Enfants de Gaza: «La Suisse doit honorer sa tradition humanitaire»
Un premier groupe de sept enfants gazaouis blessés a été acheminé vers la Suisse le 24 octobre 2025. Des responsables catholiques saluent l’opération humanitaire de la Confédération tout en déplorant le manque d’engagement de certains acteurs.
La Confédération a évoqué la prise en charge d’environ 20 enfants de Gaza grièvement blessés dans le cadre de l’opération humanitaire. Le premier convoi comprenait sept enfants (arrivés le 24 octobre 2025). D’autres arrivées sont attendues.
L’initiative réjouit Pascal Bregnard, directeur de Caritas Fribourg. «Il y a un grand besoin d’accueillir ses enfants qui ne peuvent pas bénéficier de la prise en charge médicale adéquate sur place», note le responsable catholique. Pour lui, une telle opération «fait partie de la tradition humanitaire de la Suisse». II appelle à ce que le concept d’accueil d’enfants blessés dans des zones de guerre puisse être élargi.
Des problèmes sécuritaires?
La Confédération a indiqué que les enfants de Gaza seraient répartis dans plusieurs cantons et pris en charge par des hôpitaux universitaires et cantonaux. Mais si de nombreux cantons se sont engagés à les accueillir, tels que Genève, Vaud, Bâle-Ville, Lucerne, Saint-Gall, ou encore le Tessin, d’autres, notamment Fribourg, Zurich, ou encore Argovie ont refusé de les prendre en charge.

Les opposants au projet, principalement issus de l’UDC, mettent en avant des préoccupations sécuritaires, note la RTS. «Ces vingt enfants ne posent probablement pas de problème aux gens», reconnaît la conseillère nationale Barbara Steinemann (UDC/Zurich). «Mais il y a une centaine de personnes supplémentaires qui les accompagnent et qui viennent de mondes totalement différents du nôtre», a-t-elle ajouté.
D’autres partis politiques ont déploré de leur côté un réflexe «cynique» et des arguments sécuritaires qui ne tiennent pas la route. Des médias se sont aussi exprimés de manière négative envers les cantons réticents. À Fribourg, le rédacteur en chef de La Liberté, François Mauron, estime dans un éditorial que le Conseil d’État «se couvre de honte» avec cette décision. Il fustige notamment le «ridicule» de l’argument économique brandi par le Conseil d’État, tout en relevant les valeurs chrétiennes portées par le canton: «Peut-être faut-il rappeler, en cette terre fribourgeoise façonnée par le catholicisme, ce chant de messe: ‘Laisserons-nous à notre table/Un peu de place à l’étranger, /Trouvera-t-il quand il viendra/Un peu de pain et d’amitié?’»
Caritas Genève en soutien
Du côté de Caritas Fribourg, la décision du canton n’est pas non plus bien perçue. «On peut déplorer cette frilosité, qui me semble excessive lorsqu’il s’agit de faire valoir la solidarité», commente Pascal Bregnard.
À Genève, Caritas joue un rôle dans l’accueil d’un des sept enfants évacués de Gaza. «Nous avons été sollicités via les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) (qui font partie des établissements de prise en charge) pour gérer un aspect de logement, indique à cath.ch Sophie Buchs, directrice de Caritas Genève. Cela parce que nous avons déjà un programme de placement de réfugiés dans des familles. Nous regardons cela avec la communauté arabophone. Nous coordonnons aussi un réseau de bénévoles qui se sont mobilisés pour l’accompagnement sur place de l’enfant et de son entourage.»
Sophie Buchs voit aussi positivement l’initiative de la Confédération. «On ne peut certainement pas rester insensible lorsqu’on voit la détresse qui règne à Gaza. L’accueil et le soin des blessés font en outre partie des valeurs communes de la Suisse et du christianisme.»
La peur qui pousse à ne pas tendre la main
Au Tessin, un enfant gazaoui a également été admis à l’hôpital de Bellinzone. Le docteur Giovanni Pedrazzini, chef du service de cardiologie de Cardiocentro de Lugano s’en réjouit. «Je crois en la tradition suisse d’accueil», commente-t-il à catt.ch. Il ne peut cependant cacher ses préoccupations face aux polémiques provoquées par cette démarche. «Je me rends malheureusement compte que quelque chose change (…) D’un côté, il y a le désir d’accueillir les enfants et leurs familles, de l’autre, il y a ce sentiment, pour moi inexplicable, de peur qui pousse à ne pas tendre la main et à ne pas offrir d’accueil ou de soins.»

Giovanni Pedrazzini a été l’un des signataires d’une lettre adressée en juin dernier aux autorités fédérales pour demander plus de sensibilité face à la situation à Gaza. «Un médecin ne se pose pas la question de l’origine d’un patient, mais s’engage toujours à le soigner, affirme le cardiologue. Henry Dunant, l’un des fondateurs de la Croix-Rouge, a affirmé qu’il n’y a pas de blessés amis ou ennemis, mais seulement des blessés. Face à cette situation, je m’attendais à ce que la Suisse accueille sans réserve, mais ce n’est pas le cas. Face à un enfant blessé, il n’y a pas de questions, il n’y a que de l’aide et de l’accueil.»
«Personnellement, j’espère qu’il y en aura encore beaucoup d’autres, assure le médecin, car ces vies apporteront dans nos hôpitaux de l’espoir, de la motivation et un sentiment d’appartenance.» (cath.ch/catt/sg/arch/rz)






