béatification d’Isabelle la Catholique

Espagne: polémique autour du projet de (161290)

Madrid, 16décembre(APIC) La polémique rebondit en Espagne à propos du

projet de béatification d’Isabelle la Catholique, mis en route à la fin du

19e siècle, repris au temps du franquisme et rouvert récemment au Vatican.

Les réactions émanent non seulement des milieux juifs et musulmans, mais

également de catholiques. C’est en effet Isabelle la Catholique qui signa

en 1492 l’édit de bannissement de 150’000 juifs d’Espagne. Cet édit sera

abrogé solennellement par le roi Juan Carlos en 1992, dans le cadre du cinquième centenaire de la colonisation de l’Amérique.

Selon le vice-président (juif) du Comité judéo-chrétien de Catalogne,

Carlos Pennaroch, la béatification de la reine de Castille «pourrait avoir

des conséquences pires que celles de l’affaire du Carmel d’Auschwitz, car

s’il est toujours possible de déplacer un Carmel, on ne peut annuler une

béatification».

L’affaire a été évoquée par Mgr Fernando Sebastian, archevêque coadjuteur de Grenade, à l’occasion du 486e anniversaire de la mort d’Isabelle

(1504). «La piété personnelle de la reine catholique et son souci de promouvoir la réforme de certains aspects de l’Eglise à cette époque sont des

indications très sûres quant à la spiritualité de la reine Isabelle», a-til notamment commenté, avant d’ajouter: «De nos jours, il est difficile de

comprendre certaines attitudes de la reine, entre autres en raison de la

distance historique et culturelle de cinq siècles. Mais il faut reconnaître

que la reine a vécu intensément sa foi Chrétienne».

«L’éventuelle béatification de la reine n’est pas notre affaire», a expliqué à la presse Mgr Sebastian. Du reste, devait-il relever, cette question n’est pas d’une actualité particulière. «On en parle et on mène des

recherches depuis des années»; l’instruction du procès sera encore «très

longue».

Comité de patronage actif

En Espagne, le siège de la cause de béatification se trouve à la chapelle royale de Grenade, où reposent les Rois Catholiques (Ferdinand II d’Aragon et Isabelle de Castille, son épouse) et dans le diocèse de Valladolid.

Un comité international de patronage actif a également été mis sur pied.

Présidé par le cardinal Luis Aponte Martinez, archevêque de San Juan de

Puerto Rico et membre de la Congrégation romaine pour les causes des

saints, ce comité réunit une trentaine de personnes, parmi lesquelles de

hauts responsables ecclésiastiques d’Amérique du Sud et du Nord et de la

hiérarchie catholique espagnole très divisée sur la question, mais aussi

des historiens et des universitaires.

La campagne pour faire avancer la cause de béatification d’Isablle la

Catholique remonte au franquisme; elle est réactivée aujourd’hui dans le

contexte de la préparation des cérémonies du cinquième centenaire de l’arrivée en Amérique de Christophe Colomb. Des cérémonies et une commémoration

qui sont loin de faire l’unanimité en Europe et en Amérique latine en particulier. Une brochure consacrée à Isabelle la Catholique circule actuellement. La reine y est présentée comme «un modèle pour les adolescents, les

femmes, les mères et les chefs de gouvernements».

Unité et inquisition

Le mariage en 1469 de Ferdinand II d’Aragon et de l’Infante Isabelle de

Castille, qui arrivèrent au pouvoir respectivement en 1474 et 1479, fut une

étape décisive de l’unité espagnole. Les deux époux – les Rois Catholiques

– s’unirent pour achever la «Reconquista», avec la prise de Grenade en

1492, qui est également l’année de l’édit de bannissement et de l’arrivée

de Christophe Colomb en Amérique. Deux événements qui marquent pour l’Espagne, aux dires de certains historiens, le passage du Moyen-Age aux temps

modernes.

Dans le sud du pays, malgré «les capitulations» qui garantissaient le

respect de la religion du peuple (musulmane, mais également juive), les

Maures feront l’objet d’une campagne de conversions forcées qui provoqua un

soulèvement. Une fois celui-ci réprimé, les Maures eurent à choisir entre

l’exil et le baptême. Pour les juifs, l’édit de bannissement promulgué dès

1492 provoqua une persécution féroce. La reine Isabelle eut recourt à l’Inquisition, instituée en 1478 et qui, dans les tribunaux implantés dans tout

le pays et en Amérique latine ensuite, employait une lourde bureaucratie,

des espions et «des familiers» avec des moyens financiers considérables

(grâce à la confiscation des biens des victimes). La délation, la torture,

la mort et le secret absolu de l’instruction étant tristement liés à l’Inquisition

Détail Piquant: c’est un juif, Zacuto, qui construisit pour Christophe

CoLomb un astrolabe en métal et qui mit au point les tables astronomiques

utilisées par le navigateur… dont les origines juives sont admises par

les historiens. (apic/cip/pr)

16 décembre 1990 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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