«Eglisi» fait le point sur la liberté religieuse en Europe (050193)

Mauvaises notes pour la Grèce et la Turquie

Bruxelles, 5janvier(APIC) La liberté religieuse a fait l’an dernier des

progrès significatifs dans les pays d’Europe centrale et orientale, indique

l’organisation belge de défense de la liberté de religion et de conviction

«Eglisi» dans son rapport sur «La liberté religieuse en Europe en 1992» publié en Belgique. «Eglisi» attribue cependant de mauvaises notes à la Grèce

et à la Turquie. L’organisation appelle par conséquent les Européens à réagir pour faire cesser les discriminations envers les personnes non orthodoxes en Grèce et pour sauvegarder les droits et les libertés des minorités

chrétiennes en Turquie.

Depuis la chute du Mur de Berlin en 1989 et l’effondrement du communisme

dans les pays d’Europe centrale et orientale, la liberté religieuse a enregistré des progrès rapides et considérables, constate «Eglisi» dans son

nouveau rapport. De nouvelles Constitutions ont été élaborées qui respectent dans leur esprit la liberté de religion et de conviction, mettant fin

à l’idéologie athée, professée et véhiculée officiellement par l’Etat et en

terminant avec les ingérences institutionnalisées de l’Etat dans les affaires des Eglises. «Quelques Etats, politiquement très instables ou ayant une

religion dominante, ont toutefois des difficultés à assurer le plein exercice de la liberté religieuse à leurs citoyens et à leurs minorités», peuton lire en préambule du rapport.

C.E.I

Dans les Etats de l’ancienne Union soviétique (C.E.I), de nouveaux problèmes sont apparus à cause notamment des tensions interreligieuses ou des

conflits interethniques à connotation religieuse plus ou moins marquée.

C’est le cas entre les Azéris musulmans et les Arméniens chrétiens dans le

Haut-Karabakh. Lors de son accession à l’indépendance en 1990, l’Arménie

s’est dotée d’une Constitution garantissant une pleine liberté à toutes les

Eglises, relève «Eglisi», malgré l’opposition de l’Eglise orthodoxe arménienne, motivée par l’expansion des baptistes, des évangéliques et des pentecôtistes.

En Géorgie, la guerre civile aggrave une situation religieuse très confuse. L’Eglise orthodoxe géorgienne a tenté, à plusieurs reprises, d’user

de son influence auprès des nouvelles autorités de l’Etat pour limiter la

liberté d’action des Eglises protestantes et elle semble entretenir un climat hostile à l’égard des «hérétiques», juge le rapport d’»Eglisi»: obstacles à l’acquisition de terrain à bâtir, autorisation préalable à toute publication de littérature baptiste, agressions contre les biens et les personnes de certains protestants.

Ex-Yougoslavie

Quant à l’ex-Yougoslavie, «Eglisi» souligne que la guerre civile qui s’y

poursuit ne peut être assimilée à une guerre de religion, bien qu’elle oppose des groupes ethniques ayant leur propre identité religieuse. Le rapport condamne particulièrement la purification ethnique menée par les Serbes orthodoxes contre les musulmans de Bosnie-Herzégovine, car elle s’ancre

avant tout «dans un nationalisme virulent, entretenu par d’anciens communistes, désireux de conserver le pouvoir en brandissant l’étendard de la

’résurrection’ d’une Grande Serbie orthodoxe». En raison de la guerre qui a

dévasté certaines régions, la situation est dramatique. Des centaines

d’églises et de mosquées ont été détruites, souvent volontairement, en

Croatie et en Bosnie-Herzégovine.

Albanie

Le seul pays communiste au monde à s’être jamais proclamé officiellement

«athée» rencontre également des difficultés à suivre la voie de la démocratisation, surtout depuis la défaite du Parti Démocratique et le retour en

force des communistes aux élections communales. Bien que la liberté religieuse en Albanie ait fait des progrès considérables, il subsiste nombre de

problèmes au niveau local. Ainsi des Eglises ont quasiment dû mendier auprès des municipalités la restitution des biens qui leur avaient été confisqués. Un projet de la Constitution n’accordant la liberté qu’à quatre

grandes religions a été remis à l’étude fin 1992 parce qu’il ne s’inscrivait pas dans l’esprit de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Mais d’aucuns s’inquiètent pour l’avenir de la liberté religieuse depuis

que l’Albanie est devenue membre, début décembre, de l’Organisation de la

Conférence islamique.

