L’institut des dominicaines du Saint-Esprit a son siège à Pontcallec, dans le Morbihan | DR
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Enquête sur des abus chez les dominicaines de Pontcallec

Les dominicaines du Saint-Esprit, basées à Pontcallec (Bretagne), veulent faire la lumière sur les abus répétés commis au sein de leur institut. Des religieuses auraient subi des agressions sexuelles de la part d’un prêtre dans les années 2010, sur fond de séances d’exorcisme. Une commission d’enquête indépendante va mener un travail scientifique.

Plus de dix ans après les graves dérives survenues au sein de la congrégation des dominicaines du Saint-Esprit, dont le siège est situé au domaine de Pontcallec, dans le Morbihan, les sœurs viennent d’annoncer, à la demande du pape François, la création d’une commission pluridisciplinaire indépendante, rapporte Radio chrétienne francophone (RCF), le 18 avril 2024.

Celle-ci sera dirigée par l’historien Paul Airiau, ancien membre de l’équipe de recherche socio-historique préparatoire à la CIASE. Les recherches devront faire la lumière sur les abus commis dans la communauté des dominicaines du Saint-Esprit dans les années 2010-2013.

Un exorcisme perverti

L’affaire remonte à la fondation de l’institut en 1943 par l’abbé Victor-Alain Berto. Figure du traditionalisme français, il a été le théologien privé de Mgr Lefebvre pendant le Concile Vatican II. Après sa mort en 1969, l’institut est encore très marqué par son autorité et ses écrits.

En 2010, une mise à jour du fonctionnement de l’institut est lancée, on évoque alors un projet de béatification du fondateur. À ce moment-là, des religieuses âgées témoignent «d’actes déplacés contraires à la chasteté» de l’abbé Berto. C’est dans ce contexte qu’un nouvel aumônier arrive à Pontcallec, l’abbé Cadiet, membre de la fraternité Saint-Pierre. Pour accompagner les sœurs qui dénoncent les agissements de l’abbé Berto, la supérieure et la maitresse des novices de l’époque confient dès 2011 à l’abbé Cadiet le soin d’exorciser quelques religieuses bouleversées par les révélations.

Le nouvel aumônier est convaincu que «le fondateur de l’institut a appartenu à une société secrète, qu’il a eu des pratiques ésotériques, qu’il a pactisé avec le démon». Il organise alors des séances d’exorcisme pour libérer les sœurs de l’emprise démoniaque de l’abbé Berto. Dans le même temps, encore une fois, des religieuses subissent des agressions sexuelles. La psychose se répand alors dans toute la communauté.

Faire la lumière sur les faits et les réactions des responsables

À l’époque, plusieurs plaintes ont été déposées devant le tribunal civil de Lorient pour «actes de torture et barbarie». Une enquête a été menée par la Commission Ecclesia Dei, en charge à Rome des instituts traditionalistes. Elle conclut en 2016 que «la pratique incompétente de l’exorcisme et l’utilisation frauduleuse et pervertie de ce sacramental» avait eu pour conséquence d’avoir favorisé «une dérive de type sectaire conduisant à la division au sein de l’institut.» 

Les responsables de la communauté et l’abbé Cadiet ont été écartés. Certaines sœurs ont été exclues de la vie religieuse. Le cardinal Marc Ouellet a ensuite été chargé par le pape d’accompagner la communauté. Le pape François lui-même avait adressé une lettre aux sœurs en janvier 2022 pour présenter ses excuses pour les défaillances de la Curie romaine à l’égard des sœurs de Pontcallec.

Pour Paul Airiau, directeur de la commission d’enquête, «la parole des victimes, leur vécu psychologique, leur traumatisme spirituel marque encore très profondément les dominicaines du Saint-Esprit. Pour les sœurs concernées, l’institut et les autorités ecclésiastiques n’ont pas pris la mesure de ce qui s’est produit et n’ont pas permis de guérir», relaye RCF.

Une enquête scientifique

La commission d’enquête doit mener un travail scientifique. Pour cela, elle est composée d’un historien, d’un ancien exorciste diocésain, d’un psychiatre, d’un ancien magistrat et d’une supérieure religieuse. Elle doit permettre de «comprendre la dynamique qui a permis d’aboutir à ces actes, de voir comment cela a été perçu, compris et dénoncé. Comment cela a été traité à l’intérieur de l’institut et par les autorités qui ont enquêté sur l’affaire», explique Paul Airiau, son président.

«Il est intéressant de comprendre cette crise dans le contexte général d’abus dans l’Église, de rapprocher cette enquête de toutes les enquêtes qui sont produites pour comprendre quelles sont les logiques qui aboutissent à des mécanismes d’emprise ou d’abus à l’intérieur d’organismes qui ont leur propre logique de fonctionnement. Ce sont des lieux d’observation très intéressants sur les rapports de pouvoir, les manières d’exercer l’autorité, les manières d’obéir ou pas», confie l’historien.

La congrégation déjà dans le tumulte pour une autre affaire

Le travail de cette commission d’enquête n’a rien à voir avec le renvoi de la vie religieuse d’une des sœurs de Pontcallec, Mère Marie Ferréol, ni avec la condamnation par un tribunal français de plusieurs responsables d’Église, dont le cardinal Marc Ouellet.

Un rapport d’enquête sur l’institut des dominicaines du Saint-Esprit sera remis au pape en 2025. (cath.ch/rcf/gr)

L’institut des dominicaines du Saint-Esprit a son siège à Pontcallec, dans le Morbihan | DR
19 avril 2024 | 17:04
par Grégory Roth
Temps de lecture: env. 3 min.
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