ÉcoÉglise: la basilique Notre-Dame de Genève a son champion
Ancien directeur général de l’Office cantonal de l’environnement de Genève, Daniel Chambaz a consacré sa vie professionnelle à la cause environnementale. Aujourd’hui il met son expertise au service de la basilique Notre-Dame de Genève. Depuis mi-2024, celle-ci est engagée dans le réseau ÉcoÉglise et elle vient de remporter son certificat de niveau bronze, première étape sur ce cheminement exigeant.
En décidant d’adhérer à ÉcoÉglise, le réseau œcuménique romand pour le soin de la Création, la paroisse Notre-Dame de Genève a entrepris un ouvrage de longue haleine. À la tête de cette initiative, on trouve Daniel Chambaz, 66 ans, un chimiste passionné de la cause environnementale (voir encadré), directeur général de l’Office cantonal de l’environnement de Genève durant 15 ans.
Autant dire que la paroisse Notre-Dame bénéficie du soutien bénévole d’un véritable expert pour entreprendre sa transition écologique! L’homme vit dans la campagne genevoise, à Russin, mais il a adopté Notre-Dame comme paroisse, car elle propose des «homélies nourrissantes» et de la belle musique sacrée, «une bonne mise en condition de l’âme pour recevoir la parole et ensuite la communion».
Laudato si’, un engagement pastoral
Daniel Chambaz était l’un des intervenants de la rencontre œcuménique Laudato si’: 10 ans après, regards genevois, initiée par l’Église catholique à Genève, le 2 octobre 2025. Il y a présenté les obstacles à surmonter et les mesures concrètes mises en place depuis plus d’un an à la basilique Notre-Dame de Genève pour répondre à l’exigence de «conversion» écologique formulée par le pape François dans son encyclique.
«L’écologie m’a tout de suite rattrapé»
Contacté par une personne relais entre ÉcoÉglise et les paroisses genevoises, il s’enthousiasme pour le projet. «L’écologie m’a tout de suite rattrapé.» Il n’a aucun mal à convaincre à son tour l’abbé Pascal Desthieux, recteur de la basilique depuis 2022, à engager la paroisse dans la méthode d’action proposée par le réseau œcuménique. C’est ainsi qu’est lancé, en août 2024, un appel pour constituer un groupe de bénévoles ÉcoÉglise à la basilique. Une équipe de cinq personnes, incluant Daniel Chambaz, est rapidement constituée. Au final, tout le personnel de la paroisse, les prêtres et le conseil de paroisse sont devenus partie prenante du processus, gage de son succès.
Un engagement d’abord spirituel
«Le réseau ÉcoÉglise, dont nous appliquons la méthode selon nos possibles, met de nombreux outils à disposition des paroisses désireuses de s’engager pour la sauvegarde de la Création et de motiver leurs troupes en ce sens», constate le spécialiste. Une méthode qu’il juge très pertinente et pleine de sens.
Ses mesures concernent cinq domaines d’actions. Le premier, ›célébrations et enseignement’, insère l’écologie dans la vie spirituelle des paroissiens. Un volet essentiel aux yeux de l’ancien directeur genevois de l’environnement.
«On peut bien sûr se contenter de dire aux paroissiens de faire quelques petits gestes écologiques, comme trier leurs déchets. Ce faisant, nous ne serions qu’une voix parmi les autres, dont celle des autorités politiques, et nous risquons de les exaspérer. L’Église doit élargir la vision, en plaçant cette question matérielle sous l’angle du sacré et de la responsabilité spirituelle qui y est associée. Elle doit rappeler que la Création ne nous appartient pas. Que nous ne sommes pas là pour en abuser mais pour la préserver.»
«Cela donne un sens au tout», affirme-t-il encore. Respecter la Création pour Dieu, c’est fondamentalement différent que de le faire juste pour assurer nos conditions de vie ou celles de nos enfants, argumente le chimiste. «Cela aide à dépasser les découragements, la paresse et les prévisions catastrophiques. Sans cette approche, ce serait difficile pour moi de rester dans l’espérance!»
Un apprentissage pour l’Église
Une première difficulté pour une paroisse qui veut s’engager sur ce chemin, explique Daniel Chambaz, réside dans le fait que tout cela est encore très neuf pour l’Église. «Pendant 2000 ans, elle n’a pas parlé d’écologie!» Elle doit donc elle-même apprendre ce nouveau langage.
Comment les prêtres peuvent-ils aborder cette problématique dans leur homélie? Comment en parler aux enfants durant le catéchisme? Quels chants, quelles intentions de prières appropriés peut-on intégrer aux liturgies? Et comment sensibiliser et motiver au mieux les paroissiens? Ce questionnement occupe en grande partie l’équipe de bénévoles ÉcoÉglise de la basilique genevoise.
Elle propose tous les quinze jours une demi-page ‘ÉcoÉglise’ dans le feuillet dominical de la basilique (accessible aussi en ligne sur le site de la paroisse, sous un nouvel onglet EcoEglise.). Un enjeu environnemental y est présenté, associé à des actions concrètes pour le réaliser, comme modérer sa consommation, et à des citations bibliques ou spirituelles pour les argumenter.
