Bellelay: Une abbatiale au destin exceptionnel

Epicentre de l’histoire religieuse et culturelle du Jura

Bellelay, 21 septembre 2014 (Apic) L’abbatiale de Bellelay, épicentre de l’histoire religieuse et culturelle du Jura, mais aussi enjeu identitaire dans le contexte de la question jurassienne, célèbre son tricentenaire. Consacrée en septembre 1714, l’église baroque nichée au milieu des pâturages du Jura bernois a donné lieu le 20 septembre à un riche colloque, «Bellelay, 1714-2014. Des chanoines prémontrés à l’espace d’art contemporain».

Lors de l’événement, organisé sous la houlette de la Société jurassienne d’émulation et des archives de l’ancien évêché de Bâle (AAEB), huit intervenants de haut vol ont retracé le destin d’un chef-d’œuvre soumis aux aléas et à la violence de l’histoire.

Symbole d’une aventure spirituelle et architecturale qui continue de fasciner au-delà de sa désacralisation lors de l’invasion française en décembre 1797, l’abbatiale de l’ex-district de Moutier demeure un monument exceptionnel au puissant rayonnement artistique et religieux, selon les termes de Jean-Claude Rebetez. «Plus grande église de l’ancienne principauté épiscopale de Bâle, avec ses 60 m de longueur et sa nef de 12 m de largeur, elle abritait un chœur liturgique qui pouvait accueillir 56 stalles et comprenait 14 confessionnaux.» Et le conservateur des AAEB de poursuivre: «En 1770, le site de l’abbaye – il remonte au XIIe siècle – comptait 78 résidants, 34 conventuels, 4 novices et 40 laïcs. Avec les dépendances, il regroupait 95 personnes.»

Un lieu où l’on cultive l’esprit classique

Le gigantisme et la grandeur de l’abbatiale reflètent le pouvoir économique des Prémontrés, gros propriétaires fonciers, et l’influence à la fois spirituelle et sociale de l’ordre catholique fondé par Saint Norbert, laquelle s’exerce dans la mission pastorale et l’enseignement en tout premier lieu. «Le style de l’église, avec une façade tout en sévérité, en retenue, en sobriété, renvoie à l’identité religieuse des chanoines réguliers ainsi qu’à l’orthodoxie du couvent dominée par l’antijansénisme», a argumenté Jean-Claude Rebetez. Aux yeux du médiéviste, le message est clair: le couvent se veut un lieu où l’on cultive l’esprit classique et l’amour de l’ordre.

Son faste et son aura, l’abbatiale de Bellelay les doit à deux hommes: Jean Georges Voirol (1672-1719), 38e abbé du site prémontré, et Franz Beer (1660-1726), architecte et entrepreneur de l’école du Vorarlberg. En 1709, année marquée par une phase de reconstruction totale de l’église d’influence gothique, trop exiguë et aux structures jugées incohérentes, le religieux jurassien et l’artiste autrichien tombent d’accord pour transformer l’édifice en joyau du baroque. «Maître d’œuvre de l’abbatiale bénédictine de Rheinau, Franz Beer s’inspire de ce modèle zurichois pour élaborer les plans de Bellelay. Porté par sa verve innovatrice et fidèle à la tradition du Vorarlberg, il façonne une église à contreforts intérieurs liés par des coursives», a expliqué l’historien de l’art bâlois Georg Germann. Et Jean-Claude Rebetez de rappeler que le chantier coûtera quelque 39’000 livres d’Ancien Régime, «une somme très importante».

Grandeur et décadence

L’arrivée des troupes françaises à la fin du XVIIIe siècle sonnera le glas de la vocation strictement religieuse de Bellelay. Les chanoines sont chassés, les richesses prémontrées pillées. Désaffecté, le site de Bellelay abritera au XIXe siècle tour à tour une manufacture de montres, des brasseries ainsi qu’une verrerie, comme l’ont souligné les historiens Philippe Hebeisen et Ursule Babey. Si les bâtiments de Bellelay sont rachetés en 1891 par l’Etat de Berne, qui transforme le couvent en clinique psychiatrique, l’abbatiale agonise dans un état de délabrement jusqu’au milieu du XXe siècle. Depuis 1963, nouvelle renaissance, l’église, à l’instar de moult édifices religieux, s’est mué en foyer culturel consacré à l’art contemporain. Ce dernier serait-il la «nouvelle religion» qui habite les lieux, s’est interrogée, un brin provocatrice, Régine Bonnefoit, conservatrice de la Fondation Oskar Kokoschka, à Vevey.

Encadré

Bref historique de l’abbatiale de Bellelay

1714, 13 septembre: consécration de la nouvelle église baroque bâtie par l’abbé Jean Georges Voirol et conçue par l’architecte Franz Beer.

1797, décembre: dernière messe chantée dans l’abbatiale

(15 décembre), occupation de l’édifice par les troupes françaises, confiscation de l’église et des biens conventuels comme biens nationaux.

1798: achat du couvent et de l’église par Frédéric Japy-Amstutz (Beaucourt, Territoire de Belfort), maître-horloger, qui en fait une fabrique d’horlogerie. L’église sert de remise.

1891, 12 septembre: achat des bâtiments par le canton de Berne.

1899, 20 avril: ouverture des portes de la clinique psychiatrique. L’église continue d’être utilisée comme remise.

1949: classement comme monument historique.

1957: début de la restauration.

1961, 1er juillet: inauguration de l’église restaurée.

1963: début de l’usage comme espace d’expositions et de concerts.

1982: création de la Fondation de l’abbatiale de Bellelay.

2014: festivités du Tricentenaire de l’abbatiale de Bellelay.

(apic/eda/rz)

21 septembre 2014 | 10:57
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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