La cause des femmes dans l'Église connaît un désaveu avec la position négative de la commission sur le diaconat féminin du Vatican | photo: à la grève des femmes de 2019 © Bernard Hallet
Vatican

Diaconat féminin: un 'non' qui n’est pas un 'niet'

La commission du Vatican instituée par le pape François dit ‘non’ au diaconat féminin en tant que premier degré du sacrement de l’ordre. Elle considère néanmoins que ce jugement n’est pas forcément définitif et invite à explorer d’autres voies.

Les résultats des travaux de la deuxième Commission d’étude instituée par le pape François sur l’accès des femmes au diaconat ont été rendus publics le 4 décembre 2025. Le texte de huit pages, rédigé par le cardinal Giuseppe Petrocchi, arrive à la conclusion que «le statu quo concernant la recherche historique et l’enquête théologique, considérées dans leurs implications mutuelles, exclut la possibilité d’avancer dans le sens de l’admission des femmes au diaconat compris comme un degré du sacrement de l’ordre. À la lumière de l’Écriture Sainte, de la Tradition et du Magistère ecclésiastique, cette évaluation est forte, même si elle ne permet pas à ce jour de formuler un jugement définitif, comme dans le cas de l’ordination sacerdotale». 

Deux écoles opposées

Faisant le point sur l’état des débats, le président de la commission vaticane décrit deux écoles théologiques opposées sur le diaconat en général: l’une affirme que l’ordination du diacre est ad ministerium (orienté vers un ministère, c-à-d un service dans l’Église) et non ad sacerdotium (lié au sacerdoce), ce qui ouvrirait la voie à l’ordination de diaconesses. L’autre «met l’accent sur l’unité du sacrement de l’Ordre», estimant que si l’admission des femmes au diaconat était approuvée, il serait «inexplicable» qu’elles ne puissent pas accéder aux autres dimensions de l’ordination, à savoir prêtre ou évêque.

Le rapport résume les arguments pour et contre. Les partisans soutiennent que la tradition catholique et orthodoxe de réserver l’ordination (diaconale, presbytérale et épiscopale) aux seuls hommes semble contredire «l’égalité entre l’homme et la femme à l’image de Dieu», «l’égale dignité des deux sexes, fondée sur ce principe biblique»; la déclaration de foi selon laquelle «il n’y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni libre, ni homme ni femme, car vous êtes tous «un» en Jésus-Christ» (Galates 3,28); le développement social «qui prévoit un accès égal, pour les deux sexes, à toutes les fonctions institutionnelles et opérationnelles».

Une commission partagée

Du coté des soutiens à la doctrine traditionnelle on avance que «la masculinité du Christ, et donc la masculinité de ceux qui reçoivent l’ordre, n’est pas accidentelle, mais fait partie intégrante de l’identité sacramentelle, préservant l’ordre divin du salut en Christ. Modifier cette réalité ne serait pas un simple ajustement du ministère, mais une rupture avec la signification nuptiale du salut». Ce paragraphe a été soumis au vote et a obtenu cinq voix favorables à la confirmation de cette formulation, tandis que les cinq autres membres ont voté pour le supprimer.

Au vote, deux voix se sont prononcé en faveur d’un diaconat féminin ordonné contre six et deux abstentions. Lors d’un second vote, quatre voix s’y sont opposé «pour le moment», sans exclure de possibles «évolutions» à l’avenir, et quatre mettent leur veto à un quelconque changement.

Élargir l’accès des femmes aux ministères institués

Par contre, avec neuf voix pour et une contre,la commission a exprimé le souhait d’élargir «l’accès des femmes aux ministères institués pour le service de la communauté (…) assurant ainsi également une reconnaissance ecclésiale adéquate à la diaconie des baptisés, en particulier des femmes. Cette reconnaissance sera un signe prophétique, en particulier là où les femmes souffrent encore de situations de discrimination sexuelle».

Le cardinal Giuseppe Petrocchi et le pape François, ici en 2022. La commission Petrocchi a tranché: c’est non au diaconat féminin | © Vatican media

Pas un équivalent du diaconat masculin

Sur le plan de la recherche historique, deux approches concernant la nature de l’ordination de ces femmes aux premiers siècles s’opposaient. La première estime que les diaconesses étaient ordonnées par imposition des mains et que ce rituel revêtait bien une dimension sacramentelle. La deuxième considère  que le diaconat féminin n’a jamais pu être l’équivalent du diaconat masculin, qu’il n’était pas un sacrement, mais une sorte de ministère institué – comme le sont aujourd’hui les ministères de catéchiste ou de lecteur ouverts aux laïcs hommes et femmes.

