On n’entre pas dans le tunnel sans la protection de sainte Barbe
Erstfeld: Deux réalisateurs se penchent sur la croyance des mineurs au Gothard
Georges Scherrer, Apic / Traduction: Bernard Bovigny
Erstfeld (Uri), 14 mars 2007 (Apic) Les constructeurs de tunnel ne se mettent jamais à l’oeuvre sans implorer la protection de sainte Barbe. Cette vénération fait l’objet d’un documentaire suisse signé Bruno Merlo et Philipp Unterschütz. Les deux réalisateurs ont enquêté dans le tunnel de base du Gothard, actuellement en construction.
Le film «Sainte Barbe, patronne des gens de la montagne / Des mineurs dans le plus long tunnel du monde» est en quelque sorte une oeuvre secondaire. Le producteur Bruno Merlo est responsable de la documentation filmée pour l’entreprise Alp Transit Gotthard AG, laquelle construit le plus long tunnel du monde avec ses 57 kilomètres. Philipp Unterschütz est quant à lui membre de l’équipe de communication dans la même entreprise.
Durant leurs séjours professionnels dans le chantier souterrain, tous deux ont été impressionnés par la vénération à l’égard de sainte Barbe, explique Philipp Unterschütz à l’Apic. «Le thème nous a tenu à coeur», et a finalement abouti à la réalisation d’un documentaire.
L’importance de sainte Barbe pour les perceurs de tunnel et la protection pour laquelle elle est sollicitée sont illustrées par le fait que sa statue se trouve toujours à l’entrée du chantier. En raison de travaux d’assainissements, une de ces statues de 40 cm de haut a une fois été ôtée de sa niche. Deux types de réactions s’en sont suivies. Une partie des mineurs, dont de nombreux Autrichiens, n’ont pas osé pénétrer dans le tunnel. Le fait que leur sainte patronne ne se trouve pas à son emplacement était signe de malheur. Les Suisses, par contre, sont entrés. Ils ont cependant demandé à leurs supérieurs de régler cette affaire. Les réalisateurs ont aussi approché des travailleurs musulmans qui affirment: «Elle nous protège nous aussi».
La statue de sainte Barbe est retirée de sa niche, bénie et remise en place chaque année le jour de sa fête, le 4 décembre. Lors de la messe célébrée dans le nouveau tunnel du Gothard, une pensée est adressée aux mineurs décédés. Dans les intentions de prière, sainte Barbe est remerciée pour sa protection et à nouveau invoquée. Quelques travailleurs lui adressent des poèmes. Tous ceux qui peuvent se libérer participent à la célébration.
Légende et fondement historique de sainte Barbe
Le film aborde également la légende de sainte Barbe. Elle a vécu selon la tradition au 3e siècle à Nicomédie (actuel Izmit) en Asie Mineure. Son père, païen, aimait sa fille par-dessus tout. Lorsqu’elle est devenue chrétienne, il entreprit tout afin de l’éloigner du christianisme. Par dépit et colère à cause de l’entêtement de sa fille, il l’enferma et elle mourut en raison de sa foi. D’autres versions légendaires affirment que son père l’a enfermée dans une tour pour mettre sa beauté à l’abri des convoitises. Et lorsqu’elle devint chrétienne, il la livra au gouverneur qui la fit décapiter par le père lui-même. La foudre s’abattit immédiatement sur lui. C’est la raison pour laquelle sainte Barbe est la patronne de ceux qui ont affaire au feu: sapeurs-pompiers, artilleurs, artificiers, mineurs.
Les auteurs du film ont interrogé le théologien lucernois Otto Gemperli afin de savoir si la légende a des fondements historiques.
Le tournage du film a également eu lieu à la bibliothèque du couvent d’Einsiedeln, où des archives manuscrites ont été filmées, et à l’Université de Bâle. Au musée diocésain de Rottenburg-Stuttgart, le conservateur Wolfgang Urban explique le cheminement qui a fait de Barbe une des plus importantes saintes de la chrétienté. En plus des métiers du feu, elle est la patronne des paysans, architectes, charpentiers, couvreurs, électriciens, bouchers et autres groupes de métiers. Sur l’île de Burano, près de Venise, Don Renzo, le curé, montre aux réalisateurs les plus importantes reliques de sainte Barbe.
Financement insuffisant
Bruno Merlo et Philipp Unterschütz ont partiellement financé le film de leur propre poche. Ils ont tout de même été soutenus par diverses institutions des cantons de Lucerne, Uri et Grisons, ainsi que par des donateurs privés. Les sponsors principaux ont été les assurances Allianz Suisse / Nationale Suisse, qui assurent le chantier du tunnel de base.
Les deux réalisateurs ont tout de même une pointe d’amertume sur la langue. Ils regrettent de ne pas avoir été soutenus par l’Eglise catholique. Le service catholique des médias à Zürich les a renvoyés aux diocèses. Ils n’ont pas voulu entrer dans un marathon à travers les différentes instances catholiques et ont adapté le budget et le concept à leurs possibilités financières.
Accomplir un bénéfice ne faisait en aucun cas partie de leurs intentions, affirme Philipp Unterschütz. Et pourquoi ont-ils réalisé ce film? «Le thème nous a tenus à coeur. Nous avons toujours été impressionnés par la dévotion des constructeurs de tunnel à l’égard de sainte Barbe».
Note: Une photo gratuite sur ce thème est disponible à l’adresse kipa@kipa-apic.ch
La page internet www.alptransit.ch/pages/d/service/videos_hlbarbara.php montre un extrait du film et donne des informations pour le commander.
(apic/gs/bb)