Fribourg: Les archives paroissiales sous la loupe à Romont

Des trésors qui appartiennent à tous

Romont, 6 novembre 2011 (Apic) Plus d’une huitantaine de personnes, dont des délégués de 34 paroisses catholiques et réformées, francophones et alémaniques, se sont retrouvés à la Maison St-Charles à Romont, le 5 novembre 2011, pour parler des archives paroissiales et de ses trésors. Proposée par le Forum des archivistes-Fribourg (FAF), cette initiative est le début d’un partenariat entre différents acteurs concernés par la conservation des patrimoines, en vue de la valorisation de nombreux trésors historiques, non encore inventoriés, dans les paroisses du canton de Fribourg.

Archivistes, archéologues, historiens, délégués des paroisses réformées et catholiques, représentants du vicariat épiscopal et de la Corporation ecclésiastique catholique (CEC) ont répondu nombreux à l’initiative du FAF. Dans son mot d’introduction, l’historien-archiviste Florian Defferrard, cheville ouvrière de cette journée de réflexion, a souligné que cette forte participation montrait l’importance du sujet.

Créer des synergies

Selon l’historien-archiviste de la ville et de la paroisse de Romont, dans les paroisses, les archives sont parfois reléguées à un statut de patrimoine oublié, caché par les monuments qu’il faut entretenir à raison et à grands frais. Or, les archives ne représentent pas qu’un amas de documents anciens, autant de témoignages du passé. Elles sont aussi les garantes de la légitimité de la collectivité qui les détient, qui les produit et qui les reçoit.

«Ces documents sont les authentiques fondateurs du bon droit de la paroisse. A l’heure de la transparence, des regroupements autour des unités pastorales et des fusions de paroisses, de nouvelles exigences se font jour vis-à-vis des archives. Les paroisses ont aussi le devoir d’y répondre. Ce qui soulève souvent des difficultés et des questions quant aux moyens à disposition. Le traitement des archives nécessite des compétences et a un coût», a expliqué Florian Defferrard.

Cette rencontre romontoise se voulait comme un premier partage d’expérience pour faire le point sur les pratiques qui ont cours dans les paroisses. Il s’agissait aussi de lancer le débat sur la valorisation des archives paroissiales, de créer des liens et de regrouper des forces, en favorisant des synergies entre différentes compétences en vue d’une meilleure tenue de ces patrimoines.

Une mine d’or pour l’historien

Dans sa conférence sur «L’apport des archives paroissiales à l’historien», le professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Fribourg, Francis Python, a rappelé la richesse scientifique que recèlent les archives paroissiales. Mais pour une exploitation efficace par les étudiants et les chercheurs, son inventaire est plus que nécessaire. Selon Francis Python, les archives renseignent l’historien sur les cultes à une certaine époque donnée: les dévotions aux saints, les pèlerinages en dehors des limites paroissiales ainsi que les liturgies, leurs succès ou non. Leurs évolutions peuvent être observées dans les archives. Par exemple, on peut analyser les changements liturgiques et la réception du Concile Vatican II dans le canton de Fribourg grâce aux archives.

Le patrimoine architectural et artistique peut être revisité grâce aux archives des bâtiments. La vitalité religieuse, l’action caritative et la sociabilité chez les fidèles sont des éléments d’appréciation d’une sociologie des villages, qu’on peut retrouver dans les archives. L’étude des archives du clergé est une mine d’informations sur la société, parce que les curés prenaient position dans les journaux ou dans leurs sermons. Ils étaient aussi en relation avec les autorités civiles, avec lesquelles ils entretenaient des correspondances dont l’analyse peut montrer les différents sujets de préoccupation des instances publiques et religieuses de l’époque. A ceux-là, il faut ajouter toute l’histoire des ressources, dont la gestion des bénéfices curiaux, ainsi que les archives des registres démographiques ou territoriaux.

Devant autant de richesses historiques qu’il faut préserver, le professeur Python, aussi président de la paroisse d’Arconciel, a lancé un appel aux participants afin qu’ils sollicitent un soutien de l’Etat aux paroisses dans la gestion des archives. Il propose à la CEC et à l’Etat de trouver un accord en vue d’une systématisation et d’un entretien des archives.

Malgré la loi concernant le rapport entre les Eglises et l’Etat (LEE), le canton doit aider les paroisses dans la conservation des patrimoines, qui sont finalement propriété des citoyens et du canton. Alexandre Dafflon, archiviste de l’Etat de Fribourg, a demandé aux délégués des paroisses de s’impliquer, le moment venu, dans la nouvelle loi en consultation sur la protection du patrimoine.

Des expériences à Môtier et à Romont

En fin de matinée, Frédéric Noyer et Stefan Wegmueller ont présenté le classement des archives de la paroisse réformée de Môtier-Vully. Selon les deux historiens, cet exemple montre que les paroisses peuvent réaliser un travail d’archivage correct, avec des moyens modestes et avec l’aide de l’Etat.

Florian Defferrard a parlé de son travail entrepris depuis 2006 dans les archives historiques et à la bibliothèque du clergé de Romont. Ce trésor estimé à environ 300 mètres linéaires comprend des parchemins, des ouvrages rares, des livres pédagogiques, théologiques et scientifiques.

La journée s’est poursuivie par une visite guidée de la collégiale de Romont par François Guex, archéologue et historien, au service des biens culturels du canton de Fribourg.

Vu le succès de cette rencontre, Florian Defferrard espère concrétiser plusieurs pistes, dont la création d’un groupe de réflexion composé de spécialistes et de délégués paroissiaux qui étudiera des questions pratiques liées à la tenue des archives.