Tout en relevant que «la perspective purement historique ne permet pas d’atteindre une certitude définitive» sur la réalité des premiers siècles, le cardinal Petrocchi indique que de façon «unanime», les experts affirment que selon l’état actuel des recherches, le diaconat féminin dans l’histoire «n’a pas été conçu comme le simple équivalent du diaconat masculin et ne semble pas avoir revêtu un caractère sacramentel»

Maintenir une approche prudente

Pour le cardinal Petrocchi «l’absence de convergence sur des polarités doctrinales et pastorales fondamentales», motive «le maintien d’une ligne d’évaluation prudente sur la question du diaconat des femmes». Il envisage la nécessité d’enquêtes et «de nouveaux approfondissements théologiques et pastoraux», notamment pour éclaircir la spécificité du diaconat en lui-même. Les activités des diacres, observe-t-il, coïncident souvent avec les rôles des ministères laïcs, et cela suscite des «interrogations». En conclusion, il rappelle enfin que «la décision finale» sur ce dossier revient «au magistère de l’Église» – c’est-à-dire le pape et les évêques. 

Les réserves du pape François

La possibilité d’un diaconat féminin a été l’une des questions souvent débattue durant le pontificat du pape François. Le pontife argentin a institué en 2016 une première commission pour étudier la nature des «diaconesses» qui existaient aux premiers siècles de l’Église catholique. En 2019, il a estimé que le résultat des travaux – non publiés – n’était «pas extraordinaire», relevant qu’il n’y avait pas d’unanimité entre les membres de la commission. En 2020, il a décidé l’ouverture d’une seconde commission d’étude, qui s’est réunie pour la dernière fois en février 2025, deux mois avant la mort du pape.

Le pape François a toujours exprimé, de façon personnelle, ses réserves sur le diaconat féminin. Dans son exhortation apostolique Querida Amazonia en 2020 – reprenant les travaux du Synode sur l’Amazonie –, François n’a pas retenu l’idée de l’ordination diaconale de femmes avancée par des pères synodaux. En mai 2024, il a de nouveau écarté cette possibilité dans un entretien à la chaîne américaine CBS. 

Léon XIV disposé à l’écoute

Dans le premier entretien de son pontificat avec la journaliste Elise Ann Allen, Léon XIV reconnaissait que la question était «sensible » et déclarait qu’il n’avait « pas l’intention de modifier l’enseignement de l’Église sur ce point », du moins pas « pour le moment ». Le pontife américain estimait qu’il existait « des questions préalables » à se poser, citant la méconnaissance du diaconat permanent – réservé aux hommes – dans certaines parties du monde ou encore le risque de « cléricaliser » les femmes. 

En revanche, Léon XIV se disait « disposé à continuer à écouter les personnes » sur ce sujet, qui a parcouru ces dernières années le Synode sur la synodalité, ouvert en 2021 pour réfléchir à l’avenir de l’Église. Le document final de l’assemblée en 2024 assurait que cette question «reste ouverte » et demandait de «poursuivre le discernement à cet égard». Ces quelques lignes ont suscité de vifs débats, avec 97 oppositions exprimées lors du vote – sur 356 membres.  (cath.ch/imedia/vaticannews/mp)

Cinq femmes dans la commission
La commission de onze membres comptait cinq femmes : la théologienne suisse Barbara Hallensleben, la théologienne française Anne-Marie Pelletier, la théologienne américaine Catherine Brown Tkacz, la philosophe anglaise Caroline Farey, théologienne italienne Rosalba Manes. Les membres masculins étaient, outre le cardinal Petrocchi, les diacres américains Dominic Cerrato et James Keating, le théologien allemand Manfred Hauke, l’Italien Mgr Angelo Lameri. Le prêtre espagnol Santiago del Cura Elena, qui faisait aussi partie de la commission, est décédé en 2022. AK

La cause des femmes dans l'Église connaît un désaveu avec la position négative de la commission sur le diaconat féminin du Vatican | photo: à la grève des femmes de 2019 © Bernard Hallet
4 décembre 2025 | 17:21
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 5  min.
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