Egypte: Après les émeutes de 2013, projets de réconciliation à Delga

Minya, 27 janvier 2015 (Apic) La localité de Delga, dans la province de Minya, en Haute-Egypte, a souffert ces dernières années d’affrontements entre clans familiaux et de violences commises par les groupes islamistes fondamentalistes. Ces incidents ont fait des morts et contraint de nombreuses familles chrétiennes à quitter leurs habitations. Pour favoriser une recomposition progressive de la coexistence sociale, le diocèse copte catholique de Minya a choisi de promouvoir une série de projets dans cette zone conflictuelle.

Pour rappel, les partisans du président destitué Mohamed Morsi avaient transformé Delga en une sorte d’Etat parallèle où les chrétiens devaient payer la «jizya», l’impôt de «protection» auquel les adeptes du Coran assujettissaient les non-musulmans. Les islamistes avaient pris le contrôle de l’agglomération entre le 14 août et le 16 septembre 2013, avant le rétablissement de l’ordre par l’armée égyptienne. Les émeutiers avaient incendié plusieurs églises, accusant les coptes d’être complices de la destitution du président islamiste.

Promouvoir un changement de mentalité

Les projets, déclare à l’agence d’information vaticane «Fides» Mgr Botros Fahim Awad Hanna, évêque copte catholique de Minya, cherchent à préparer le terrain et à favoriser un changement de mentalité qui élimine de manière préventive les préjudices et les étroitesses de vue». Il explique que dans un contexte où les tensions entre clans familiaux sont souvent instrumentalisées, elles prennent des contours religieux.

Les projets sont gérés par un groupe de quarante personnes, chrétiennes et musulmanes, résidant pour moitié à Delga. Ces personnalités ont recréé le comité local de la «Maison de la famille égyptienne», un organisme de liaison interreligieux créé voici des années par le grand imam d’al-Azhar et par le patriarcat copte orthodoxe. C’est un instrument qui doit prévenir et apaiser les oppositions sectaires qui mettent en danger l’unité nationale.Séminaires d’étude sur la coexistence

Pour le moment, le projet phare à Delga consiste en une permanence médicale, ouverte avec la contribution du Catholic Relief Service, la Caritas des Etats-Unis, où chrétiens et musulmans peuvent bénéficier d’une assistance médicale et de visites de spécialistes. Font également partie du programme de soutien à la réconciliation sociale et interreligieuse l’inauguration d’une bibliothèque ouverte à tous, la création d’un dispensaire permettant de garantir aux familles les plus pauvres l’accès aux biens de première nécessité et, surtout, des séminaires d’étude portant sur les thèmes de la coexistence, de la citoyenneté et de la pacification, fréquentés par des jeunes, chrétiens et musulmans.

«En certaines occasions, indique Mgr Botros Fahim Awad Hanna, les jeunes musulmans et chrétiens impliqués dans ces initiatives ont voulu manifester publiquement l’esprit de réconciliation qui les unit en se promenant ensemble et en s’arrêtant pour parler et plaisanter dans les espaces publics les plus fréquentés du village. Ce sont des moments de partage auxquels ont parfois pris part des prêtres et des imams de la zone».

Destruction d’églises et d’institution chrétiennes

Dès avant le 14 août 2013 – date de la sanglante répression des manifestants pro-Morsi qui occupaient les places du Caire à Al-Nahda et Rabiya Al-Adawiya -, les violences contre les chrétiens coptes étaient monnaie courante. Depuis les minarets, les haut-parleurs des islamistes s’en prenaient aux «Nazaréens», le qualificatif insultant désignant les chrétiens. Dans tout le pays, près de 80 églises, centres sociaux et écoles relevant aussi bien de l’Eglise copte-orthodoxe que des Eglises copte-catholique ou protestantes ont été détruits durant l’été 2013. Au cours d’actions coordonnées, des institutions coptes orthodoxes, protestantes et catholiques, ainsi que des écoles, des commerces et des maisons appartenant à des chrétiens ont été attaqués les 14 et 15 août au Caire, à Alexandrie, à Assiout, à Sohag et à Minya.

C’est à Minya, où les chrétiens forment au moins 15% de la population, que les attaques visant les chrétiens ont été les plus dures. C’est là que la majorité des églises ont été brûlées: 28 églises, centres sociaux, écoles, orphelinats ont été incendiés. Le Centre culturel jésuite, un immeuble de cinq étages, a été détruit. Il comprenait notamment une bibliothèque et des classes qui accueillaient des handicapés physiques et mentaux. La grande majorité des usagers étaient des musulmans. Des magasins appartenant aux coptes ont été pillés et saccagés sans que la police ne cherche à intervenir. (apic/fides/com/be)

27 janvier 2015 | 15:46
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 3 min.
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