France: déclaration de la Conférence épiscopale

DOCUMENT APIC (091188)

française sur le bicentenaire de la Révolution

Le document suivant contient le texte intégral de la déclaration publiée

par les évêques français à l’occasion du bicentenaire de la Révolution

française de 1789.

Paris, 9novembre(APIC) En 1989, notre pays va solenniser le deuxième centenaire de la Révolution française. Un peuple, comme un homme, se doit pour

rester lui-même de garder vivante la mémoire de tout ce qui l’a constitué.

Les catholiques français auront à vivre ce temps exceptionnel du souvenir,

et à y prendre leur part.

La Révolution fut une grave épreuve pour l’Eglise de France: elle divisa

le clergé et les fidèles. Beaucoup voulurent demeurer catholiques en sauvegardant la pleine communion avec le pape. Car cette communion garantit la

liberté spirituelle de l’Eglise à l’égard de tout pouvoir temporel. Ils furent persécutés et durent témoigner jusqu’au sang; certains sont aujourd’hui honorés comme martyrs. D’autres, véritables confesseurs de la

foi, offrirent leur vie aux heures les plus sombres ou l’on tentait de

déchristianiser la France. Ils ont célébré les sacrements et soutenu le refus, par la majorité de la population, de cette politique antireligieuse.

D’autres, enfin, luttèrent pour que, malgré tout, dans cette société qui

se mettait en place, le droit de croire et de servir leur Dieu soit reconnu. Nous ne pouvons qu’être solidaires de ces aînés dans la foi.

Le pape Jean Paul II nous rappelait, il y a 8 ans, lors de son premier

voyage pastoral en France: «Que n’ont pas fait les fils et les filles de

votre nation pour la connaissance de l’homme, pour exprimer l’homme par la

formulation de ses droits inaliénables! On sait la place que l’idée de liberté, d’égalité et de fraternité tient dans votre culture, dans votre histoire. Au fond, ce sont là des idées chrétiennes. Je le dis tout en ayant

bien conscience que ceux qui ont formulé ainsi les premiers cet idéal ne se

référaient pas à l’alliance de l’homme avec la sagesse éternelle. Mais ils

voulaient agir pour l’homme».

Il y a quelques jours, il s’adressait au Conseil de l’Europe. Parlant de

«la dignité de la personne qui demeure une valeur essentielle, même chez

ceux qui n’adhèrent pas à une foi religieuse», Jean Paul II ajoutait:

«C’est l’honneur des démocraties de rechercher une organisation de la société telle que la personne soit non seulement respectée, mais qu’elle participe à l’oeuvre commune en exerçant une volonté libre». Devant la Cour

européennes des droits de l’homme, le pape évoquait la maturation du concept des droits de l’homme, remarquant qu’il englobe aujourd’hui «l’ensemble des valeurs sous-jacentes…appelées à juste titre le ’patrimoine

commun’ d’idéaux et de principes des nations de l’Europe». Il ajoutait:

«L’engagement de l’Eglise dans ce domaine correspond pleinement à sa mission morale et religieuse. L’Eglise défend vigoureusement les droits de

l’homme parce qu’elle considère qu’ils sont une partie indispensable de la

reconnaissance obligée de la dignité de la personne humaine qui a été créée

à l’image de Dieu et rachetée par le Christ».

1789 et sa Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ont développé

les conditions d’une société responsable qui demeure un objectif pour notre

génération et les chrétiens d’aujourd’hui.

Cela n’empêche pas de garder conscience que, comme à toute heure de

l’histoire, bien des paroles et des actes furent injustes, même si le bon

fut parfois mêlé au mauvais et que, plus qu’en d’autres temps, beaucoup furent tentés d’absolutiser, de sacraliser leurs choix et de condamner des

personnes sans appel. Mais, deux siècles écoulés, il est plus aisé d’échapper à ces excès, en discernant le positif de l’héritage lié à l’époque de

la Révolution, facteur déterminant de ce qu’est la France moderne, référence pour tant de nations à travers le monde.

Nous nous réunirons à Notre Dame de Paris, au début de l’été 1989. Nous

commémorerons ces journées ou, par ses représentants, dont un grand nombre

appartenant au clergé, un peuple exprimait son consentement à vivre ensemble en se donnant comme objectif particulier le respect de l’homme.

Catholiques de France, appelés par notre foi à vivre en communion et à faire grandir l’unité de tous les hommes, nous nous reconnaissons dans cette

volonté commune et nous demandons à Dieu le courage de l’accomplir.

Par la prière, nous nous garderons de tout ressentiment, nous demanderons la grâce du pardon mutuel, confiant à Dieu tous les acteurs de cette

histoire. Nous demanderons que leur soit accordé le meilleur de ce qu’ils

recherchaient au milieu des tumultes de leur temps et que, s’il y a lieu,

leur soient pardonnés défaillances, fautes et crimes. Nous sommes les disciples du Christ qui a prié pour ses apôtres et pour ses bourreaux; mais

nous ne pouvons devant Dieu faire mémoire de cette période en rejetant qui

que ce soit.

Bien des anniversaires suivront qui ne pourront pas évoquer semblable

unanimité: il reviendra alors à chacun de déterminer la forme de sa participation. Demeurera notre commune volonté de servir nos frères, sans exception aucune, et de ne rappeler le passé que pour ouvrir un avenir.

La Conférence des évêques de France

9 novembre 1988 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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