Dom Helder Camara fête son 80e anniversaire (060289)
«Un homme juste dans un monde égaré»
Fribourg, 6février(APIC) Figure légendaire du Brésil et de l’Eglise en
cette seconde moitié du XXe siècle, surnommé l’»apôtre des pauvres», la
«voix des sans-voix» ou encore l’»avocat du tiers-monde», Dom Helder Camara, archevêque émérite d’Olinda et Recife, fête mardi 7 février son 80e anniversaire. Celui qui s’était vu refuser le prix Nobel de la Paix, mais à
qui sera attribué en 1980 le «Prix populaire de la Paix» créé spécialement
pour lui, se verra décerner le titre de docteur honoris causa de la Faculté
de théologie de l’Université de Fribourg le 15 juillet 1971. Titre que lui
accordera la Sorbonne 4 ans plus tard.
Né le 7 février 1909 d’une mère institutrice et d’un père franc-maçon du
Nordeste brésilien, Dom Helder Camara est ordonné prêtre le 15 août 1931.
Il est âgé de 22 ans. En 1955, Dom Helder devient évêque auxiliaire de Rio
de Janeiro et, trois ans plus tard, secrétaire de la Conférence des évêques
du Brésil. A Rio, le jeune évêque n’ignore pas l’existence des tristes favelas. A la faveur du Congrès eucharistique international qui se tient en
1955 à Rio, il tente de lancer la Croisade de Saint-Sébastien, mouvement
dont l’objectif est de construire des logements pour les sans-abri. Il découvre l’immensité du problème de la misère due à l’exode rural: ce qu’il
faut changer, ce sont les structures injustes, procéder à une réforme
agraire.
En 1964, il est nommé archevêque d’Olinda et Récife au moment même ou
survient le coup d’Etat militaire. L’attitude de la hiérarchie, face à
l’Etat policier, à la torture, aux enlèvements et à l’arbitraire, n’est pas
homogène: cependant que des religieux dominicains sont arrêtés, torturés et
acculés au suicide, on pourra voir cinq cardinaux à côté du président de la
République. «Nous prêchions un christianisme trop passif: la patience,
l’obéissance, l’acceptation des souffrances en union avec les souffrances
du Christ… De grandes vertus, sans doute, mais qui, dans le contexte,
faisaient le jeu de l’oppresseur», dira-t-il.
En 1970, Dom Helder Camara prononce une conférence retentissante à Paris. Il dénonce haut et fort non son pays mais la torture. La propagande
officielle s’empare alors de l’événement. Désormais l’archevêque de Récife
devient pour ses détracteurs «l’évêque rouge». Une campagne de diffamation
est orchestrée dans la presse brésilienne. On ne lui accordera pas une
ligne ni une minute d’antenne pour assurer sa défense. Dom Helder devient
la cible privilégiée du régime. On le harcèle, le menace et crible ses murs
de balles. De peur de soulever l’indignation populaire en s’en prenant directement à lui, le régime le visera à travers son secrétaire. le Père Antonio Peirera Neto. Dom Helder s’écriera lors de ses funérailles: Nous jurons fidélité à la lutte pour la libération matérielle et spirituelle de
notre peuple». Ni capitalisme ni marxisme, mais «solidarisme», aimait-il à
rappeler. Son élan évangélique se trouve frappé de plein fouet par l’avènement des militaires. Au risque de sa vie, il tient tête à la dictature militaire.
Dom Helder Camara: un homme de la race du Mahatma Gandhi ou de Martin
Luther King qui faillit plusieurs fois partager leur destin. Pour marquer
son 80e anniversaire, Jean Toulat lui consacre son 26e livre. Et les hommages les plus nombreux se multiplient, dont celui paru dans le quotidien
catholique français «La Croix»: «Quand la ’voix des sans-voix’, l’’avocat
du tiers-monde’ prend la parole, l’ardeur de l’Evangile éclaire son visage
et met en mouvement le moulinet de ses mains et son bras jeté en avant.
L’index tendu prend le ciel à témoin. Est-ce un homme égaré dans notre
monde injuste qui parle? plutôt un homme juste dans un monde égaré».
(apic/ei/cx/pr)