth. Le célèbre prêtre libanais est à la fois compositeur, enseignant, journaliste et écrivain reconnu. C’est aussi le «père» de nombreux orphelins victimes des divers conflits qui ont ensanglanté le «pays des cèdres», que l’on appelait – mais il y a de cela bien longtemps ! – la «Suisse du Moyen Orient». Depuis les années 70, le Père Labaky prêche sans relâche la réconciliation dans un Liban qui peine à trouver la paix.

Au Liban, les clivages politiques traversent désormais les communautés

«Les Libanais le savent d’expérience, la guerre n’apporte rien… A la base, chrétiens et musulmans s’entendent; d’ailleurs il y a de nombreux musulmans dans les écoles catholiques, jusqu’à 90% à Baalbek, Tripoli ou Beyrouth-Ouest. La grande majorité des musulmans libanais ne sont pas des fanatiques, ce sont certains chefs qui importent le fanatisme de l’étranger. La rivalité islamo-chrétienne qui existait durant la guerre est dépassée. Désormais les clivages politiques traversent les diverses communautés: il y a aussi des chrétiens comme Aoun ou Franjié qui sont aux côtés des chiites, avec le Hezbollah… «, commente d’emblée Mgr Labaky.

«Je sais que l’on ne peut bâtir la paix qu’en regardant vers l’avenir; je construis la paix avec ceux qui étaient condamnés au désespoir», nous confie ce prêtre d’une septantaine d’années entre deux rencontres avec les jeunes. Alors curé de Damour, une localité de 25’000 habitants située à une bonne dizaine de km au sud de Beyrouth, le Père Labaky a vu le 20 janvier 1976 la destruction totale de sa ville, de ses églises, de ses écoles…

Tout a commencé avec la destruction de Damour

«Damour était la seule ville chrétienne sur la route du Sud, c’était un verrou. Il y a eu certes des combats, mais en fait peu de résistance, car 40% des chrétiens de Damour votaient pour le Parti Socialiste Progressistes (PSP) de Joumblatt. Ils pensaient être protégés. 582 personnes on trouvé la mort à Damour, des civils, des femmes, des enfants…». En fait, ils ont été massacrés par les troupes «palestino-progressistes» qui ont pris la ville avec l’aide de la «Saïka», un groupe palestinien d’obédience syrienne, et des «Mourabitoune», des combattants se réclamant de l’idéologie nassérienne. Ces Palestiniens voulaient contrôler tout le Sud du Liban pour y établir leur propre Etat après avoir été chassés de leurs terres lors de la fondation de l’Etat d’Israël.

Les chrétiens s’étaient alors accrochés ›à la corde du vent’».

«La cause palestinienne est juste, mais à cette époque, ils nous avaient attaqués, et nombre de chrétiens s’étaient jetés dans les bras des Israéliens. Ces derniers ne nous ont pas aidés par amour, mais par intérêt. Les chrétiens s’étaient alors accrochés ›à la corde du vent’…».

«Ma paroisse avait disparu, mais j’ai senti alors le souffle de l’Esprit: j’ai créé un mouvement baptisé en araméen ’LoTedhal’ (Ne crains pas), qui compte maintenant 5 à 600 adhérents. L’aide aux orphelins de Damour a été le déclic. J’ai recueilli des fratries dont les parents avaient été tués, sans distinction. J’ai créé des foyers pour les orphelins – Notre-Dame de la joie, Notre-Dame du Sourire -, qui accueillent des chrétiens maronites, grecs-orthodoxes, melkites, des musulmans sunnites, des chiites… «

Depuis 2005, Mansour Labaky s’attelle à la réalisation de «Kfar Sama», le Village de la Paix, situé dans la montagne, à 1’200 m d’altitude, à 2 kilomètres du sanctuaire de Saint-Charbel, le «Lourdes» du Liban.

Ce projet, soutenu par le comédien et homme de théâtre français Jean Piat et l’association «L’enfant du Liban» à Paris, bénéficie de l’appui des présidents libanais Emile Lahoud et de son successeur Michel Sleimane, et du patronage du patriarche maronite Nasrallah Sfeir. Actuellement, les infrastructures déjà construites – comme l’amphithéâtre, qui peut accueillir 5’000 personnes, quelques maisons, trois chapelles, un théâtre, un emplacement pour les scouts – permettent dès à présent de recevoir 260 réfugiés chrétiens irakiens. «Nous tentons de redonner partout l’espoir. Les enfants que nous avons recueillis sont éduqués, ils sont entre-temps devenus cinéastes, avocats, prêtres, professeurs, infirmières au lieu d’être dans la rue. C’est ainsi que l’on peut construire la paix !»

(*) L’Association Prier Témoigner est actuellement conduite par l’abbé Nicolas Glasson, supérieur du Séminaire diocésain de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), Marie-Louise Zurkinden, relieure et bibliothécaire, et Claude Schenker, avocat. (apic/be)

7 novembre 2010 | 15:28
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 3 min.
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