Fribourg: Claude Ducarroz et Jean-Marc Richard se racontent en parallèle

Deux personnalités différentes, réunies par leur amour de l’humain

Fribourg, 27 novembre 2013 (Apic) «D’un côté le prêtre, de l’autre l’animateur radio-TV. D’un côté l’homme posé et réfléchi, de l’autre l’homme fantaisiste et superficiel», note Micheline Repond. L’écrivaine fribourgeoise a confronté, dans le livre «Claude Ducarroz, Jean-Marc Richard- Rencontres au cœur de l’humain», qui vient de paraître, les vécus et les opinions des deux personnalités romandes.

Ils sont, selon les mots de l’auteur, la «caricature de deux facettes concurrentes de tout homme…l’être et le paraître». Le trialogue rapporté dans l’ouvrage mène toutefois à découvrir que les deux personnalités se rejoignent finalement sur le moteur de leur action: l’amour de l’humain.

Au printemps 2013, l’auteur, l’animateur et le chanoine ont échangé, l’espace d’une semaine, leur vécu, leurs expériences, leurs convictions, au sein du Foyer de Charité des «Dents du Midi», à Bex, dans le canton de Vaud. Micheline Repond note que les voix de ses invités, «d’abord individuelles, inventent une mélodie commune au fur et à mesure des entretiens».

Le prévôt du chapitre cathédral de Fribourg et l’animateur engagé dans la cause humanitaire passent en revue de nombreux sujets, dévoilant, outre leur expérience personnelle de vie et d’engagement, leurs points de vue sur les grands défis éthiques et moraux du monde contemporain.

Des trajectoires différentes

Ce sont des trajectoires de vie très différentes que révèle le trialogue. Alors que Claude Ducarroz est né dans une famille paysanne «soudée et proche de la terre» d’un petit village fribourgeois, Jean-Marc Richard est issu d’une famille protestante «normale et heureuse» de Lausanne.

Le chanoine explique avoir grandi dans une famille de cinq enfants marquée par quatre décès. «Ainsi, mes racines sont nourries de lumière et d’ombre», souligne-t-il. A cause notamment de la mort de son père, alors qu’il avait deux ans, Claude Ducarroz avoue n’avoir pas grandi dans la «normalité».

L’animateur radio-TV raconte qu’il n’a pas été confronté, durant son enfance, aux difficultés de la vie, et que ses racines à lui sont «superficielles».

L’émergence des vocations

Les deux hommes ont néanmoins eu une enfance marquée par la religion. Une ambiance catholique «assez traditionnelle» a baigné la jeunesse du prêtre. Jean-Marc Richard avait des parents engagés dans les milieux protestants.

Pour les deux personnalités, l’engagement a ainsi trouvé des voies passablement différentes. Claude Ducarroz est entré à l’internat, à Fribourg, à 16 ans. C’est là qu’il a senti «un appel» et a décidé de devenir prêtre.

Le parcours de Jean-Marc Richard est plus chaotique. Suite à une déception amoureuse dans sa jeunesse, il fugue, pour «se révolter contre une forme de normalité». Il ne rentrera jamais chez ses parents. Durant cette période de galère, il consommera de la drogue, sera confronté à des psychiatres. «Après cette cassure, j’ai eu besoin de me sentir utile, dans le monde et dans la société», explique-t-il. C’est alors qu’il découvre sa vocation à valoriser le dialogue entre les gens. «Je me voyais comme un trait d’union entre les mots, entre les maux».

Pas de blessure de ce genre, en revanche, pour expliquer l’engagement du chanoine. «J’ai eu la vocation heureuse, je n’ai pas eu la vocation sacrifiante», relève-t-il.

Racines et ouverture

Les racines n’ont pas joué le même rôle pour les deux hommes. Pour l’animateur, elles l’»étouffent» et lui donne le sentiment «de rester cloué au sol». A l’inverse, les racines du prêtre ne l’ont pas retenu, elles lui ont «plutôt permis de voler». Les deux personnalités s’accordent toutefois sur l’idée que les racines ne doivent pas être «une protection contre le monde» et ne doivent pas empêcher d’aller vers l’autre.

Le livre révèle ici l’un des points communs les plus essentiels entre les deux hommes: le besoin d’entrer en contact avec son prochain, de le connaître, de l’aider.

Claude Ducarroz explique que c’est à la fois son vécu dans une famille nombreuse et solidaire, ainsi que son expérience au sein de la société civile et de l’Eglise qui l’ont mené à servir son prochain. De son côté, Jean-Marc Richard avoue que c’est «la révolte» qui l’a poussé à s’engager pour les autres. «J’avais le sentiment que je ne pouvais pas rester sans rien faire, à regarder le monde et à constater ces injustices».