Grèce

Dans les pays démocratiques de la Communauté européenne, les diverses

Constitutions garantissent pleinement aux citoyens la liberté de religion

et de conviction. A une exception près: la Grèce, où des lois héritées de

la dictature de Metaxas, dans les années 30, continuent d’entraver les

droits religieux des non orthodoxes. Ainsi, pour construire un lieu de culte non orthodoxe, il faut non seulement un permis de l’Etat, mais l’autoristation de l’Eglise orthodoxe elle-même. La législation grecque prévoit

également l’expulsion des étrangers qui font du prosélytisme. Elle restreint la liberté de circulation des ecclésiastiques et des évangélistes

non orthodoxes, impose aux publications religieuses non orthodoxes des réglementations discriminatoires et bloque l’accès des citoyens non orthodoxes à l’enseignement.

Au cours des huit dernières années, quelque 2’000 personnes ont été arrêtées et déférées devant les tribunaux pour avoir enfreint les lois de Metaxas. En Grèce, la mention de la religion reste d’ailleurs bizarrement obligatoire sur la nouvelle carte d’identité européenne. Malgré les pressions

constantes de la CE, les objecteurs de conscience sont habituellement condamnés à quatre ans de prison militaire. De son côté, l’importante minorité

musulmane de souche turque se plaint régulièrement de violations de ses

droits religieux, pourtant garantis par le Traité de Lausanne, signé en

1923 entre la Grèce et la Turquie.

Espagne

Depuis avril 1992, l’espace de liberté religieuse s’est élargi en Espagne. Désormais les communautés protestantes, juives et musulmanes jouissent

des mêmes droits que l’Eglise catholique pour le statut des ministres du

culte, la fiscalité, les cours de religion dans l’enseignement public, les

aumôniers militaires, les aumôniers de prison et d’hôpitaux.

Turquie

En Turquie, Etat laïc où l’islam est religion dominante, le problème de

la liberté religieuse concerne essentiellement la sauvegarde des droits et

des libertés des minorités chrétiennes. La communauté chrétienne du sud-est

de la Turquie est en voie d’extinction, à cause des diverses formes de persécutions dont ses membres sont victimes depuis des décennies: atteintes à

la sécurité et à la vie des personnes, assassinats, enlèvements, destruction des biens et des maisons, impunité des coupables et transformation des

églises en mosquées.

On y trouve encore des obstacles à la reconnaissance légale des communautés chrétiennes, à la construction ou à la réparation des églises. Enfin

des discriminations professionnelles existent comme aussi le laxisme des

autorités à l’égard de discours et d’actes à caractère raciste de la part

de fondamentalistes musulmans. C’est pourquoi des dizaines de milliers de

chrétiens ont quitté le pays au cours des dernières décennies. Et ce mouvement d’émigration ne semble pas s’arrêter: la situation s’est encore aggravée pour les chrétiens du sud-est de la Turquie où de violents combats opposent régulièrement les troupes turques à des combattants kurdes.

Recommandations

Tout en se réjouissant des progrès accomplis à travers l’Europe dans le

domaine de la liberté religieuse, «Eglisi» conclut son rapport en soulignant combien les progrès de demain resteront liés à la poursuite de la démocratie, laquelle est impossible dans un pays tant qu’il reste plongé dans

des guerres internes et que l’autorité de l’Etat n’est pas restaurée.

En ce qui concerne la Grèce et la Turquie, «Eglisi» invite les hommes

politiques, les parlemantaires nationaux et européens de la Communauté,

ainsi que les décideurs en général à soutenir une série de recommandations

et de les faire appliquer par les gouvernements d’Athène et d’Ankara. Ces

recommandations portent notamment sur la reconnaissance de la liberté de

culte et d’expression des convictions religieuses, mais aussi sur le refus

de toute discrimination pour des motifs religieux, à commencer par les discriminations qui portent atteinte à la vie et à la sécurité des personnes.

(apic/cip/ba)

(Le rapport «La Liberté religieuse en Europe en 1992» peut être obtenu

auprès de Eglisi B.P. 7 7090 Braine-le-Comte, Belgique)

5 janvier 1993 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 5  min.
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