Egypte: Dans le sillage de Soeur Emmanuelle, avec Soeur Sara
«Je ne cherche pas à être comme Soeur Emmanuelle»
Paris, 15 novembre 2007 (Apic) «Je ne cherche pas à être comme Soeur Emmanuelle», assure Soeur Sara, dans une interview accordée au quotidien catholique français «La Croix». Copte-orthodoxe, supérieure de la congrégation des Filles de Marie, Soeur Sara est née en 1946 à Minya, en Moyenne-Egypte. Elle a rejoint Soeur Emmanuelle, qui fête son 99e anniversaire vendredi 16 novembre, en 1976 et lui a succédé en 1993
Soeur Sara se souvient de sa rencontre avec Soeur Emmanuelle: «C’était en 1976, cinq ans après son arrivée en Egypte. Soeur Emmanuelle avait entendu parler de ma congrégation des Filles de Marie, un ordre copte-orthodoxe fondé en 1965 par l’évêque de Beni-Souef, Anba Athanasious, pour aider les pauvres. Elle a demandé à venir passer quelques jours chez nous. Depuis toujours, elle avait l’idée de demander à des autochtones de prendre sa suite. Quand elle est arrivée, j’étais en train de nettoyer les escaliers à la serpillière. Elle a demandé si elle pouvait voir la supérieure. Je lui ai répondu : « C’est moi ! » Je pense que ça l’a touchée. Tout de suite, nous nous sommes bien entendues.
La religieuse copte-orthodoxe se rappelle aussi qu’après son séjour chez nous, elle – Soeur Emmanuelle – nous a invitées à venir voir ce qu’elle faisait avec les chiffonniers à Ezbeth-Al-Nakhl, le premier quartier où elle s’était installée. «Sur place, j’ai été bouleversée : jamais, jamais je n’avais vu des conditions de vie pareilles. Pendant trois jours, j’ai pleuré. Tout le monde vivait dans des cabanes en bidons. Les pères et leurs fils allaient chercher les ordures dans toute la ville dans une charrette tirée par deux ânes : les enfants surveillaient la charrette pendant que leur père parcourait les immeubles pour prendre les ordures. Une fois qu’ils étaient revenus, les femmes et les filles ouvraient les charrettes, renversaient le contenu par terre et triaient : verre cassé, ferraille, papier, nourriture pour leur cochon.»
Soeur Sara n’a pas eu de mal à quitter sa responsabilité, sa position de supérieure. Non, pas du tout !, assure-t-elle. «J’ai été très bien préparée par mon éducation. Au départ, je m’occupais du jardin d’enfants dans une cabane en bidons, des cours de couture pour les filles, d’alphabétisation pour les pères et les garçons le soir après le travail. Et j’animais des veillées de prière. Nous vivions toutes deux dans une cabane, au milieu des chiffonniers, buvant la même eau, mangeant presque la même nourriture. Et pourtant, jamais, jamais, ni elle ni moi ne sommes tombées malades !»
Le doute, parfois.
La religieuse confie avoir connu le doute. «Lorsque je voyais un jeune homme mourir d’un coup de couteau, ou des femmes maltraitées. Mais j’étais portée par la prière, et par la présence de Soeur Emmanuelle, avec laquelle, relève-t-elle, elle n’a jamais eu de divergences théologiques: «On a la même foi, le même Christ. Elle allait dans son église catholique latine dans le centre-ville, moi dans la mienne, sans problème.
Comment prend-on la succession d’une personnalité comme Soeur Emmanuelle? «Je n’ai pas pris sa succession: je continue seulement ce que nous avons commencé ensemble. Chacun a ses dons, et je ne cherche pas à être comme Soeur Emmanuelle ! Je n’ai pas son charisme. Mais je continue. L’essentiel est de faire au mieux pour les chiffonniers». Soeur Sara assure encore garder le contact avec elle. «C’est ma grande soeur. Nous nous appelons toutes les deux ou trois semaines : elle demande des détails, des nouvelles. Même les plus jeunes la connaissent ! Et chaque fois que je viens en France, je vais la voir». (apic/cx/mds/pr)