Costa Rica: Pablo Richard, un théologien de la libération au contact des gens de la rue

«Ecouter, toucher, aimer les plus pauvres»

San José, 26 mars 2014 (Apic) Pablo Richard, théologien chilien de la Libération et éminent bibliste, vit au Costa Rica depuis 1978. Il continue, à 74 ans, de nourrir sa réflexion spirituelle au contact des gens de la rue.

C’est un rituel. Deux dimanche par mois, à sept heures du matin, Pablo Richard, se rend à ‘La Carpa’ (La Douloureuse), au centre de San José, la capitale du Costa Rica. ‘La Carpa’ est une tente que nous dressons au beau milieu du square, face à l’Eglise, explique le théologien chilien, considéré comme l’un des plus éminents biblistes et théologiens de la Libération du continent latino américain. «Ici, nous servons à une soixantaine de sans-abris le ‘gallo pinto’, le plat de base du pays, composé de riz et de haricots. C’est surtout l’occasion de créer un lien social et spirituel avec ces personnes qui sont rejetées de tous, y compris de l’Eglise locale», explique-t-il.

« Je ne rencontre pas Dieu à l’Eglise »

Pour rien au monde Pablo Richard ne raterait ces moments où il est en contact direct avec des gens de la rue, y compris des prostituées et des travestis, dont une grande partie ont le SIDA. «Les écouter, les toucher et les aimer. Voilà ce que je m’efforce de faire quand je viens à ‘la Carpa’». Le plaisir est manifestement réciproque lorsque l’on voit ces hommes et ces femmes, abîmées par des années de rue et d’excès, lui donner l’accolade et le gratifier d’affectueux «Padrecito» (Petit Père). Ces démonstrations de tendresse touchent d’autant plus cet homme, ordonné prêtre en mars 1967, que ce dernier n’est pas vraiment un visiteur assidu des églises. « Je ne rentre quasiment jamais dans une église, car je n’y rencontre pas Dieu, assure t il. Dans la rue par contre, dans les regards de ces hommes et femmes, je sens toujours la présence de Jésus. »

Au contact des malades du Sida

Cette présence de Jésus, Pablo Richard la perçoit aussi au Foyer de l’Espérance, situé dans les quartiers sud de la capitale de cet état d’Amérique Centrale. Ce centre accueille et héberge des personnes séropositives ou déjà malades du SIDA, explique Orlando Navarro, son fondateur, ordonné prêtre lui aussi, mais qui, comme Pablo Richard, préfère oeuvrer dans la rue ou avec les gens de la rue. Le foyer a été créé en 2001 par le biais de Humanitas, une ONG regroupant des professionnels de différents domaines, ayant plus de vingt ans d’expérience dans le secteur social. L’objectif est d’accompagner les minorités actives à la recherche de transformation de leur souffrance sociale.

Pénélope, 38 ans, travesti aux cheveux blonds, est l’une des pensionnaires du Foyer de l’Espérance. «J’ai été élevée par ma grand-mère, explique t elle. Je n’ai jamais connu mon père. Au départ ma mère m’a confiée à une autre personne, mais ma grand-mère a finalement obtenu ma garde». Bonne élève jusqu’au collège, Pénélope a commencé à fumer du crack vers l’âge de 15 ans et à se prostituer . «La chute a été rapide et violente, admet elle. Après des années de vie où j’ai multiplié les excès, j’ai appris l’existence du Foyer par une amie travestie. Je m’y suis rendue. J’y ai été accueillie et j’ai accepté de faire un test qui a révélé ma séropositivité».

« Je ne crois pas en Dieu. Mais je sais que Dieu croit en moi »

Il existe de nombreuses histoires comme celle de Pénélope, précise Pablo Richard. «Ce qui est émouvant, c’est de voir, malgré les épreuves traversées et les tourments de l’existence, comment ces personnes parlent de la présence de Dieu. Pénélope, par exemple, m’a confié qu’elle remerciait Dieu tous les jours parce qu’elle pouvait marcher, se déplacer. Elle m’a dit aussi que toutes les nuits, elle prenait la Bible, lisait un psaume et priait, en gardant la Bible serrée très fort contre elle pour dormir. Une autre m’a confiée un jour qu’elle ne croyait pas en Dieu, mais qu’elle sentait que Dieu croyait en elle. Et c’est ce qui lui permettait de vivre ».

« Les pauvres ne sont pas des objets de miséricorde »

Pour Pablo Richard, cette recherche de spiritualité de la part des gens qui vivent dans la rue, malades du SIDA, usagers de drogues, prostitués, etc… est un point fondamental. « Ce ne sont pas des indigents, des mendiants ou des exclus, martèle le théologien. Ce ne sont pas uniquement des objets de miséricorde. La société cherche encore trop souvent à les nier, à les rendre invisibles, à les considérer comme des déchets ou des gens dangereux, alors que ces personnes ont une identité intime et personnelle. Entrer dans ce monde est possible seulement si nous sommes vraiment avec eux, si nous nous ouvrons à eux, si nous les écoutons sans jugement. Avec pas seulement l’option pour les pauvres, mais la volonté d’être vraiment avec eux». (apic/jcg/rz)

26 mars 2014 | 10:24
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
Partagez!