La nécessité de l’engagement

La nécessité de s’engager pour ses semblables est un thème récurrent du livre. Sur ce point, l’animateur lausannois est souvent critique envers l’Eglise. Il ne comprend notamment pas la démarche des religieux tels que ceux de la Valsainte, qui choisissent de se couper du monde, au lieu d’y agir. Il regrette également que l’Eglise ait été pendant longtemps «très proche du pouvoir conservateur», incompatible selon lui avec la doctrine chrétienne, en particulier sur le point de la justice sociale.

Jean-Marc Richard relève tout de même que «c’est grâce à Claude que je mes suis réconcilié ave l’Eglise…Claude donne la place à l’humain de manière concrète, j’aime cette manière de s’engager».

Des accents prophétiques

Mais le chanoine lui-même, tout en réaffirmant sa fidélité à l’institution, ne cache pas un certain nombre de critiques sur l’Eglise catholique. Il regrette notamment un manque d’engagement social dans la nouvelle génération de prêtres. «Je constate que l’Eglise actuelle ne va pas toujours dans le bon sens, et ça m’inquiète», relève-t-il.

Il faut noter que le trialogue s’est déroulé durant la période de «sede vacante», soit après la démission de Benoît XVI et avant l’élection du pape François. Le chanoine remarque ainsi que le retrait du pontife allemand était une bonne chose et espère que l’élection du nouveau pape est une occasion pour l’Eglise «de retrouver du dynamisme». Dans un souhait à l’accent prophétique, Claude Ducarroz décrit ainsi les qualités que le nouveau pape devrait avoir: «J’aimerais un homme dynamique, qui ne commence pas fatigué. Il faudrait un homme qui connaisse le monde…qui ait une connaissance de la réalité par contacts, par partage, par compassion. Et bien sûr, un homme qui porte en lui les valeurs évangéliques, afin de faire la promotion du Christ…Il faudrait aussi un pape qui offre aux autres Eglises catholiques- d’Afrique, d’Amérique latine- la place qui leur convient. Je verrais presque un gouvernement collégial et décentralisé…Je souhaite une équipe avec un président qui serait l’évêque de Rome, qui ferait confiance à son peuple. Je rêve d’un virage qui pourrait faire avancer l’œcuménisme et nous mettrait davantage les uns avec les autres.»

Une conviction commune

Au fil du livre, le prêtre et l’animateur s’opposent et se rejoignent sur de nombreuses autres questions brûlantes du monde contemporains, telles que la société de consommation, la politique, l’éducation, la mort ou la place de l’apparence dans la société. Comme le note l’auteur, au fur et à mesure des entretiens, se révèle, chez ces deux hommes en apparence si différents, une vision analogue de l’homme «et la conviction qu’améliorer les conditions de vie de chaque être humain, et en particulier celle des enfants, n’est pas une utopie».

Référence: «Claude Ducarroz, Jean-Marc Richard- Rencontres au cœur de l’humain», 2013, Micheline Repond, aux Editions de la Sarine.

Encadré

Les intervenants

Micheline Repond est licenciée en lettres à l’Université de Fribourg, elle enseigne la littérature française au Collège du Sud à Bulle, depuis plusieurs années. Elle est engagée dans des activités liées à la relation d’aide comme médiatrice scolaire et formatrice à l’association «Vivre avec la mort». Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages, tous parus aux Editions de la Sarine.

Claude Ducarroz est né en 1939 dans une famille de paysans fribourgeois. Ordonné prêtre en 1965, il a accompli ses études théologiques à Fribourg, Rome, Munich et Paris. Il est actuellement prévôt du chapitre cathédral, à Fribourg. Il est connu pour ses engagements œcuméniques, sa sensibilité aux problèmes de société et ses interventions dans les médias. Il est l’auteur de nombreux ouvrages qui mêlent spiritualité et pastorale.

Jean-Marc Richard est né à Lausanne en 1960. Animateur et producteur à la Radio Télévision Suisse (RTS), il s’engage depuis de nombreuses années pour des causes qui lui tiennent à cœur, notamment auprès de la Chaîne du Bonheur. Actif au soutien et à la promotion des «Droits de l’enfant», tant en Suisse qu’à l’étranger, sur des terrains d’interventions, il a été promu «Ambassadeur des droits de l’enfant», en 2006. (apic/rz)

27 novembre 2013 | 17:04
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 6  min.
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