«Le dernier feuillet a été consacré à l’usage de la voiture. Il m’a donné du fil à retordre», s’exclame Daniel Chambaz. Mais le résultat est fort sympathique. «Jésus est entré à Jérusalem sur un ânon, y lit-on. Tout le contraire du cheval, symbole de richesse et de puissance (…) Nos ânes d’aujourd’hui sont la marche, le vélo et les transports publics.»
La messe pour la Création
Comme toutes les paroisses du monde, Notre-Dame de Genève bénéficie en la matière d’un tuteur de choix, le Vatican lui-même. Le dimanche 31 août, pour célébrer la Journée de prière pour la Sauvegarde de la création instaurée par le pape François (qui ouvre le temps de la Création du 1er septembre au 4 octobre), la basilique Notre-Dame a fait sa première messe entièrement dédiée à la Création. Elle a suivi pour ce faire le nouveau formulaire intégré au Missel romain, publié par le Vatican le 3 juillet 2025. « Léon XIV lui-même a célébré pour la première fois cette messe pour la sauvegarde de la Création le 9 juillet, à Castel Gandolfo», remarque Daniel Chambaz.
Dans son homélie prononcée à cette occasion, et axée sur l’humilité, l’abbé Pascal Desthieux a souligné: «L’humilité vient de humus, la terre: il s’agit de reconnaître que nous venons de la terre. Que nos corps sont constitués essentiellement d’eau et de différentes matières terrestres. Voilà qui nous invite à respecter plus profondément cette terre d’où nous venons et qui nous abrite le temps de notre vie avant de laisser la place à d’autres.»
Une pléthore de mesures matérielles
D’autres mesures écologiques, d’ordre matériel, ont été prises par la paroisse. Elles rejoignent les autres volets d’actions préconisés par ÉcoÉglise (‘Batiment’, ‘Terrain’, ‘Engagement local’). Mesures d’économie d’eau et d’énergie, produits de nettoyage écoresponsables, tri des déchets, lumignons écolos constitués de bougeoirs en verre et de récupérateur de cire, achats de viandes labellisées pour le bien-être des animaux, plantation de deux magnolias avec le soutien de la Ville de Genève sur le terrain de la paroisse jouxtant la basilique…
Sont déjà prévus un gazon fleuri pour favoriser la biodiversité des insectes et l’achat pour la sacristie d’un lave-vaisselle de type bistro, ultra performant sur le plan écologique, pour faciliter l’usage de la vaisselle non jetable lors des manifestations. «À l’issue de la messe pour la Création, nous avons reçu notre diplôme ÉcoÉglise. Nous l’avons fêté avec les nouveaux verres sur pied en verre que nous venions d’acheter», illustre Daniel Chambaz.
Prochain objectif, la médaille d’argent
Beaucoup reste néanmoins à faire pour devenir une paroisse exemplaire sur le plan écologique, note-t-il. «Pour l’instant, nous ne remplissons que 25% des critères d’ÉcoÉglise. Arriver aux 50%, et donc au niveau argent, dans chacun des domaines d’action, va être plus difficile et plus coûteux. L’immeuble où se trouve la cure et qui appartient à la paroisse, par exemple, est le seul du quartier à ne pas avoir de stores ou de volets. Il faudra sans doute les installer à chaque appartement pour éviter que les locataires fassent usage de climatisation.» Il faudra aussi développer plus de liens avec la société civile, comme le demande ÉcoÉglise. Là encore Daniel Chambaz ne manque pas d’idées, comme une future participation au festival Alternatiba, un mouvement citoyen axé sur le développement durable. À n’en pas douter, «il faudra mouiller un peu plus son maillot». (cath.ch/lb)
Daniel Chambaz, bio express
Chimiste de formation, Daniel Chambaz a dédié sa vie professionnelle à la cause environnementale. Une urgence à agir qu’il découvre durant ses études, 45 ans plus tôt, quand il prend conscience des pollutions engendrées par les activités humaines, et des limites des capacités de guérison de la Terre: «À l’époque, se souvient-il, les eaux naturelles étaient gravement contaminées à Genève par les résidus de l’industrie chimique, comme ceux de Givaudan ou Firmeinich, et on analysait les traces qu’ils y laissaient.»
Après sept ans à Berne, en tant que chargé des questions d’incinération à la division des déchets de l’Office fédéral de l’environnement, Daniel Chambaz retourne en 1997 à Genève pour travailler dans le département chargé de l’environnement et de l’énergie dirigé par Robert Cramer. L’écologiste vient de prendre la tête du Département et il a fait de la gestion des déchets l’une de ses priorités.
Daniel Chambaz devient rapidement directeur du service cantonal de gestion des déchets. L’un des piliers de son activité est de faire trier les Genevois. Objectif réussi. «Aujourd’hui, sans taxe poubelle, on est à un peu plus de 50% des déchets triés dans le canton, autant qu’ailleurs.» Huit ans plus tard, il prend la tête de l’Office cantonal de l’environnement de Genève, poste qu’il occupera jusqu’à sa pré-retraite.
La gestion des déchets, fait-il remarquer, est fondamentale au niveau environnemental car elle touche toutes les activités de la société. «Ce n’est pas juste une question de poubelle. Cela touche aussi les questions alimentaires, les ressources en tous genres, la pollution des sols et des eaux…» LB