Côte-d’Ivoire: Plusieurs milliers d’enfants ont manifesté dans les rues d’Abidjan
«Protégez-nous de la pédophilie»
Abidjan, 1er février 1999 (APIC) L’exploitation sexuelle des enfants, qui se développe de façon inquiétante en Côte d’Ivoire, suscite la réaction de nombreux secteurs de la société et des Eglises. Mercredi, plusieurs milliers d’enfants ivoiriens sont descendus dans les rues d’Abidjan pour protester contre l’augmentation des cas de pédophilie et autres formes d’abus sexuel dont ils sont victimes.
«La pédophilie est un crime contre l’humanité», ont-ils scandé. De nombreux enfants venant de l’Ouest africain, poussés par la pauvreté, sont exploités en Côte-d’Ivoire comme travailleurs en atelier et trop souvent sur le trottoir pour le «plaisir» des riches.
Organisée par l’Association des amis de la famille (AMIFA) et soutenue par plusieurs organisations non gouvernementale (ONG), dont le Bureau international catholique de l’enfance (BICE), cette marche de protestation s’est terminée devant l’hôtel de ville. Sur les banderoles des manifestants ont a pu lire «Levons-nous pour combattre la pédophilie», ou encore: «Protégez-nous contre les abus sexuels», «Grands frères, nous sommes des hommes et vous aussi», etc. .
Les ONG organisatrices ont voulu attirer l’attention du public et du gouvernement sur le danger que constitue la multiplication du fléau de la pédophilie en Côte-d’Ivoire. Marché fructueux. L’agence panafricaine de presse PANA parle d’un important trafic d’enfants du Mali vers la Côte d’Ivoire. Il suffit de parcourir l’autoroute qui relie le pays au Togo et au Bénin pour se rendre compte de l’ampleur de ce marché d’enfants, relève-t-elle.
Le signal d’alarme a été donne en octobre dernier, avec la déclaration d’un lycéen de Dabou, village près d’Abidjan. Agé de 14 ans, il avait révélé avoir été victime de sévices sexuelles.
Ministre et ambassadeur mis en cause
L’adolescent a mis en cause un ancien ministre ivoirien, Ezan Akele, et l’ambassadeur du Liban en Côte-d’Ivoire, Mohamed Daher. Suite de cette affaire, huit personnes dont six ressortissants libanais ont été arrêtées.
Ezan Akele et Mohamed Daher ont démenti les accusations du jeune adolescent. Ils ont également porté plainte pour diffamation contre le quotidien «Le Jour» qui avait publié les déclarations de l’enfant. La semaine dernière, la justice ivoirienne a condamné le quotidien a verser à l’ancien ministre une somme de 250’000 francs suisses pour dommage et intérêt.
Mme Allyé, secrétaire générale de l’Amifa a exhorté les parents à se battre à travers tout le pays contre les abus, les violences et maltraitances des enfants. «L’enfant est un bien précieux que nous devons préserver. Alors, arrêtons de détruire son avenir par des abus sexuels». Elle a en outre dénoncé le comportement de certains hommes qui entretiennent très bien leurs enfants mais préfèrent chercher ceux des autres pour en faire leur femme contre quelques billets de banque.
Bema Coulibaly, chargé du programme «Exploitation sexuelle et commerciale des mineurs» au BICE, soutient que cette marche est un avertissement à tous ceux qui s’adonnent à la pédophilie. Il poursuit: «Peu importe le nombre des marcheurs, l’essentiel pour nous s’est d’avoir marché pour dire non aux abus sexuels».
La secrétaire général de l’AMIFA estime qu’il «est temps que la population ivoirienne prenne ses responsabilités pour barrer le chemin aux destructeurs des racines». Les organisateurs entendent organiser d’autres manifestations afin que justice soit faite. (apic/ibc/pana/ab)